La guerre en Ukraine va-t-elle accélérer la transition énergétique?
Outre des moyens importants, accélérer la transition énergétique vers le renouvelable nécessite des politiques publiques proactives.
Publié le 26-03-2022 à 07h00
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Alors que le prix des combustibles fossiles s'envole et que le gouvernement fédéral a pris la semaine dernière d'importants engagements en matière d'investissements dans les énergies renouvelables, est-il exact d'affirmer que le conflit en Ukraine a accéléré de facto la transition énergétique en Europe, et plus particulièrement en Belgique?
Pour Francesco Contino, professeur à l’UCLouvain spécialisé dans la transition et les combustibles alternatifs, il est nécessaire d’appréhender cette question selon deux points de vue différents.
Prise de conscience
Pédagogiquement, "la crise a eu comme intérêt de mettre en évidence notre manque d'indépendance énergétique" et de montrer " à quel point les combustibles fossiles pouvaient peser sur notre quotidien".
On s'est rendu compte "que nous étions tributaires de la géopolitique" et que "celle-ci avait une incidence directe sur les prix et le porte-monnaie des citoyens", complète Fabienne Collard, chercheuse au CRISP spécialisée dans le domaine des énergies.
De quoi, donc, nourrir les consciences.
«Porte ouverte»
Par contre, d'un point de vue économique, "on est passé d'une crise à une autre, reprend Francesco Contino. On a donc le nez dans le guidon." Et dans un tel contexte, le coût des matières premières s'envole. "Si de tels coûts augmentent, les investissements à pouvoir rediriger vers le renouvelable diminuent." Or, constate encore le professeur de l'UCLouvain, " la transition est très intensive en termes de capitaux".
Fabienne Collard salue d'ailleurs la "porte ouverte sur l'avenir" par la Vivaldi, laquelle a pour rappel annoncé vendredi dernier libérer 1,16 milliard d'euros en vue "d'accélérer le tempo des énergies renouvelables".
Manque d’ambitions
"Il y a là un positionnement à long terme, c'est-à-dire bien au-delà de 2025, ce qui est très positif", observe pour sa part Francesco Contino. Mais le professeur regrette cependant le manque d'ambition affiché: "Le plan sur la table déposé par la ministre Van der Straeten était ambitieux, mais les enjeux politiques et démocratiques ont rééquilibré" tout ça.
En réalité, "on se rend compte aujourd'hui de l'intérêt de l'intérêt de développer le renouvelable", analyse Fabienne Collard. Mais nous sommes dans le cas de cet accord face à "un ordre de grandeur qui peut faire penser qu'on le fait, mais pas suffisamment vite".
Facilitations et incitants
Accélérer la transition et investir massivement dans le renouvelable pour se débarrasser au plus vite du gaz russe, c’est la volonté affichée par l’Union européenne la semaine dernière, à l’occasion du sommet de Versailles.
Mais Fabienne Collard insiste: il existe "des projets pleins les cartons chez les producteurs d'énergie". D'autant que "du renouvelable, tout le monde en veut. Mais personne n'en veut dans son jardin ", observe encore la chercheuse.
C'est la raison pour laquelle il est nécessaire selon elle d'accompagner la libération de moyens financiers par "des politiques publiques proactives".
Un mauvais message
En matière de politiques, Francesco Contino observe qu'il "faut donner un signal fort aux investisseurs", par le biais notamment "de facilitations et d'incitants". Dans l'accord présenté la semaine dernière, "beaucoup de choses ont été formulées en ce sens", se réjouit ainsi le professeur.
Mais cela doit nécessairement s'accompagner "d'une stabilité dans la décision. Or, là, malheureusement, certaines décisions ne vont pas dans ce sens ", regrette le professeur Contino, faisant ainsi référence à la décision prise sur le fil de prolonger deux réacteurs nucléaires.