Faut-il avoir peur des métavers?
Depuis que Marc Zuckerberg a présenté sa vision du métavers, on parle beaucoup des univers virtuels. Six experts de l’UCLouvain analysent.
Publié le 25-01-2022 à 18h29
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Le métavers – metaverse en anglais – est un méta univers, un univers virtuel immersif, tel qu'il en existe dans les jeux vidéo. Vous y êtes présent sous forme d'un avatar.
Comme nos petits personnages sur Facebook? Ça va beaucoup plus loin, explique Olivier Servais, anthropologue (UCLouvain): " Il y a une forte dimension immersive, grâce aux casques virtuels et aux combinaisons sensorielles, qui existent déjà en Corée et au Japon. Dans ces plateformes en 3D, on peut tout faire: jouer, acheter dans des magasins, dialoguer avec d'autres personnes comme sur les réseaux sociaux."
Il peut y avoir plusieurs univers virtuels au début, mais évidemment, le patron de Facebook vise le monopole. "Il n'est pas à l'abri de l'échec, souligne Olivier Servais. L'histoire récente nous a montré que certains projets disparaissent, comme le Minitel, porté par la société publique française, en avance par rapport à internet à l'époque, mais qui a volé dans les poubelles de l'histoire. "
L'avantage de Marc Zuckerberg, constate Axel Legay, spécialiste en cybersécurité à l'école polytechnique de l'UCLouvain, c'est sa force de frappe: "50 milliards de dollars, et des équipes de centaines de personnes compétentes."
Le côté positif du métavers
L'anthropologue voit des côtés positifs dans cet univers virtuel: "Pour l'éducation, ça permet de rendre plus accessibles des dispositifs éducatifs de qualité. Mais aussi pour la culture, le commercial."
Thibaut Philippette, du Game Lab UCLouvain (département communication), compare l’expérience à celle de films où le monde virtuel prend toute la place, au dépens du monde réel, comme dans "Ready Player One"
"C'est à la base quelque chose pour les geeks", reconnaît Thibault Philippette. Il y a eu plusieurs tentatives de réalisation, déjà autour de 1985 avec "Habitat" de Lucas film, puis à la fin des années 90 avec Everquestou Ultima Online. Ensuite, au début des années 2000, il y a euSecond life, un espace joué virtuel où se déroulent aussi des happenings, et qui a été notamment été investi par des universités…"
Ingrid Poncin, professeur à la Louvain school of management voit le bénéfice pour les entreprises: "Ça va leur offrir de nouvelles opportunités pour interagir. Il y a un haut potentiel commercial: un marché de 800 milliards$ en 2024. Pas seulement au niveau du divertissement – comme les jeux vidéo – mais aussi la digitalisation des services: banques, services médicaux… Et pour les commerces, une offre personnalisée, plus adaptée au consommateur qu'il ne le pense lui-même."
Le négatif du métavers
Le métavers, c'est de la technologie, du virtuel: ça consomme énormément d'énergie (fois 100 voire fois 1 000 par rapport à la consommation actuelle, selon Olivier Servais). "C'est aussi rester plus souvent statique, et développer des maux différents", ajoute-t-il.
L'expérience culturelle, éducationnelle, l'ingénieur Axel Legay y croit peu: "Plutôt que de proposer à un étudiant à mobilité réduite d'assister au cours en réalité augmentée, le métavers risque de lui proposer l'achat d'une nouvelle chaise." Le spécialiste en cybersécurité souligne que nos mouvements, nos paroles seront espionnés par les combinaisons et casques, permettant de détecter des maladies mentales ou physiques "pour proposer l'achat d'un traitement… ou pour inciter un employeur à ne pas engager cette personne."
Si les interactions dans un monde virtuel peuvent aider des personnes souffrant de phobies sociales, le côté addictif, risque d'emprisonner. "Pour que la vraie vie continue à fonctionner, il faut éduquer et limiter", prévient le psychiatre Gérald Dechietere (cliniques universitaires Saint-Luc). Philosophe et professeur d'éthique, Mark Hunyadi est plutôt inquiet, car selon lui: "Marc Zuckerberg n'a pas de limite. Mais nous sommes libres de nos actes: si les gens ne vont pas sur le métavers, il n'existe pas… "