Fermer les écoles maternelles et primaires dans 2 semaines a-t-il du sens?
CODECO | Le comité de concertation a finalement accouché d’une souris. La mesure phare, la fermeture des écoles maternelles et primaires telles que réclamées par les experts du GEMS, ne prendra court que dans deux semaines. Un non-sens? Nous avons posé la question à Catherine Linard, géographe de la santé et professeur à l’UNamur.
Publié le 03-12-2021 à 18h03
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On attendait des mesures drastiques mais, finalement, celles prises par le codeco réunis en urgence ce vendredi apparaissent, une nouvelle fois serait-on tenté d’écrire, comme un peu faiblardes. Un léger tour de vis. Sauf pour ce qui concerne l’école, et notamment l’école fondamentale: port du masque dès 6 ans, renforcement de la ventilation dans les locaux, durcissement du "frein d’urgence" (une classe fermera quand 2 cas positifs sont identifiés) et, surtout, fermeture des écoles maternelles et primaires la dernière semaine avant Noël.
Catherine Linard, fallait-il vraiment prendre des mesures dans les écoles, notamment chez les plus jeunes?
Ce qui est clair, c’est que le taux d’incidence le plus élevé se trouve aujourd’hui chez les 0-9 ans. Mais ce n’est pas du tout surprenant. Car il s’agit d’un public qui n’a pas accès à la vaccination et où les contacts entre eux sont nombreux. En Wallonie, on observe par ailleurs un taux d’incidence également élevé au sein de la tranche 30-39, c’est-à-dire chez les parents de ces enfants.
La décision de fermer ces écoles est donc une bonne décision?
Je ne sais pas si c’est une bonne décision, mais c’est une décision politique. D’un point de vue sanitaire, on aurait pu faire beaucoup d’autres choses avant d’en arriver là. Notamment au niveau des outils de prévention dans les écoles: tracing, testing, masques, ventilation. Mais il aurait fallu réagir plus tôt, de manière préventive. On pouvait aussi choisir de faire plus d’efforts dans d’autres secteurs, pour limiter les contacts à risque des adultes.
Mais cela a-t-il du sens, d’un point de vue sanitaire, d’attendre deux semaines supplémentaires avant de procéder à cette fermeture?
Dans une gestion plutôt à moyen terme, oui. Dans une perspective de fêtes de fin d’année, fermer les écoles une semaine avant Noël va permettre de limiter les nouvelles transmissions chez les plus jeunes et donc de minimiser les risques de transmission des jeunes vers les adultes lors des repas de fête en famille. Parce que le fait que le virus circule entre les enfants n’est pas un gros problème en soi, vu qu’ils sont souvent asymptomatiques et que les formes graves de la maladie sont rares. Fermer une semaine avant le 24 n’est donc pas mal dans ce sens-là.
Pourtant, le fédéral justifie cette fermeture par la nécessité de faire baisser la pression qui menace nos hôpitaux… Il se trompe?
La situation est en effet telle dans les hôpitaux qu’il faut réagir vite. Mais cette fermeture n’aura évidemment pas un impact immédiat sur les courbes.
Si l’on prend l’ensemble des mesures décrétées ce vendredi, on a le sentiment qu’il s’agit plus de précaution qu’autre chose.
La situation n’est pas fondamentalement différente par rapport à celle de la semaine passée. On est peut-être même dans une situation légèrement plus favorable puisque la croissance des hospitalisations ralentit. Bien sûr, l’occupation des lits aux soins intensifs a continué à augmenter, mais ce n’est pas une surprise. Cela peut donc paraître étonnant de prendre des décisions maintenant. Soit elles auraient dû être prises au codeco précédent, soit ils auraient pu attendre une semaine de plus, voire jusqu’au 15 décembre pour voir dans quel sens évolue la situation.
On a un peu l’impression que parce que certains au Nord du pays se sont tout à coup alarmés de la situation dans les écoles néerlandophones, le fédéral a convoqué un nouveau codeco sans vraiment prendre le temps d’analyser la situation.
On est clairement dans une gestion au jour le jour, dans une gestion en réaction.
Que faudrait-il faire, dans ce cas, pour passer à une gestion plus axée sur le long terme?
Il faudrait évaluer le meilleur rapport coût-bénéfice, c’est-à-dire les mesures les plus efficaces en fonction du coût que cela demande à la société et de l’impact bénéfique que cela pourrait engendrer sur la situation épidémiologique. Pour cela, il conviendrait de cibler un maximum les mesures, pour qu’elles impactent le moins de gens possible, comme le testing, le tracing, le respect des quarantaines, la ventilation, etc. Plutôt que d’agir secteur par secteur, que l’on cible un peu plus. On a parlé un moment de fermer l’horeca dans son ensemble, mais il y a de nombreuses surfaces horeca qui sont aujourd’hui à faible risque grâce à toute une série de mesures et d’autres par contre qui peuvent poser problème. Cela demanderait évidemment beaucoup de travail d’identifier les lieux les plus à risque. Mais cela permettrait de passer d’une gestion en réaction à une gestion d’anticipation.