«Dix milliards, ce ne sera pas suffisant pour tout faire»
La Wallonie disposera de 10 milliards€ pour se relever de la crise. Selon le nouveau président de l’Union wallonne des entreprises, il faudra cibler les domaines d’excellence de la région.
Publié le 16-09-2021 à 18h30
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Président du conseil d’administration de la société néo-louvaniste IBA, leader mondial dans plusieurs technologies de pointe pour le diagnostic et la thérapie du cancer, Pierre Mottet va désormais endosser une nouvelle casquette, celle de président de l’Union wallonne des entreprises.
Pierre Mottet, vous prenez vos fonctions à l’Union wallonne dans un contexte particulier, celui d’une sortie progressive de la crise Covid. La relance s’annonce plus vigoureuse que prévu. Quels seront les défis de la Wallonie?
Je pense que nous sommes à une croisée des chemins. Avec le plan de relance wallon auquel viendront s’ajouter des fonds européens, dix milliards d’euros sont mis sur la table. Dix milliards, c’est beaucoup par rapport à ce que nous avons connu historiquement, mais ce ne sera probablement pas suffisant pour tout faire. Le message que j’aimerais faire passer est le suivant : veillons à ce que les moyens dont nous disposons soient utilisés au mieux pour remettre la Wallonie en tête. Employons-les là où nous pouvons faire la différence.
Sur quels secteurs faut-il miser pour faire la différence, justement? Les biotechs et le secteur pharmaceutique, moteurs de notre économie?
Il y a un grand classique dans le monde de l’entreprise qui consiste à consolider ses points forts. Avec le plan Marshall, on a identifié un certain nombre de secteurs dans lesquels il y a une compétence, une expérience. Je pense effectivement au secteur pharmaceutique, à l’industrie mécatronique, à l’aviation, à la logistique et l’alimentaire.
N’est-il pas problématique de concentrer tous les efforts sur un nombre limité de domaines d’activité?
Il n’y a pas d’exclusive, bien sûr, mais je pense qu’il faut continuer à développer ces clusters de classe mondiale. GSK est le plus gros employeur de Wallonie, avec UCB juste derrière.
Notre région souffre d’un déficit en matière d’emplois privés, contrairement à ce que l’on observe dans d’autres régions. Il faut donc parvenir à créer davantage d’activité. Alors, essayons de relever ce défi dans des domaines où nous partons déjà avec un avantage.
Selon vous, la Wallonie doit aussi marquer des points dans le numérique et la transition énergétique.
Oui, nous devons y accorder une attention particulière. En ce qui concerne la transition énergétique, nous avons un nombre d’acteurs très compétents dans le domaine de l’hydrogène. Je pense au groupe John Cockerill, par exemple. La Wallonie a une longueur d’avance et des compétences importantes. Dès lors, il ne s’agit pas de se dire qu’on va mettre une poignée de chercheurs en contact avec quelques entreprises. Il faut être ambitieux et déterminer ce dont on a besoin en matière d’infrastructures, d’éducation supérieure ou encore de fiscalité. La réflexion doit être plus complète et stratégique sur ces secteurs.
La Wallonie a des atouts. Mais on a tout de même l’impression d’être continuellement en redéploiement. Après le plan Marshall, voici le plan de relance. La région est constamment sous perfusion...
Peut-être, mais on vient de loin! Au début du XXe siècle, la Wallonie a été à la pointe dans le domaine industriel. On a ensuite glissé jusqu’à ce que le terme «industrie» s’apparente presque à une insulte, dans les années 60-80. Depuis lors, on remonte la pente. C’est positif. Par contre, nous sommes maintenant dans un moment charnière: il y a de l’argent sur la table. Et il faudra à tout prix éviter le saupoudrage, comme on l’a trop souvent fait.
C’est un message que vous adressez au monde politique?
C'est peut-être un peu naïf de ma part, mais j'aimerais, en tenant compte des priorités de chacun, construire avec le gouvernement et les partenaires sociaux une sorte de roadmap. L'idée serait de déterminer les objectifs que nous voulons atteindre d'ici 2030. Je crois qu'il faut aller au-delà des élections, au-delà de la prochaine législature, et construire une sorte de vision commune pour la Wallonie. Il y a urgence.