La paternité au cœur de la pub

En cadeau pour la fête des mères: des hommes qui veulent «paterner davantage», dans une nouvelle campagne publicitaire. Analyse .

La paternité au cœur de la pub
Les papas plus centrés sur la famille: le message de la pub. ©Jet Cat Studio — stock.adobe.com

Une marque de café belge a lancé la semaine dernière la diffusion de quatre spots, deux francophones et deux flamands, qui mettent en scène des hommes qui se confient. Devant une tasse de café, ils avouent qu’ils ne feront pas la tournée avec leur groupe de rock, qu’ils n’accepteront pas une promotion ou passeront à 4/5, pour s’occuper des enfants et les voir grandir. Dans le 4e spot, un jeune homme dit à sa compagne qu’il réalise qu’elle a une charge mentale énorme et dit qu’il va l’aider.

Une histoire, what else?

Bref, on est assez loin d'El Gringo, de Jacques Vabre dans les années 80, qui allait choisir ses grains. Ici, on raconte une histoire, en buvant un café. «La publicité comme support d'un récit, ce n'est pas neuf, remarque André Helbo, professeur émérite de sémiologie (ULB). Et on se souvient tous de la rupture historique de Toscani. Dans les pubs Benetton, on ne voyait pas des vêtements, mais un questionnement sur la marchandisation des images: un bébé naissant, un malade du sida, etc... on est très loin de l'objet»

Pour le sémiologue, dans le cas de cette campagne Douwe Egberts, au-delà du récit, il y a une valeur projective: « Cela veut dire qu'il y a une identification. Mais là où c'est intéressant, c'est que c'est une mise en cause des clichés sur la famille arrive à un moment qui n'est pas tout à fait innocent, en cette période de confinement et cocooning

Campagne de pub confinée

Cette campagne publicitaire a été conçue il y a un an, explique Aurélie Russanowski, responsable stratégie de marque chez BBDO. «On a imaginé cette campagne en avril 2020, en plein lockdown. Lors des téléconférences, on voyait les intérieurs des autres. Il y a eu une prise de conscience qu'il y avait beaucoup à faire. On n'a pas choisi de faire campagne à cause du Covid, mais la pandémie nous a renforcés dans l'idée que c'était ça qu'il fallait faire. J'ai lu des articles sur le fait que les enfants passaient plus de temps avec leur papa à cause de la crise du Covid, et je l'ai constaté autour de moi… et j'espère que ça va perdurer. Ça nous a renforcés dans l'idée que c'est un bon message à envoyer maintenant

Message «feel good»

Les deux tasses de café — trois dans les anciennes pubs télé où un papa invitait sa fille et sa copine à boire un café ou un papa invitait le nouveau compagnon de son ex-femme — jouent selon le sémiologue sur la valeur phatique: «Cela montre que c'est un produit qui renforce le contact et l'être ensemble

Un peu comme la campagne Mercedes, «si on se parlait» en radio. « Mais pour une marque de voiture, c'est plus étonnant, car ils font habituellement des publicités très technologiques, beaucoup plus référentielles et centré vers l'objet

Dans l'agence BBDO, Aurélie Russanowski différencie la campagne de Mercedes de la sienne: « Chez Douwe Egberts, tout n'est pas basé sur le dialogue. On voulait vraiment raconter quatre histoires pour évoquer les différentes pressions rencontrées par les pères. On se positionne sur le thème de l'empathie, de la tolérance et du non-jugement.»

Ce côté «feel good» (littéralement se sentir bien) de la campagne, Aurélie remarque que culturellement, en Belgique, on a plus souvent des publicités positives « alors qu'à l'étranger, il y a parfois des choses difficiles à voir ou à entendre. Je pense que c'est culturel. Le côté sombre ne marche pas trop en Belgique. Chez nous, la publicité a une culture de raconteur d'histoires, avec une positivité, de l'autodérision… C'est ce qui nous lie, entre francophones et flamands, même si le type d'humour est parfois un peu différent

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...