Des ratés dans la communication de Sophie Wilmès: l'art difficile de naviguer à vue
La communication de Sophie Wilmès connaît quelques ratés. Pas évident, lorsque la crise semble interminable.
Publié le 16-04-2020 à 19h07
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Lorsque l’on se pose plus de questions après qu’avant, c’est sans doute que la communication a loupé sa cible. En grossissant un peu le trait, c’est de cette manière que de nombreux Belges ont vécu la conférence de presse suivant le Conseil national de sécurité, mercredi. Face aux nombreuses questions, peu de réponses claires. Et la seule véritable surprise, à savoir la possibilité de réorganiser des visites dans les maisons de repos, a laissé place à un flot de réactions cacophoniques.
«Nous avons tous besoin de perspectives. Mais "perspectives" ne peut pas être synonyme de garanties de calendrier précis ou rigide. Nos décisions sont prises en fonction de l'évolution de la propagation du virus et continueront à l'être», exprimait Sophie Wilmès devant les députés fédéraux, ce jeudi. Une bonne part de la population espère des échéances et des réponses claires, mais les autorités politiques sont bien en peine face à ces attentes. En termes de communication politique, l'exercice est périlleux.
«Lors d'un attentat ou d'une catastrophe par exemple, une crise est souvent limitée dans le temps. On fait face à l'urgence puis on envisage l'après-crise», explique Nicolas Baygert, qui enseigne la communication politique à l'ULB, l'Ihecs et Science Po Paris. «Ici, on est dans une phase de crise qui s'enlise. C'est extrêmement compliqué de communiquer quand on n'a pas d'horizon défini, aucune sortie de crise qui s'annonce clairement.»
Après une sorte d’état de grâce consécutif à l’annonce des premières mesures de confinement et la prise en main du leadership, l’enthousiasme autour de Sophie Wilmès vacille. Les couacs se sont succédé, à charge de Maggie De Block surtout. Voilà que la Première ministre en prend aussi pour son grade. Pour la communication, la structure fédérale de notre pays ne rend pas la tâche aisée. Le nombre de décideurs et de niveaux de pouvoir permet l’apparition de discours dissonants.
«Il y a aussi un besoin pour le politique de reprendre un leadership sur le récit» de la crise. Il est reproché, au nord du pays principalement, à Sophie Wilmès «de prendre de la distance, d'être peut-être moins présente. Or, si vous n'êtes pas présente, d'autres personnes se chargeront de raconter le récit à votre place», sous forme de discours politique ou de récit médiatique.
Experts et gestionnaires
Les médias, n'appréciant guère le vide, l'ont souvent comblé ces dernières semaines en sollicitant des experts: virologues, médecins, épidémiologistes… «Ils sont hypermédiatisés, on voit des scientifiques devenir des communicateurs de plateaux TV.» Ils répondent à des questions précises, souvent avec clarté, parfois de manière divergente, «mais n'agissent pas en managers de crise» devant intégrer de nombreux paramètres dans leur prise de décision.
Le grand public attend de la clarté de la part du politique, qui a établi sa feuille de route, l'évalue, l'adapte, commet sans doute des erreurs et éprouve encore des difficultés à dessiner l'horizon de l'après-crise. Face à cet exercice, «plus de transparence et plus de présence pour reprendre la main sur le récit» seraient de bons conseils, selon Nicolas Baygert.