Nouvel espoir dans la lutte contre le cancer
En comprenant mieux les interactions entrecertaines protéines et les lymphocytes, des chercheurs belges ouvrent la voie à de nouveaux traitements contre le cancer. Explications.
Publié le 26-10-2018 à 09h01
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Des équipes de chercheurs belges de l'UCLouvain, du VIB et de la biotech argenx ont publié, hier, un article dans la prestigieuse revue Science. Leur performance? Ils ont notamment réussi à établir la structure 3D d'un assemblage de protéines qui inhibe les réponses immunitaires.
«Cela nous permet de comprendre l'interaction entre les trois molécules», explique le professeur Sophie Lucas, chercheuse à l'UCLouvain.
Le cancer: une panne de l’immunité
La découverte se situe dans le domaine du système immunitaire. Notre corps, pour se défendre des maladies, fait appel à ses soldats, les lymphocytes T. Parmi ces soldats, se trouvent une catégorie particulière de lymphocytes T, les Treg. Leur fonction est de bloquer les lymphocytes T qui pourraient être trop zélés, et provoquer des maladies immunitaires. « Il existe des maladies génétiques, caractérisées par l'absence de Treg, commente Sophie Lucas. Les petits garçons qui en souffrent meurent avant l'âge de trois ans, s'ils ne reçoivent pas de greffe de moelle.»
Dans une situation normale, les lymphocytes T et Treg cohabitent et s’autorégulent. Mais dans le cas de quelqu’un qui souffre d’un cancer, le Treg sabote le lymphocyte T, l’empêchant de détruire la tumeur.
Depuis 2015, l’équipe de chercheurs sait comment ça se passe: il y a au niveau de la surface du Treg, une protéine appelée GARP. GARP envoie un messager, la protéine TGF-beta, qui transmet des signaux inhibiteurs aux cellules immunitaires voisines. Du coup, les lymphocytes T, inhibés par ce message, ne détruisent pas les cellules cancéreuses.
L’anticorps «colle» les protéines
Pour mieux comprendre le fonctionnement des protéines GARP et TGF-beta, le professeur Lucas a fait appel à l’université de Gand (UGent) et à l’équipe du Pr. Savvides, afin d’établir une structure 3D, par la technique de cristallographie aux rayons X. Comme l’équipe n’arrive pas à obtenir des cristaux avec GARP et TGF-beta, ils décident de stabiliser la structure en utilisant une 3e protéine, un anticorps.
«On savait depuis 2015 qu'il était possible de bloquer l'émission du messager par GARP au moyen d'anticorps spécifiques.» Grâce à la présence de l'anticorps sur la représentation 3D, l'équipe sait désormais aussi comment les messagers sont bloqués: «L'anticorps forme une sorte de pont entre les deux protéines. Le messager TGF-beta est littéralement "collé" à GARP.»
Sous l’effet de l’anticorps, la petite enveloppe de notre schéma (TGF-beta), au lieu de partir vers le lymphocyte T, l’empêchant de détruire les cellules cancéreuses, reste collée à GARP. Le lymphocyte T ne reçoit pas le message qui l’inhibe, et fait son boulot.
«Cette découverte permet d'établir de nouvelles approches thérapeutiques spécifiques, notamment en immunothérapie du cancer.»
La société pharmaceutique AbbVie a acquis la licence pour poursuivre le développement clinique du biomédicament, et va poursuivre le développement clinique: des essais sur un petit nombre de patients, des tests à grande échelle… Le nouveau biomédicament pourrait être là dans quelques années. En attendant, le Pr Lucas continue à étudier GARP et le TGF-beta.