ANALYSE | Seniors: la précarité menace plus que la santé
Face à l’accélération constante du vieillissement démographique, les Communes tentent d’apporter des réponses. Un contexte difficile car dans le même temps, le nombre de personnes précarisées augmente aussi.
Publié le 01-09-2018 à 15h00
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Il faut prendre garde à la «peste blache». Le nataliste Alfred Sauvy n’avait pas mâché ses mots au début du siècle dernier lorsqu’il tenta d’éveiller les consciences au vieillissement démographique. L’homme se trompa royalement: les bébés qu’il prescrivait avec enthousiasme afin de contrer le vieillissement démographique ne sont jamais venus. Du moins dans les proportions préconisées et avec l’exception du baby-boom entre 1945 et 1964. Ce baby-boom connaît aujourd’hui son prolongement naturel avec, une génération plus tard, le papy-boom. Une évolution démographique qui se poursuivra au moins jusque 2030. En y intégrant les progrès de la médecine qui augmentent l’espérance de vie, l’équation peut se résumer lapidairement: il y a de plus en plus de personnes âgées, elles vivent plus longtemps et leur santé s’améliore, même en fin de vie.
D’abord dans la Commune
Que peut faire une Commune pour anticiper cette évolution démographique? «Il faut prendre en considération des besoins qui sont de l'ordre du spatial et d'autres qui relèvent du social», explique Myriam Leleu, sociologue et gérontologue. Cette spécialiste de la question anime le réseau Wada (Wallonie Amie des Aînés) en partenariat avec l'AVIQ. Elle insiste pour que la politique des aînés se traduise d'abord et avant tout sur le plan local. La mise en réseau d'initiatives communales, le financement de projets pour des Communes pilotes (Vaux-Sur-Sûre, Braine-l'Alleud, Malmedy, Namur, Farciennes et Sprimont) cristallisent les efforts en faveur des aînés. Sans compter l'existence dans pas mal de Communes de Conseils Consultatifs Communaux d'Aînés. «Il y a énormément de choses qui se font. C'est pour cette raison qu'il convient d'évaluer tout cela. Ce sera le rôle de l'UCL», explique Myriam Leleu. Cette dernière pointe aussi des besoins particuliers liés au «vieillissement dans le vieillissement», soit l'augmentation de personnes très âgées.
Pas que l’âge
«Le biais à éviter, c'est de tout focaliser sur l'âge. Le politique a tort d'en faire le critère principal», observe Philippe Defeyt, ancien président du CPAS de Namur. «En réalité, ce qui fait défaut, c'est une analyse fine des besoins prioritaires. Pas assez de maisons de repos? Il y a une pénurie mais je ne suis pas certain que le déficit soit catastrophique. Et puis soyons clair, une Commune n'a pas les reins assez solides pour se lancer dans un projet sans financement régional. Sa responsabilité, c'est de proposer des projets mais la limite, c'est que le financement soit validé. On verra ce que donnent les partenariats publics-privés proposés par la ministre Greoli», complète Defeyt. «Il y a aussi toute une réflexion sur ce qu'il convient de proposer comme structures. Tout en jonglant avec le fait que la priorité des personnes âgées, c'est de pouvoir rester chez elles. Et à défaut, il est essentiel de conserver une mixité d'âge. Trop de structures d'accueil ressemblent à des ghettos».
L'aménagement urbain a aussi toute son importance. La localisation des bancs publics, par exemple, est essentielle. «Neuf fois sur dix, on ne tient pas compte des personnes âgées pour leur emplacement», dénonce Philippe Defeyt. L'ancien président du CPAS souligne enfin toute l'attention qui doit être portée aux personnes âgées les plus fragiles.
Isolement
À l'Union des Villes et Communes, Valérie Desomer ne dit pas autre chose. «Oui la précarité et l'isolement sont en augmentation. On parle de la précarité des familles monoparentales ou encore de celle des enfants. Celle liée aux personnes âgées est absente du débat» précise-t-elle.
Et pourtant, les chiffres sont là: l’isolement des personnes âgées est un phénomène de plus en plus fréquent. Un quart des seniors de 75 ans et plus vit dans la solitude. On peut nuancer le propos en précisant que ce sont, jusqu’à présent, les personnes âgées qui souffrent le moins des charges liées au logement. Jusqu’à présent car des signes avant-coureurs indiquent qu’il devient hasardeux de généraliser. L’éclatement familial, les accidents dans le parcours professionnel sont autant de facteurs qui viennent perturber cette trajectoire habituellement linéaire.
L’accès à la propriété se réduisant, c’est un senior fragilisé qui débarque. Un senior qui, surtout, ne fait pas partie des heureux bénéficiaires des 265 milliards d’épargne dormant dans les banques belges.

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