Lio a toujours la banane: «Je veux être cultivatrice au Portugal»
À 55 ans, Lio envisage sérieusement un retour dans son pays natal, le Portugal, pour y cultiver la terre. Elle nous parle de ses convictions et de ses projets artistiques.
- Publié le 02-10-2017 à 07h00
C’est ce qu’on appelle une belle rencontre… Lio était l’invitée VIP du Beau Vélo de RAVeL au Portugal, cette ultime étape de l’émission estivale d’Adrien Joveneau sur VivaCité. Durant toute la semaine dernière (le joyeux peloton rentre au bercail ce lundi soir), la chanteuse d’origine portugaise s’est mêlée à la quinzaine de cyclos participant à l’aventure dans l’Alentejo et en Algarve, leur offrant comme à des amis sa passion pour son pays natal.
Lio parle avec ses tripes, avec énergie et persuasion. Elle partage avec la même verve l’amour de ses pays comme ses frustrations et ses colères. Vanda Tavares de Vasconcelos est une femme entière. À la fois l’eau et le feu, souvent malmenée par une vie qui l’a finalement rendue tellement généreuse que les mots traduisent mal tout ce qu’elle nous a donné.
Lio, vous avez quitté le Portugal avec votre maman à l’âge de 6 ans. Un événement traumatisant pour vous?
On est arrivées avec ma mère en Belgique en train à 5h du matin, il faisait froid, c’était en novembre 68, je ne comprenais pas la langue. Là j’ai eu peur. Ce sentiment où tout est devenu tout petit dans mon ventre, qui est la peur, c’est quelque chose que je vis encore souvent aujourd’hui quand les choses sentimentalement sont trop fortes pour moi: je peux rester tétanisée sur une chaise pendant une heure quand je suis morte de peur.
C’était une immigration forcée?
Oui, car ma mère est tombée amoureuse et mon père lui a fait retirer la garde de ses enfants pour adultère. Enceinte, elle a fui avec moi et a laissé mon petit frère Victor à mes grands-parents. Son amoureux était déserteur, elle n’aurait pas pu rester au Portugal, c’était trop dangereux.

Votre histoire vous permet-elle de comprendre les réfugiés actuels?
Tout à fait! Personne ne veut quitter son pays. La majorité des gens qui arrivent, ce sont des femmes et des enfants poussés par une nécessité profonde et terrible. Je peux plus que les comprendre, car je trouve que ma nécessité à moi, elle est nettement en dessous de celle d’une femme Syrienne avec ses enfants.
Je suis absolument pour un revenu universel à tout le monde, partout dans le monde. On me traite d’utopiste, mais il y a des utopies raisonnables. J’aimerais mettre dans une balance tout ce que ça nous coûte de renvoyer ces gens chez eux, les mesures de sécurité… Et voyons ce qu’on peut en faire de constructif.
Vous êtes pour une certaine idéologie alors?
Pas du tout! Je suis contre l’idéologie, comme celle de Mao ou Staline qui est dangereuse. L’idéologie est toujours contraire à l’humain, toujours proche d’un fascisme ordinaire, moi je suis pour un idéal, ce n’est pas du tout la même chose.
Comment définissez-vous votre idéal?
Raisonnable, je pense qu’il faut faire confiance aux gens. Un pauvre sait mieux qu’un col blanc ce qu’il doit avoir pour réussir dans la vie et être heureux. Je crois qu’il faut savoir écouter les gens et on ne le fait pas assez.
Votre pays, c’est le Portugal ou la Belgique?
J’ai deux pays. Je suis venue en Belgique très petite, je pense donc d’abord en «belge». En France, je n’ai pas du tout le même rapport par exemple même si j’y ai vécu longtemps. J’ai fait beaucoup d’enfants avec des Français, mais je n’ai pas le même rapport. Je vis aujourd’hui à Bruxelles et le Portugal reste ma terre natale.
Du coup, vous voudriez y revenir…
C’est la terre de ce pays que je veux retrouver. Ce que j’adore chez les Portugais, c’est leur qualité de vie, leur dignité. C’est ce que je voudrais montrer à mes enfants.
Et revenir pour faire quoi?
Je veux être cultivatrice, faire des œillets rouges. Mais pas que. J’aimerais aussi faire de la fleur d’huile d’olive. C’est celle qui remonte la première fois qu’on jette l’eau de source et qu’on récolte à la cuillère en bois. C’est une huile très transparente qui est extrêmement parfumée, aux propriétés d’oméga 3 comme aucune autre.
Vous êtes déjà revenue au Portugal avec vos enfants?
Oui, plein de fois. J’ai même été dans mon village avec eux, à Mangualde. C’est important, car on vient tous de quelque part. Il arrive toujours un moment où on a besoin de savoir d’où on vient. Car avec les grandes douleurs que l’on rencontre tous, si on ne sait pas d’où on vient, on ne résiste pas.
Vous aimez particulièrement la région de l’Alentejo, dans le sud. Pourquoi, alors qu’elle est très aride?
Oui, la terre est sèche et difficile, mais elle est généreuse et elle vous donne des choses magnifiques. Et les couleurs… Ce doré par terre, couleur champagne, ces contrastes avec cette terre brune, et puis le vert de l’olivier. Ce pays est magnifique, il faut venir pour le voir et l’aimer.
«On mange très bien au Portugal!»

« Je suis toujours très agacée quand on me dit que ce n'est pas un pays où on mange bien. Je ne suis pas d'accord!» Lio l'a montré durant le périple des Ravellistes, elle adore la gastronomie portugaise. Et elle n'a eu de cesse de la faire découvrir: l'oreille de cochon, la sardine, les légumes remplis de soleil, les olives et leur huile… Et surtout le savoir-faire des artisans locaux. «La gastronomie est très riche, fort différente du nord au sud. On était dans la mode slowfood bien avant tout le monde. Ici, on mange de saison, frais, cuisiné par ses soins, même en ville. Et c'est pour ça que je crois qu'on vivra encore très bien au Portugal dans 30 ans! » Lio admet que le Portugais a tendance parfois à avoir la main lourde sur l'huile d'olive, ce qui donne cette réputation «grasse» à la cuisine locale. «Mais cette huile est saine, il ne faut pas l'oublier! »
Un dernier album personnel en préparation

«Je ne sais pas comment je fais pour être encore là… », sourit Lio. C'est vrai qu'elle s'est faite plutôt discrète ces derniers temps. Mais les choses vont changer: Jacques Duval lui a proposé de reprendre et d'adapter quelques chansons de l'auteur populaire brésilien Dorival Caymmi. L'album Lio chante Caymmi, de style jazzy bossa nova très dépouillé, sortira en février prochain.
Un dernier album avant «la terre du Portugal»
Sans doute moins confidentiel, car plus dans la veine de ce qu'on connaît de Lio, un autre album est en préparation avec des chansons signées notamment Alain Chamfort, Boris Bergman (premier parolier d'Alain Bashung) et quelques jeunes compositeurs. «J'espère que Benjamin Biolay et Jacques Duval vont me faire quelque chose, et aussi Jay Alanski, celui qui m'a fait le Banana. » Lio annonce que ce sera le dernier album, «un patchwork, très mélangé comme moi, car ensuite je veux la terre au Portugal ».
A noter que, si vous aimez les anciennes chansons de Lio, la tournée Star 80 fait une halte supplémentaire en Belgique le 11 novembre prochain à Bruxelles National. La chanteuse sera évidemment de la partie.
Côté ciné, des rôles pour «une vieille rigolote»
Côté ciné, dans la même veine, Lio sera elle-même dans Stars 80, la suite, aux côtés de ses potes du premier volet du film de Thomas Langmann. Mais pas d'autre projet pour l'instant: «Moi je veux le cinéma, c'est le cinéma qui ne veut pas assez de moi (rires). Je ne suis pas encore assez vieille, je crois que je suis dans la période où il n'y a pas de rôle pour les femmes. Mais quand je serai une vieille femme indigne et très rigolote… Il y a toujours un rôle par an pour une vieille très rigolote un peu fofolle, ce sera pour moi. Ça me convient un rôle une fois par an! »