Un phonegate ou des normes laxistes?
Les militants «anti-ondes» estiment que les fabricants de smartphones trichent. Eux disent respecter les règles. Mais sont-elles encore adaptées?
Publié le 29-12-2016 à 08h45
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Les fabricants de smartphones ne sont-ils pas assez transparents sur la manière dont ils mènent leurs tests de contrôle des radiofréquences émises par leurs appareils? En cette période où les téléphones portables ont sans doute été encore nombreux à être déposés au pied du sapin, c'est ce que dénonçaient début de cette semaine en France des militants «anti-ondes». Allant jusqu'à parler d'un «phonegate», nouveau scandale sanitaire comparable au dieselgate révélé avec l'affaire des moteurs diesel de Volkswagen.
C’est sans doute aller un pas trop loin puisqu’alors que le constructeur allemand utilisait un logiciel tricheur pour déjouer les tests d’émission de gaz, les documents sur lesquels les «anti-ondes» basent leurs accusations n’évoquent en rien une tricherie de la part des fabricants de téléphones portables.
Concrètement, de quoi parle-t-on ici? De l’exposition de l’utilisateur aux ondes émises par son smartphone. Le DAS (débit d’absorption spécifique) que le fabricant doit renseigner dans la notice de son appareil. La norme à ne pas dépasser est de 2 W/kg (watt par kilo) au niveau de la tête et du tronc et de 4 W/kg au niveau des membres.
Y a-t-il tricherie sur les résultats donnés par les fabricants et les appareils dépassent-ils ces normes? Non. Du moins dans les conditions selon lesquelles ils effectuent leurs tests.
Et c’est bien ce qui fait bondir les «anti-ondes» qui se basent sur un rapport de l’Agence nationale des fréquences (ANFR, institut public chargé du contrôle du secteur en France) qui a effectué ses propres tests dans des conditions différentes.
Alors que les fabricants mesurent les ondes émises avec l’appareil tenu à 1,5 cm du corps (comme les y autorise la réglementation), l’ANFR a effectué ses tests avec les appareils contre le corps. Soit une situation plus conforme à la réalité pour des appareils souvent portés dans la poche du pantalon ou de la chemise.
Et là, les résultats sont tout autres: 89% des appareils mesurés enregistraient un DAS supérieur à la norme autorisée de 2 W/kg et 25% supérieur à 4 W/kg. Certains smartphones dépassaient même 7 W/kg.
Les fabricants, eux, se retranchent derrière les règles qu’ils respectent effectivement. Ils précisent aussi que les conditions d’utilisation – soit la distance entre l’appareil et le corps – pour ne pas dépasser les normes d’exposition sont précisées dans la notice de leurs appareils. Si c’est exact, il faut parfois bien chercher, relève l’ANFR qui a aussi constaté que pour 25% des appareils qui dépassent 2 W/kg dans le cadre de leur test, aucune mention n’est faite concernant la distance d’utilisation.
Oui, mais est-ce dangereux?
Le débat sur la dangerosité des ondes émises par les GSM est loin d’être tranché. Si l’OMS estime les radiofréquences peut-être cancérogènes pour l’homme et que l’International Agency for Research on Cancer juge les ondes des téléphones portables comme cancérogènes possibles, le recul manque et les études sont contradictoires.
Des études sur base de questionnaires sur les habitudes d’utilisation ont été menées mais, à cause de la méthode ou du manque de recul, n’ont donné que des indications qui ne font pas consensus, note le docteur Jacques Vanderstraeten, du Centre de recherche en santé environnementale et en santé au travail de l’école de santé publique à l’ULB.
«Sur base des registres nationaux, on a aussi cherché à savoir s'il y avait une augmentation des cancers du cerveau depuis que l'utilisation des GSM est entrée dans nos habitudes, dit-il. Mais les résultats montrent que ce n'est pas le cas.» Mais là aussi, rien ne dit qu'une vingtaine d'années constituent un recul suffisant.
Dès lors c’est le principe de précaution qui doit prévaloir, note le spécialiste. Tout en jugeant pertinente la question de savoir si la réglementation européenne sur les tests et les normes DAS qui date de 1999 ne devrait pas être actualisée.
Mais reste le problème, note le docteur Vanderstraeten, que le mécanisme selon lequel les ondes GSM pourraient agir sur le corps n'est toujours pas compris. Car si on a coutume de penser que les ondes GSM chauffent l'oreille à la façon d'un four micro-ondes, c'est inexact, note-il. «Cet échauffement est provoqué par la batterie et serait le même avec tout autre objet tenu longuement contre soi.» Ce qui ne signifie évidemment pas qu'il faut oublier les principes de précaution élémentaires: privilégier le main-libre ou l'oreillette et tenir l'appareil à une certaine distance du corps.