Les témoignages de victimes de prêtres pédophiles rendus publics
La commission Adriaenssens rend publique ce vendredi son rapport d'activité. S'y trouvent de nombreux témoignages de victimes d'abus sexuels et des infos sur les auteurs des faits. Une publication extrêmement attendue, dont vous pouvez lire ici des extraits.
- Publié le 10-09-2010 à 09h24
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La tempête médiatique n'a pas fini de souffler dans les aubes.La Commission Adriaenssens présente en effet ce vendredi 10 septembre son rapport d'activité.Doivent s'y trouver des témoignages de victimes d'abus et des infos sur leurs auteurs.
Ce alors que les voix s'élèvent pour le retour de Mgr.Vangheluwe dans le monde laïc.Et que la Justice est dessaisie des dossiers d'Eglise.Si le volet judiciaire de l'enquête semble donc mal embarqué,la publication du rapport Adriaenssens risque d'attiser le besoin de justice dans le dossier.
Mais que trouvera-t-on précisément dans cette publication publique? D'après le professeurPeter Adriaenssens, ex-président dela Commission pour le traitement des plaintes pour abus sexuels dans une relation pastorale (janvier-juin 2010), le rapport contient, entre autres, "des témoignages de victimes, desinformations sur le groupe des victimes et celui des auteurs de faits, la méthodologie de la Commission et divers conseils à la Conférence épiscopale".
Tous ces documents sont présentés à la presse à 10h.Ils seront disponibles sur le site internet de la Commission.Nous vous donnerons, dès publication, les principaux éléments marquants du dossier. Plus bas dans cette page, vous pouvez déjà retrouver les principaux événements qui ont marqué l'Eglise depuis la création de la Commission.
Témoignages de victimes
La Commission a publié plusieurs témoignages sur son site ce vendredi 10 septembre.Le dossier compte 5 témoignages en néerlandais et 2 en français.Voiciles deux francophones, en intégralité, et des extraits des néerlandophones.
1°) "Je veux faire savoir à l'auteur que je ne compte pas me taire toute ma vie"
J'ai été victime en 1983, à l'âge de 17 ans, d'attouchements sexuels, et ce à 2 reprises, contre ma volonté, bien entendu. L'auteur des faits était un prêtre de xxxx, aujourd'hui marié et qui a des enfants. Je sais qu'il y a prescription, mais j'ai beaucoup souffert moralement des conséquences de ces actes, et l'idée de les dénoncer me taraude de plus en plus. L'actualité de ces derniers jours me pousse à le faire, mais je ne sais pas quelle suite pourra être donnée à tout ceci. J'attends au minimum une réponse de votre part, et éventuellement de faire savoir à l'auteur des faits que je ne compte pas me taire toute ma vie...
2°) "Des caresses, il est passé à l'acte sexuel"
Je vous écris cette lettre après longue réflexion.
Depuis l'annonce de la démission de l'évêque de Bruges, je vis de nouveau dans l'angoisse et la peur. Et pourtant je suis loin. J'ai choisi de vivre loin de mon pays, espérant que le passe ne m'y rejoindrait pas. Si j'ai acquis au fur et a mesure des années la force de regarder devant, il n'y a pas une journée ou je ne pense pas aux 15 années ou j'ai souffert.
Je n'étais pas une enfant, j'avais 17 ans quand la relation abusive a commence. Je me débats depuis trois semaines avec la question: ai-je le droit de me plaindre? Le sentiment de culpabilité m'étouffe. Il y a des jours ou je remercie Dieu d'avoir l'occasion de parler. Quatre ans de psychothérapie m'ont appris que les mots tus, tuent. J'ai fait d'énormes dépressions dont une est allée jusqu'à la tentative de suicide. A d'autres moments je pense qu'il y a de la sagesse à ne pas réveiller les eaux dormantes. Mais en final, je choisis de dire.
J'étais une adolescente taiseuse, renfermée, qui ne regardait pas les garçons. Quand je lui ai parlé de mon désir de vie religieuse, il est devenu mon confident. J'ai fait confiance et je n'ai rien vu venir. Pourtant je n'étais pas la seule, je pourrais les nommer. Il m'a dit que je devais apprendre la tendresse humaine, qu'il était préférable de l'apprendre en douceur avec lui. Parfois je me laissais faire, parfois pas. Alors il se fâchait, il buvait ou il me disait qu'il pouvait aller à xxxx dans les quartiers, qu'il pouvait me montrer des tickets de parking pour me prouver qu'il avait déjà été. Quand je ne passais pas chez lui le soir, il téléphonait a mes parents, leur donnait une raison pour que j'y aille, il était un grand ami de la famille.
Des caresses, il est passe à l'acte sexuel un 30 juin. Ce soir la je suis rentréeà la maison, tout le monde dormait sauf ma soeur. Je me suis couchée habillée. Elle m'a demande ce qu'il m'était arrive. Rien.
Le lendemain, nous partions au camp de patro. Quand je suis montée dans le train et que je me suis assise sur la banquette, je l'ai aperçu par la fenêtre. C'est a cet instant que j'ai réalise ce qui c'était passe la vieille. Durant les 10 jours il n'a pas arrête de me photographier, c'était l'horreur. Je me renfermais, les autres me critiquaient, j'étais le rabat-joie.
En juillet 1983, je suis alléeà xxxx avec le pèlerinage diocésain, je faisais partie d'un groupe de jeune, nous logions dans un hôtel. Je me suis ouverte a xxxx qui m'a conseillé de parlerà l'évêque, Mgr xxxx. Le lendemain, je suis allée le trouver sur l'esplanade. Je lui ai demande à lui parler dans le sacrement de réconciliation, je lui ai dit:"j'ai un problème avec un de vos prêtres." Il a répondu: "cessez de le regarder, il vous laissera tranquille." Je n'ai pas eu l'occasion de lui expliquer mon problème, il m'a fait signe de m'éloigner, je n'ai pas reçu le sacrement de réconciliation ce jour-la. J'en pleure encore aujourd'hui.
Nous sommes rentresà l'hôtel et il avait appelé. Il a appelé trois fois avant que je ne prenne le téléphone avec xxxxà cote de moi. Comment a-t-il trouve le numéro, je n'en sais rien. Sans doute les parents. A xxxx, j'ai rencontre xxxx, il est devenu jaloux. Cela n'a rien arrangé. J'ai fait une marche avec les xxxx (congrégation). A cet été-là, il a téléphone pour avoir de mes nouvelles. J'étudiais à xxxx. xxxx et moi nous nous promenions dans les rues. Il nous suivait, nous rattrapait par les sens interdits. Un jour il était dans ma chambre avant que je ne rentre des cours. Je ne sais toujours pas comment il a trouve la clé mais il en avait une. Le sentiment d'insécurité n'a fait que s'aggraver. Apres qu'il soit parti le soir, je dormais par terre, dans mon sac de couchage, c'était mon refuge. Si mon mari doit partir en voyage, je prends encore mon sac de couchage, un autre, celui que j'ai acheté ici aux USA.
Les années ont passé, il a pris de la distance, je l'ai revu. En 1994 j'ai commencé une psychothérapie intensive, j'ai revécu des moments d'angoisse terrible. Je l'ai appelé, j'avais soudainement peur des années de silence, il fallait que je le calme, que je lui donne ce qu'il voulait. Je vivais tout le temps dans ce mode: donner aux gens ce qu'ils veulent. Pas de personnalité, pas de désir. Au cours de ma psychothérapie, j'ai fait une TS. J'ai été hospitalisée et au cours de mon hospitalisation j'ai fait une septicémie généralisée, j'ai failli en mourir. J'étaisà ce moment-là en vie religieuse. Je suis partie à la fin de ma psychothérapie quand j'ai eu enfin compris que je pouvais tenir debout sans avoir besoin d'être protégée. Je vis maintenant à l'étranger. Je vis heureuse mais la blessure reste. L'impression que l'on abuse de moi demeure un obstacleà des relations harmonieuses.
Je tenais à parler pour soutenir les efforts de clarté et de vérité dans l'Eglise. Les faits sont prescrits, il a choisi de vivre dans une abbaye. Je ne demande rien. Je veux simplement que vous sachiez. Son nom est A, prêtre du diocèse de xxxx. Je ne pense pas qu'il ait jamais abuse d'enfant mais je ne suis qu'une parmi les relations féminines qu'il a eues.
Je suis devenue une adulte mais au départ il s'est attaque à une adolescente naïve. Je trouve encore aujourd'hui que je suis une idiote de n'avoir rien vu venir.
3°)"J'ai senti qu'on me palpait partout"
Les faits qui me sont arrivés se sont déroulésquand j'avais à peu près 14 ans.j'étais interne dans le collège dexxxx, en 1973 ou 1974.J'ai été sexuellement abusé par un prêtre de ce collège,le père A.Je ne sais pas bien comment, mais j'ai été rendu saoul.Je me suis réveillédans un lit et j'ai senti qu'on me palpait partout.Je ne pouvais rien dire, rien faire.
La commission en chiffres
Dans le dossier transmis ce vendredi 10 septembre, la commission Adriaenssens transmet également de nombreux chiffres sur ces travaux.Ils permettent de se rendre mieux compte de l'ampleur des dossiers récoltés durant les 4 semaines d'action de la commission. L'une des constatations les plus rapides est que la commission dispose de très peu d'informations sur les auteurs.Et que ceux-ci sont exclusivement des hommes.
- Communication - 163 témoignages ont été recueillis par téléphone, 29 par courrier, 232 par mail
- Plaintes- 327 plaintes de victimes masculines (298 néerlandophones, 29 francophones), 161 plaintes de victimes féminines (147 néerlandophones, 14 francophones)
- Dossiers - 230dossiers disposent d'informations correctes (sur 476)
- Âge des victimes aujourd'hui-des 230 dossiers complets,38% des victimes ont aujourd'hui entre 51 et 60ans; 17% entre 41 et 50 ans; 16% entre 61 et 70 ans.10% ont entre 31 et 40 ans.4 victimes ont entre 20 et 30 ans.
- Suicides - 3 des 4 victimes qui devraient avoir entre 20 et 30 ans aujourd'hui se sont suicidées.Globalement, 13 victimes se sont suicidées dans un acte en relation directe avec l'abus par un clerc.6 ont tenté de se suicider.
- Âge des victimes lors des abus - Pour la plupart des dossiers qui mentionnent leur âge (243), l'abus a commencé à 12 ans.Les hommes semblent courir un risque plus élevé entre 10 et 14 ans.pour les femmes, le risque grandit avec l'âge.
- Auteurs - 320 ont été identifiés.184 sont décédés.Tous sont des hommes.
- Moments des faits relevés- entre les années 50 et les années 80
1er juillet 2010 - la Commission Adriaenssens démissionne
+ Lisez l'intégralité du communiqué de Mgr Guy Harpigny
Suite à la saisie par la justice de documents sur lesquels elle travaillait, la Commission Adriaenssens annonce qu'elle démissionne. L'évêque harpigny réagit, remercie la commission, rappelle son indépendance vis-à-vis des évêques et reproche à la Justice sa brusquerie.
23 avril 2010 - démission de l'évêque de bruges Mgr Vangheluwe
+ Lisez en intégralité les communiqués de Mgr Vangheluwe, Mgr Léonard, Mgr Harpigny et Peter Adriaenssens
Vangheluwe: "Quand je n'étais pas encore évêque et également un certain temps après, j'ai abusé sexuellement d'un jeune de mon entourage proche. La victime en est encore marquée. Durant les dernières décennies, j'ai à plusieurs reprises reconnu ma faute envers lui, ainsi que sa famille et j'ai demandé pardon. Mais ceci ne l'a pas apaisé. Moi, non plus. La tempête médiatique de ces dernières semaines a renforcé le traumatisme. Ce n'est plus tenable. Je regrette profondément ce que j'ai fait et présente mes excuses les plus sincères à la victime, sa famille, toute la communauté catholique et la société en général. J'ai présenté ma démission comme évêque de Bruges au Pape Benoît XVI. Celle-ci fut acceptée ce vendredi. Désormais, je me retire.
10 juin 2010 -le Ministre dela Justice crée un groupede travail
+Lisez l'intégralité du communiqué de presse du Ministrede la Justice Stefaan De Clerck
Le 10 juin, le Ministre StefaanDe Clerck dicte la méthodologie qui aguidera la Commission Adriaenssens.Il insiste sur le respectdes victimes et du secret professionnel.La Commission décide elle-même de porter les faits à la connaissancede la Justice.Il crée aussi à l'époque un groupe de travail composé de magistrats spécialisés.