Transfusions : mauvais sang ?
Des études américaines laissent entendre que les transfusions sanguines feraient plus de mal que de bien. À prendre avec de grosses pincettes.
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Publié le 09-10-2007 à 06h00
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Premier élément: il manque quelque chose au sang prélevé et stocké. L'élément manquant, c'est l'oxyde nitrique. Présent naturellement dans le sang, il facilite le transfert d'oxygène des cellules des globules rouges vers les tissus. Mais il ne «tient» pas une fois que le sang est prélevé. Deuxième élément: on constate que le risque de défaillances cardiaques est plus élevé chez les patients transfusés. Troisième élément: une équipe de chercheurs américains (Université de Duke, Caroline du Nord) a fait le lien. C'est parce que l'oxyde nitrique fiche le camp que les patients transfusés sont fragilisés. Quatrième élément: les mêmes chercheurs ont réussi à compenser ces effets sur des animaux en ajoutant de l'oxyde nitrique au sang stocké.
Faut-il en conclure que les transfusions sanguines font plus de tort que de bien?
À la Croix-Rouge de Belgique, on décortique le communiqué alarmiste. Le Dr Véronique Deneys, directeur médical du service du sang, tempère. «On sait depuis longtemps que les transfusions ont pour effet de provoquer une augmentation de la tension artérielle et une vasoconstriction», dit-elle. Et donc, certains organes en souffrent. «Surtout la muqueuse de l'estomac», précise le DrDeneys. «On savait aussi que la membrane des globules rouges transfusés était plus "rigide" que celles des globules rouges en circulation. Mais c'est transitoire et réversible: après la transfusion, les globules rouges récupèrent leur fonction assez rapidement.» Ce qu'on apprend par contre, c'est le rôle joué par l'oxyde nitrique, en tant qu'agent vasodilatateur.
Mais il n'empêche: cet effet bel et bien constaté va à l'encontre d'une autre vérité, épidémiologique cette fois. «Il suffit d'observer des groupes contrôles qui refusent les transfusions, comme les Témoins de Jéhovah: la survie des patients transfusés est meilleure que celle des patients qui ne sont pas transfusés. Dans certaines études, on note qu'il y a dix fois plus de risques de mourir si on n'est pas transfusé, lorsqu'il y a une indication clinique de transfusion», précise encore le DrDeneys.
«Indication clinique»: sur ce plan-là, les choses ont changé. «Les médecins ne travaillent plus comme il y a trente ans. On bradait un peu la transfusion à l'époque. C'était le temps du "petit coup de rouge" pour remonter un patient. Les transfusions étaient en majorité indispensables, mais il arrivait aussi qu'on se dise que ça ne pouvait pas faire de tort», explique Véronique Deneys.
Aujourd'hui, le monde médical pèse le pour et le contre. «Les médecins décident de ne transfuser que lorsque la balance risques/bénéfices penche en faveur de la nécessité d'une transfusion.»
En résumé, il y a toujours un risque, oui. Mais mesuré. «Par contre, ce qui est sûr, c'est qu'on meurt de ne pas être transfusé quand ça s'impose.»