Turquie: la communauté LGBTQ+ tétanisée par la victoire d'Erdogan: "J'ai réellement peur"

En Turquie, la communauté LGBT est inquiète suite à la réélection du président Erdogan ce dimance 28 mai 2023.

AFP
This handout photograph taken and released by the Turkish Presidency Press Office on May 28, 2023 shows Turkish President Recep Tayyip Erdogan (R) and his wife Emine Erdogan (L) addressing supporters gathered outside his residence at Kisikli district in Istanbul. The head of Turkey's election commission on May 28, 2023 declared President Recep Tayyip Erdogan the winner of a historic runoff vote that will extend his 20-year rule until 2028. (Photo by MURAT CETIN MUHURDAR / TURKISH PRESIDENTIAL PRESS SERVICE / AFP)
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Tout au long de la campagne, il les a insultés, utilisés pour attaquer l'opposition et l'accuser de vouloir détruire les valeurs familiales qu'il porte au pinacle: la réélection dimanche en Turquie du président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan effraie la communauté LGBTQ+ qui craint de se voir visée, y compris physiquement, en raison de ses orientations sexuelles.

"J'ai réellement peur. Je ne pouvais déjà pas respirer avant et maintenant, ils vont essayer de m'étrangler", s'inquiétait samedi Ilker Erdogan, un étudiant de 20 ans interrogé par l'AFP à la veille du scrutin dans le quartier de Kadiköy, sur la rive asiatique d'Istanbul.

A Bruxelles, les partisans d'Erdogan fêtent sa réélection (VIDEOS)

Dès sa première prise de parole dimanche soir après sa victoire, Recep Tayyip Erdogan a régalé ses partisans en demandant: "Est-ce que le CHP (le parti de son adversaire malheureux, Kemal Kiliçdaroglu, ndlr) est LGBT? Est-ce que le HDP (pro-kurde) est LGBT?". Et la foule de rugir: "Ouiiiiii!".

Puis: "Est-ce que l'AKP (son parti) est LGBT?" - "Nooooooon!"

"Je suis né et l'AKP était déjà au pouvoir. Depuis ma naissance, j'ai ressenti la discrimination, l'homophobie et la haine. Les fonctionnaires, les enseignants, les directeurs, les employés de l'école m'ont fait ressentir cette haine", reprend Ilker Erdogan.

"Ils m'ont toujours dit que quelque chose n'allait pas chez moi, que j'étais un marginal et ils m'ont fait croire que je l'étais vraiment".

En meeting durant la campagne électorale, le chef de l'Etat n'a jamais manqué d'attaquer la communauté, lançant qu'"aucun LGBT ne peut être le produit de cette nation!".

"Actes de haine"

Son ministre de l'Intérieur, Süleyman Soylu, a dénoncé la "religion" LGBTQ+ importée selon lui "d'Amérique et d'Europe". "Quand ils parlent des LGBTQ+, ça inclut le mariage des animaux et des humains", a-t-il également clamé.

"J'ai subi plus de discours et d'actes de haine que je n'en avais connus depuis longtemps; on m'a jeté du café depuis une voiture et on m'a crié dessus dans la rue", assure Ameda Murat Karaguzu, 26 ans, responsable de projet dans une association pour les droits des LGBTQ+.

"La police qui m'arrête, moi et pas mes amis hétérosexuels, qui vérifie ma carte d'identité... Le discours de haine généré par le gouvernement sous-tend chacune de ces situations", estime-t-elle.

Pour elle, "ce discours de haine" du président Erdogan "encourage les personnes homophobes, transphobes et hostiles aux LGBTQ+ dans les rues parce qu'elles savent qu'il n'y aura aucune conséquence si on nous tue ou on nous blesse".

Sous ses longs cheveux ramenés en chignon, Tugba Baykal, réalisatrice de documentaires et militante LGBTQ+ de 39 ans, a décidé de quitter le pays.

"Les gens sont traités comme des criminels pour le simple fait d'exister". Elle est sûre que les demandes de visas pour émigrer vont augmenter.

Elle-même va tenter sa chance aux Etats-Unis: "une décision qui aurait été bien plus difficile à prendre si notre pays était plus accueillant."

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