Les exécutions capitales ont quasi doublé entre 2020 et 2022 : "L’histoire montre pourtant que la peine de mort ne fonctionne pas"
Dans son dernier rapport consacré à la peine de mort, Amnesty souligne une hausse drastique et inquiétante du nombre d’exécutions recensées en 2022 à travers le monde.
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Publié le 16-05-2023 à 02h00 - Mis à jour le 16-05-2023 à 14h16
Dans un monde où le radicalisme gagne chaque jour un peu plus de terrain, la forme la plus extrême de celui-ci, à savoir l’acte qui consiste à ôter délibérément la vie d’une femme ou d’un homme, ne fait, hélas, que suivre la tendance. Et ce, même lorsqu’il est le résultat d’une soi-disant décision de "justice".
Ainsi, en 2022, ce sont 883 personnes qui, à travers le monde, ont été exécutées, relève Amnesty International dans son dernier rapport mondial sur la question.
Il s’agit là d’une hausse drastique par rapport aux constats posés douze mois plus tôt : +53%. En deux ans, ces chiffres ont même pratiquement doublé (483 en 2020). En fait, ce degré de barbarie n’avait plus atteint de tels niveaux depuis 5 ans (993 en 2017)…
Et encore ! Ceux-ci ne tiennent pas compte des statistiques inaccessibles parce que tenues secrètes ou relevant de pratiques restrictives en la matière comme en Chine, où les plus terribles estimations évoquent "des milliers" d’exécutions chaque année.
En tout, ce sont 20 pays, 2 de plus qu’en 2021, qui ont eu recours à cette pratique au cours de l’année 2022.

Droit bafoué
À travers ces chiffres globaux, sans doute très en deçà de la réalité donc, transpirent par ailleurs quelques constats pour le moins glaçants. Comme en Arabie saoudite, où Philippe Hensmans, directeur de l’antenne belge d’Amnesty, pointe "un véritable carnage" après que, en l’espace d’une seule journée, le pays "est allé jusqu’à exécuter 81 prisonniers en une seule journée", pointe Agnès Callamard, la secrétaire générale de l’organisation.
Le rapport fait par ailleurs état de 5 exécutions de mineurs d’âge, en Iran, et de 3 exécutions publiques, en Iran et en Afghanistan, ce qui est pourtant contraire aux règles de droit international relatif aux droits humains et des normes y afférentes.
"Des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont bafoué le droit international en intensifiant le rythme des exécutions en 2022, montrant un mépris cruel pour la vie humaine", analyse la secrétaire générale, qui note par ailleurs que "ces derniers mois, dans une tentative désespérée de mettre fin au soulèvement populaire, les autorités iraniennes ont ôté la vie à des personnes qui n’avaient fait qu’exercer leur droit de manifester".
Montrer l’exemple et mettre la pression
L’ONG souligne cependant la décision prise par de nouveaux pays en 2022 d’opter pour l’abolition de cette pratique (lire ci-contre).
Ainsi, pour Philippe Hensmans, "il est nécessaire que certains pays montrent l’exemple".
Si l’Europe œuvre au quotidien en ce sens lors de ses missions, qu’elles soient diplomatiques, économiques ou autres, le directeur de l’antenne belge d’Amnesty pointe le cas des États-Unis où, en 2022, 18 exécutions capitales ont à nouveau été pratiquées.
"La situation y est évidemment très différente d’un État à l’autre. Or, on le constate, ce sont dans les États où les ventes d’armes sont les plus importantes que les exécutions sont les plus nombreuses". On peut donc y voir là "un effet d’entraînement. Si vous risquez la condamnation mort après un homicide, vous hésiterez moins à tirer sur le policier pour tenter de vous échapper", note en outre le directeur, qui observe pourtant que " l’abolitionnisme y a progressé ces dernières années. Il faut que cela continue. Comme au Japon, qui effectue des sortes d’aller-retour sur la question" et où une exécution a été pratiquée en 2022. "Il faut que nos États exercent une pression sur ces pays pour les convaincre d’abolir pleinement la peine de mort."

"Œil pour œil, dent pour dent"
De façon plus générale, Philippe Hensmans plaide en faveur d’un "travail dans les médias et au niveau de l’éducation, de la culture". Une façon, estime le Belge, de "sortir de la logique du “œil pour œil, dent pour dent”. On le voit pourtant : toute l’histoire nous montre que la peine de mort ne fonctionne pas."
"Les chiffres tragiques de 2022 nous rappellent que nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Nous continuerons de nous mobiliser jusqu’à ce que la peine de mort soit abolie dans le monde entier ", conclut Agnès Callamard.
Consultez le rapport sur https://www.amnesty.be/IMG/pdf/20230516_rapport_pdm.pdf