D’une banale rencontre en 2006 à l’inculpation : comment “l’affaire Stormy Daniels” a fini par faire vaciller l’ancien président Donald Trump
Stéphanie Clifford, de son vrai nom, a subi d’énormes pressions de la part de l’entourage de Trump. Son récit, nié par Trump et ses équipes pendant des années, prend maintenant une tout autre dimension.
Publié le 31-03-2023 à 11h52 - Mis à jour le 31-03-2023 à 13h39
Une “divulgation complète” (full disclosure). Dans cette autobiographie au nom évocateur parue en octobre 2018, l’actrice pornographique Stormy Daniels, de son vrai nom Stéphanie Clifford, raconte par le menu les détails de sa relation sexuelle avec un certain Donald Trump, dans le courant de l’année 2006. Lui a alors la soixantaine, vient de se remarier et a eu un fils (son cinquième enfant), un an plus tôt. Elle a 27 ans, et elle est déjà une star de l’industrie pornographique, après avoir fait ses armes dans les Strip-Clubs de Bâton-Rouge, en Louisiane, où elle est née. À l’époque, Donald Trump cartonne avec son émission de télé réalité, The Apprentice (L’apprenti), au cours de laquelle ce dernier fait passer des entretiens d’embauche à des candidats venus se battre pour un poste de cadre dans une de ses entreprises. Certains gimmicks du milliardaire sont encore aujourd’hui encore très populaires, tel ce “You’re fired ! ” (vous êtes viré !), éructé au visage des malheureux prétendants débarqués de son émission sans ménagement.
Menaces
C’est Trump qui, visiblement, a proposé à Clifford de rejoindre son show lors de leur rencontre à Lake Tahoe en cet été 2006, au cours d’un tournoi de golf. Mais la promesse ne s’est jamais réalisée, malgré d’autres rencontres, plus ou moins formelles. Ce qui s’est passé, en revanche, ce jour-là, tient du banal : une relation sexuelle “décevante” selon Clifford, qui de fil en aiguille, au fil des ans, va hésiter à raconter cette histoire, moyennant finance… Mais Trump, dont les ambitions politiques sont de plus en plus aiguisées après sa percée à la télévision, va tout tenter, toujours d’après l’actrice, pour étouffer l’affaire. D’abord en menaçant de procès les médias prêts à publier cette histoire, ensuite, toujours selon l’actrice, en menaçant cette dernière. Au début des années 2010, Clifford se retrouve “dans un parking, j’allais à un cours de fitness avec ma petite fille (..). Et un type s’est approché de moi et m’a dit : “Laisse Trump tranquille. Oublie l’histoire”, raconte-t-elle auprès de CBS en mars 2018. “Et puis il s’est penché et a regardé ma fille et a dit : “C’est une belle-petite-fille. Ce serait dommage s’il arrivait quelque chose à sa mère.” ”
Cohen craque
C’est l’avocat personnel de Donald Trump, Michael Cohen, qui s’était jusqu’ici échiné à menacer de procès tous les médias prêts à publier l’histoire, qui propose un arrangement financier en 2016, mi-octobre. Onze jours avant l’élection présidentielle, pour la modique somme de 130 000 dollars, Clifford signe une clause de non-divulgation. Mais un peu plus d’un an plus tard, le Wall Street Journal évente l’affaire. Cette même année, Cohen, pourchassé par le procureur fédéral Robert Mueller pour d’autres affaires concernant Trump, finit par se mettre à table afin de s’épargner quelques années de prison : oui, ce dernier a bien soudoyé Stéphanie Clifford, mais surtout, il l’a fait en utilisant les comptes de campagnes de l’alors candidat républicain, ce qui constitue une violation de la législation sur le financement des campagnes électorales.
Favori du camp républicain pour concourir à l’élection présidentielle 2024, Donald Trump dénonce “une persécution politique et une ingérence électorale au plus haut niveau de l’histoire. ” “Jamais auparavant dans l’histoire de notre nation, cela n’avait été fait”, a vitupéré Trump ce jeudi, et sur ce point, il n’a pas tout à fait tort : c’est la première fois qu’un président américain est ainsi inculpé au pénal. Il est attendu qu’il soit prochainement photographié en tant que prévenu et qu’on lui prenne ses empreintes digitales. Même s’il n’est pas condamné, l’image pourrait s’avérer catastrophique auprès des républicains les plus modérés… s’il en reste encore.