Manifestations contre la réforme des retraites en France: des heurts dans le cortège parisien (vidéos)
La France est constellée d'actions de protestation contre la réforme des retraites ce mardi 28 mars 2023. Il s'agit de la 10e journée de mobilisation à l'appel de l'intersyndicale. Le point sur les débordements.
Publié le 28-03-2023 à 14h24 - Mis à jour le 28-03-2023 à 19h13
Des heurts avec les forces de l'ordre, échauffourées et autres dégradations ont émaillé les cortèges contre la réforme des retraites dans plusieurs villes dont Paris, où le défilé a été plus calme que lors de la précédente mobilisation, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Dans la capitale, où la manifestation qui relie la place de la République à celle de la Nation, est toujours en cours, des affrontements ont opposé forces de l'ordre et certains militants vêtus de noirs et visages masqués, vers la fin du parcours.
Auparavant un commerce Leclerc avait été pillé, des feux de poubelles allumés et du mobilier urbain dégradé par ces groupes de manifestants masqués dont le comportement tranche avec celui calme et festif, de la masse des autres participants au cortège.
Les forces de l'ordre ont chargé et tiré des grenades de gaz lacrymogène pour "disloquer" "le bloc", permettre "l'intervention des pompiers" et "faciliter la progression du cortège", a indiqué la préfecture de police de Paris.
Peu avant 19H00, 27 personnes avaient été interpellées à Paris, a ajouté la préfecture et 10.000 contrôles ont eu lieu autour de la manifestation.
Au moins trois blessés ont été pris en charge par des "street medics" (secouristes volontaires), ont constaté des journalistes de l'AFP. L'un, conscient, était blessé à la tête, un autre, qui portait un brassard presse, présentait une blessure superficielle à la jambe.
Selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, 13.000 policiers et gendarmes - dont 5.500 à Paris - ont été mobilisés pour la 10e journée de protestation contre la réforme des retraites, un dispositif qu'il a qualifié d'"inédit".
Des débordements à Nantes et Rennes
Plus tôt dans l'après-midi, des heurts ont éclaté à Nantes, où une agence bancaire a été incendiée et le tribunal administratif visé, ainsi qu'à Rennes où de nombreuses dégradations ont eu lieu..
À Nantes, après un début de défilé calme qui a attiré 18.000 personnes selon la préfecture, 60.000 selon l'intersyndicale, les premières violences ont eu lieu avec des projectiles lancés par de jeunes manifestants sur les forces de l'ordre qui ont répliqué par des jets de gaz lacrymogènes, selon la même source.
Une agence bancaire a été incendiée et les pompiers sont rapidement intervenus pour éteindre le feu. Une dizaine de tracteurs étaient présents dans défilé.
Au moins un manifestant a été blessé lors de la manifestation nantaise, a constaté une journaliste de l'AFP.
Des poubelles placées devant la porte du tribunal administratif ont été incendiées mais le feu, qui ne s'est pas propagé au bâtiment, a été éteint à l'aide d'extincteurs. La façade portait des tags hostiles, notamment à la police et à la justice. Des tags ont été écrits au mémorial de l'esclavage situé au bord de la Loire.
Un peu plus à l'ouest, à Saint-Nazaire, des "tirs de mortier et jets de projectiles" ont visé les forces de l'ordre, a indiqué sur Twitter la police de Loire-Atlantique.
Une intervention était en cours dans le secteur de la sous-préfecture "pour disperser les perturbateurs", quelques centaines de jeunes, selon une correspondante de l'AFP.
A Rennes, où 13.600 personnes ont battu le pavé, 25.000 selon les syndicats, de premières tensions sont également apparues en début d'après-midi après un départ de défilé relativement calme, selon un journaliste de l'AFP.
"Dégradations en cours et situation très tendue au centre ville de Rennes, particulièrement place de la République. Les passants doivent absolument quitter le secteur", a alerté la police d'Ille-et-Vilaine sur Twitter. Une agence d'assureur a notamment été saccagée.
"C'est une agression, ils voient deux femmes effrayées a l'intérieur et ça les arrête même pas! Je me suis fait traiter de capitaliste, je gagne 1.400 euros par mois", a confié une employée, des sanglots dans la voix, préférant ne pas donner son nom.
Les deux employées étaient a l'intérieur de l'agence lorsque les casseurs ont cassé la vitrine et lancé un fumigène a l'intérieur. Très choquées, elles se sont réfugiées dans une brasserie voisine après s'être échappées, l'une par la vitrine cassée l'autre par l'immeuble voisin.
Lors des précédentes journées de mobilisations, des violences entre jeunes militants radicaux et policiers avaient eu lieu à Rennes et Nantes, souvent à la fin des défilés, avec de nombreuses dégradations dans les deux villes.
Des tensions ont aussi été recensées à Dijon ou à Toulouse où les forces de l'ordre ont fait usage d'un canon à eau. Strasbourg, Besançon et Nancy ont aussi connu des échauffourées.
Trains et transports en commun touchés
Au niveau national, le trafic ferroviaire est perturbé, avec trois TGV sur cinq et un TER sur deux en moyenne, selon la SNCF.
Le taux provisoire de grévistes atteignait 16,5% mardi midi à la SNCF, selon une source syndicale, soit une mobilisation en baisse par rapport aux précédentes.
La RATP a réduit le trafic sur la plupart des lignes de métro tout en les gardant ouvertes. En région parisienne, les circulations restent également perturbées avec de 40% à 60% des trains de banlieue annulés selon les lignes.
A Paris, un millier de manifestants a envahi les voies de la Gare de Lyon avant midi, perturbant un peu plus le trafic. A Rennes, des manifestants sur les voies ont arrêté la circulation sur la ligne Rennes/Saint-Brieuc, selon la préfecture. Le réseau d'autobus de la métropole est aussi affecté par le blocage de son dépôt principal, selon son gestionnaire.
Carburants manquants
Mardi à 08H30, 15,52% des stations-service de France étaient en pénurie d'au moins un carburant (essence et/ou gazole) qu'elles proposaient au mercredi 1er mars, d'après des données publiques analysées par l'AFP. 6,89% des stations étaient à sec.
Le département le plus touché est désormais la Mayenne (50% des stations en pénurie d'au moins un carburant). Les départements du Sud sont encore parmi les plus touchés en particulier la Haute-Garonne (41%) et les Bouches-du-Rhône (39%).
Les pénuries commencent à atteindre l'Ile-de-France, notamment le Val-de-Marne (44%) et l'Essonne (37%).
Ces pénuries résultent de la situation perturbée dans les raffineries.
Chez TotalEnergies, celle de Normandie est à l'arrêt. Les salariés ont voté la reconduction de la grève jusqu'à jeudi 13H00, selon un délégué CGT.
A la raffinerie de Donges (Loire-Atlantique), les expéditions sont interrompues, selon la direction. Idem à la bioraffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône), où les expéditions demeurent bloquées.
Chez Esso-ExxonMobil, la mise à l'arrêt de la raffinerie de Port-Jérôme-Gravenchon (Seine-Maritime) se poursuit et les expéditions sont toujours bloquées mardi matin, selon la direction. Concernant la raffinerie de Fos-sur-Mer, elle continue à fonctionner de manière "ajustée", des expéditions ayant permis d'éviter un arrêt de la production pour cause de bacs pleins.
La raffinerie PetroIneos de Lavéra (Bouches-du-Rhône) est elle toujours à l'arrêt et ses expéditions bloquées, selon la CGT.
Baisse de production d'électricité
La direction d'EDF fait état de baisses de production opérées par les grévistes mardi matin, de l'ordre de 8.030 MW, soit l'équivalent de huit réacteurs nucléaires (sur les 56 que compte le pays).
Le groupe comptabilise 21,5% de grévistes à la mi-journée, une participation en recul par rapport au 23 mars à la mi-journée (25,3%).
Transport aérien
Les aéroports de Montpellier et de Quimper ont vu leur trafic interrompu mardi matin en raison de la grève de contrôleurs aériens, selon la Direction générale de l'Aviation civile (DGAC). Montpellier-Méditerranée a rouvert à 09H00, tandis que Quimper-Pluguffan restera fermé jusqu'à 14H00, entrainant des retards.
L'administration avait demandé aux compagnies aériennes d'annuler préventivement mardi et mercredi 20% de leurs vols à Paris-Orly, Marseille, Toulouse et Bordeaux.
Elle a réitéré sa demande pour environ 20% des vols jeudi (d'Orly, Marseille, Toulouse) et vendredi (d'Orly, Lyon, Marseille, Toulouse).
Au-delà des aéroports, les arrêts de travail des aiguilleurs du ciel touchent les Centres en route de la navigation aérienne (CRNA, gestion des avions qui transitent par l'espace aérien français), entrainant des répercussions sur l'ensemble du trafic européen.
Déchets
A Paris, encore 7.000 tonnes de déchets jonchent les trottoirs, a indiqué la maire PS Anne Hidalgo, un volume en baisse constante depuis la fin du mouvement social vendredi dans deux des trois incinérateurs desservant la capitale, et la réquisition du troisième.
La CGT de la filière déchets et assainissement a annoncé la suspension à partir de mercredi de la grève des éboueurs au sein de la capitale, et du blocage des incinérateurs.
Mardi, des blocages subsistent aux portes de deux des trois usines d'incinération, indique à l'AFP le syndicat métropolitain qui les gère. Si l'usine de Saint-Ouen, où les fours sont encore en maintenance "quelques jours", réceptionne les déchets normalement, celle d'Issy-les-Moulineaux fait l'objet d'un barrage filtrant et celle d'Ivry-sur-Seine était toujours bloquée mardi matin.
A Marseille, même si les éboueurs ne sont toujours pas officiellement en grève, les déchets s'amoncellent dans plusieurs quartiers, notamment ceux cossus du Prado ou du Boulevard Périer.
Enseignants, lycéens et étudiants
Selon le ministère de l'Education, 8,37% d'enseignants en grève dont 7,60% dans le primaire et 9,13% dans le secondaire (collèges et lycées).
Le ministère de l'Éducation a fait état de 53 incidents en France devant des établissements scolaires, dont 14 blocages, 27 blocages filtrants, sept tentatives de blocages et cinq autres formes de perturbations (sur un total de 6.960 collèges et 3.720 lycées).
A Paris, des blocages, souvent filtrants, étaient installés devant plusieurs lycées, dont Montaigne (VIe arrondissement), Lavoisier (Ve), Monet (XIIIe) ou Turgot (IIIe).
Des actions étaient également organisées ailleurs en France, comme devant les lycées Pasteur à Lille, Claude-Monet au Havre, Jeanne-d'Arc à Rouen, Mistral à Avignon ou Montgrand et Thiers à Marseille.
L'accès à des sites universitaires était également perturbé dans plusieurs villes, dont Paris - où plusieurs bâtiments de l'université Paris 1 étaient touchés -, Lyon, Lille, Bordeaux, Rennes ou Nice.
Tour Eiffel fermée
L'accès à la Tour Eiffel était fermé au public mardi en raison d'un appel à la grève du personnel, a indiqué la direction à l'AFP.
"Les salariés suivent le mouvement national" mais il n'y a "pas de blocage d'accès" au monument, l'un des plus visités au monde, précise la société d'exploitation (Sete) qui emploie environ 350 personnes.
Le préavis de grève étant non reconductible, toujours selon la Sete, la Tour Eiffel doit rouvrir mercredi.