Une manifestation tourne à l’affrontement en France: de nombreux blessés à la “bassine” de Sainte-Soline

Une nouvelle manifestation interdite contre les bassines, devenues le symbole des tensions autour de l’eau, a donné lieu à de violents affrontements ce samedi dans les Deux-Sèvres, où des milliers de personnes ont convergé dont de nombreux militants radicaux.

AFP

Un long cortège a commencé à défiler en fin de matinée, composé d’au moins 6.000 personnes selon la préfecture et d’environ 25.000 selon les organisateurs – le collectif d’associations “Bassines non merci”, le mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre et la Confédération paysanne.

Plus de 3.000 gendarmes et policiers ont été mobilisés par les autorités, alors qu'” au moins un millier” d’activistes violents, en partie venus de l’étranger dont l’Italie, “prêts à en découdre avec les forces de l’ordre”, étaient présents.

La manifestation, interdite comme la dernière à l’automne, a convergé vers la “bassine” de Sainte-Soline, surnom donné par leurs adversaires à ces réserves d’eau en construction dans la région pour l’irrigation agricole.

”Le but, c’est d’approcher et d’encercler la bassine pour faire stopper le chantier”, avait affirmé un membre des Soulèvements de la Terre au départ du cortège qui s’est ensuite scindé en plusieurs groupes à cette fin.

À l’approche du chantier, défendu par les forces de l’ordre, de violents affrontements ont éclaté rapidement avec des militants radicaux, à coups de multiples jets de projectiles, de tirs de mortier et d’explosifs d’un côté ; de gaz lacrymogènes et de canon à eau de l’autre, selon des journalistes de l’AFP.

Vers 13H30, les abords de la bassine ressemblaient à une scène de guerre, avec de très nombreuses détonations, qu’observaient de loin, et au son des bandas, la plupart des manifestants restés pacifiques. Plusieurs véhicules de gendarmerie ont pris feu sous les vivats de certains.

De nombreux blessés après les affrontements

Les violents affrontements ont fait de nombreux blessés parmi les gendarmes et les manifestants, selon un premier bilan et des témoignages recueillis par l'AFP. "Parmi les manifestants pris en charge par les secours, à ce stade, il y a deux blessés graves, dont un victime d'un traumatisme crânien qui a été classé en urgence absolue par le médecin de la gendarmerie", ont indiqué les autorités peu après 16H00.

Seize gendarmes ont également été blessés, dont six évacués vers les hôpitaux de la région et un grièvement touché qui va être héliporté, selon la même source.

Un bilan ensuite revu par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin à 24 gendarmes blessés dont 1 en urgence absolue et 7 manifestants blessés dont 1 en urgence absolue.

D'après un des organisateurs du rassemblement à Sainte-Soline, le mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre, les affrontements ont fait "plusieurs dizaines de blessés graves" parmi les manifestants, dont trois ont été secourus en "urgence vitale".

Selon la députée LFI de Haute-Vienne Manon Meunier, interrogée sur place par l'AFP, deux blessés auraient leur pronostic vital engagé, information non confirmée par les autorités.

"J'ai vu au moins 30 blessés mais il y en a plus. Certains avaient perdu connaissance, d'autres avaient la tête en sang. Beaucoup de blessés aux pieds et à la tête", avait indiqué plus tôt Claire Auger, une institutrice qui leur a porté secours.


"Le Samu ne pouvait pas venir les chercher. On a vu juste une ambulance. On a sollicité les élus pour qu'ils fassent quelque chose. C'était la panique totale, ça a duré plus d'une heure avant que ça commence à évacuer", a ajouté ce témoin.

"Le Samu nous répondait qu'ils avaient ordre de ne pas approcher du site, qu'il fallait qu'on évacue nous-mêmes les blessés jusqu'au village de Sainte-Soline où ils seraient pris en charge", a complété Marc Parenthoën, enseignant-chercheur. Selon la députée LFI, des élus sont partis à pied chercher des voitures pour transporter les blessés.

Interrogée à ce sujet, la préfecture des Deux-Sèvres a expliqué que "pour faciliter et sécuriser l'arrivée des secours", les gendarmes les retrouvent d'abord en un point spécifique pour les escorter ensuite "jusqu'à la zone à risques". "Cela permet, ainsi, une approche des services de secours en toute sécurité" pour la prise en charge des blessés, la manoeuvre étant "soutenue par des équipes médicales opérationnelles de gendarmerie" formées à cet effet, a ajouté la préfecture.

Cette situation a valu à la préfète des Deux-Sèvres d'être interpellée par la Ligue des droits de l'Homme, qui avait envoyé des observateurs à Sainte-Soline.

"Madame la préfète, laissez passer les secours d'urgence ! Nos observateurs ont constaté l'entrave par les forces de l'ordre à l'intervention des secours pour une situation d'urgence absolue", écrit la LDH dans un communiqué de presse.

Selon elle, le blessé se trouvait dans une zone "parfaitement calme", où rien ne faisait "obstacle à l'intervention du Samu", et il aurait dû être pris en charge "sans délai" par les secours.

Borne dénonce "un déferlement de violence intolérable"

"Soutien aux gendarmes et pompiers (...) face à un déferlement de violence intolérable à Sainte-Soline", a écrit sur Twitter la Première ministre Elisabeth Borne, dénonçant "des actes inacceptables" et "l'irresponsabilité des discours radicaux qui encouragent ces agissements".

”Bassines non merci”

”Alors que le pays se soulève pour défendre les retraites, nous allons simultanément faire front pour défendre l’eau”, revendiquaient les organisateurs, qui ont installé un campement à quelques kilomètres de Sainte-Soline, sur la commune de Vanzay, en bordure du périmètre d’interdiction.

”Ne tombez pas dans la violence, la vraie violence c’est celle de l’État”, avait précédemment lancé à la foule Julien Le Guet, porte-parole de “Bassines non merci”, sous le coup d’un contrôle judiciaire qui le prive de manifestation.

Le dispositif de sécurité était deux fois plus important que lors de la dernière manifestation. “Il y a une très grande mobilisation de l’extrême gauche et de ceux qui veulent s’en prendre aux gendarmes et peut-être tuer des gendarmes et tuer les institutions”, avait justifié Gérald Darmanin vendredi sur Cnews.

Des armes avaient été saisies en amont du rassemblement – boules de pétanque, frondes, lance-pierres, produits incendiaires, couteaux et haches selon la gendarmerie – et 11 personnes interpellées, dont sept sont actuellement en garde à vue, selon le parquet de Niort.

Plusieurs élus EELV et LFI manifestent samedi, tandis que des observateurs des pratiques policières mandatés par la Ligue des droits de l’Homme doivent “documenter le maintien de l’ordre” durant le week-end.

Un “accaparement” de l’eau par “l’agro-industrie”

La bassine de Sainte-Soline fait partie d’un ensemble de 16 retenues, d’une capacité totale d’environ six millions de mètres cubes, qui doivent être construites dans le cadre d’un projet porté par une coopérative de 450 agriculteurs, soutenu par l’État mais contesté de longue date.

Il vise à stocker de l’eau puisée dans les nappes superficielles en hiver, afin d’irriguer les cultures en été quand les précipitations se raréfient, selon un principe de “substitution”. Ses partisans en font une condition de la survie des exploitations face à la menace de sécheresses récurrentes.

Son coût de 70 millions d’euros est financé à 70 % par des fonds publics en échange de l’adoption de pratiques agroécologiques par les bénéficiaires, une vaine promesse selon les opposants qui dénoncent un “accaparement” de l’eau par “l’agro-industrie” à l’heure du changement climatique.

”Il y a seulement 6 % de la surface agricole utile qui est irriguée en France et il y a 100 % des agriculteurs qui subissent la sécheresse”, a déclaré Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, samedi sur RMC.

Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a défendu quant à lui sur France Inter un projet “exemplaire” en termes de “sobriété” agricole.

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