Accord sur les moteurs thermiques après 2035 : l’UE assouplit l’interdiction

La Commission européenne et l’Allemagne ont annoncé samedi avoir trouvé un accord pour débloquer un texte clé du plan climat de l’Union européenne sur les émissions de CO2 des voitures, en assouplissant l’interdiction des moteurs thermiques après 2035.

Belga
(FILES) In this file photo taken on May 25, 2020 used cars of German car maker Volkswagen (VW) are for sale at a car dealer in Dortmund, western Germany. - The EU and Germany on March 25, 2023 said they had struck a deal after a dispute over the planned phaseout by 2035 of the sale of cars using fossil fuels to fight climate change. (Photo by Ina FASSBENDER / AFP)
Automobile: sous pression de Berlin, l'UE assouplit l'interdiction des moteurs thermiques. ©AFP or licensors

Berlin avait stupéfié ses partenaires européens début mars en bloquant au dernier moment un règlement prévoyant de réduire à zéro les émissions de CO2 des véhicules neufs, imposant de fait les motorisations 100 % électriques à partir du milieu de la prochaine décennie.

Ce texte avait déjà fait l’objet en octobre d’un accord entre États membres et négociateurs du Parlement européen, avec le feu vert de l’Allemagne, et avait été approuvé mi-février par les eurodéputés réunis en plénière.

Pour justifier sa volte-face, rarissime à ce stade de la procédure, l’Allemagne a réclamé de la Commission qu’elle présente une proposition ouvrant la voie aux véhicules fonctionnant aux carburants de synthèse.

Cette technologie, encore en développement, consisterait à produire du carburant à partir de CO2 issu des activités industrielles. Défendue par des constructeurs haut de gamme allemands et italiens, elle permettrait de prolonger l’utilisation de moteurs thermiques après 2035.

La Commission négociait ces dernières semaines les modalités d’une sortie de crise avec l’Allemagne qui réclamait un engagement plus ferme sur les carburants de synthèse, certes déjà évoqués dans le texte initial, mais dans un considérant jugé juridiquement trop peu contraignant.

”Nous avons trouvé un accord avec l’Allemagne sur l’utilisation future des carburants de synthèse dans les voitures”, a annoncé samedi le commissaire européen à l’Environnement Frans Timmermans sur Twitter.

”Désormais, nous allons travailler à faire adopter le règlement sur les normes de CO2 des voitures dès que possible”, a-t-il ajouté.

Technologie contestée

”Les véhicules équipés d’un moteur à combustion pourront être immatriculés après 2035 s’ils utilisent exclusivement des carburants neutres en termes d’émissions de CO2”, s’est réjoui le ministre allemand des Transports, Volker Wissing, également sur Twitter.

La technologie des carburants de synthèse est contestée par les ONG environnementales qui la jugent coûteuse, énergivore et polluante.

De nombreux experts automobiles doutent par ailleurs qu’elle puisse s’imposer sur le marché face à des voitures électriques dont les prix devraient baisser dans les années à venir.

Le blocage de Berlin était une initiative des libéraux du FDP, troisième parti de la coalition au pouvoir derrière les sociaux-démocrates (SPD) et les Verts.

Ce petit parti, crédité d'environ 5% des intentions de vote dans les sondages nationaux, a perdu cinq élections régionales consécutives. Il espère s'affirmer en se posant en défenseur de l'automobile, pariant sur l'hostilité d'une grande partie de la population à l'interdiction des moteurs thermiques.

Pour assurer l'unité de sa coalition, le chancelier social-démocrate Olaf Scholz avait préféré s'aligner sur cette demande et les Verts ont laissé faire.

"Un vrai désastre"

Finalement, "le texte est inchangé. La règle des 100% de voitures zéro émissions en 2035 est donc maintenue", a réagi le président de la Commission Environnement du Parlement Européen Pascal Canfin (Renew, Libéraux), assurant qu'il serait vigilant sur le respect de la "neutralité climat" des moteurs thermiques qui seront autorisés.

L'industrie a déjà massivement investi dans les véhicules électriques. Même s'ils font leur preuve, les carburants de synthèse, qui n'existent pas aujourd'hui, "ne joueront pas de rôle important à moyen terme dans le segment des voitures particulières", a déclaré Markus Duesmann, patron d'Audi (groupe Volkswagen).

En raison de leur coût, ils n'auront de sens que pour quelques voitures de luxe "comme des Porsche 911 ou des Ferrari", souligne Ferdinand Dudenhöffer, expert du Center Automotive Research en Allemagne, qui ne voit "pas de changement important" pour la transition verte.

Mais, selon lui, la mauvaise gestion du dossier par "la Commission européenne a nourri de nouveaux doutes" dans l'opinion et a créé des "incertitudes pour l'investissement".

"C'est mauvais pour l'industrie automobile européenne, car les Chinois et les Américains vont creuser l'écart dans le véhicule électrique", assure-t-il.

L'affaire a aussi affecté l'image de l'Allemagne à Bruxelles et porté atteinte à la crédibilité des institutions, estiment de nombreux observateurs.

"Un Etat membre menace de provoquer une crise constitutionnelle de l'UE (non-respect du résultat d'une procédure législative) et n'obtient rien de substantiel en retour, un vrai désastre", a dénoncé l'eurodéputé social-démocrate allemand René Repasi.

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