Complot, solitude, trahison? Pourquoi Benoît XVI a-t-il démissionné?
L'ancien pape Benoît XVI est décédé ce samedi 31 décembre. C'est durant l'été 2012 que le Pape avait décidé de renoncer à sa charge. Il l'annoncera six mois plus tard.
Publié le 31-12-2022 à 12h10 - Mis à jour le 31-12-2022 à 14h16
Les rumeurs n’ont jamais cessé autour de la démission (ou renonciation, selon le terme consacré) de Benoît XVI. Pédophilie dans l’Église, scandales financiers, trahisons internes… Quel évènement ou quelle découverte l’aurait fait chuté ?
En réalité, la renonciation de Benoît XVI n’est liée à aucun dossier particulier, pas plus qu’à des pressions extérieures. Comme il l’a dit lui-même, sa décision, pour laquelle il n’a ressenti “aucun déchirement”, s’est faite durant l’été 2012. La principale raison, évoquée par lui-même, est qu’il n’avait plus les “forces” nécessaires pour “exercer adéquatement le ministère pétrinien” qui était pour lui un “poids”.
De même que Benoît XVI est devenu Pape à contrecœur, par devoir, c’est donc par devoir, comprenant qu’il ne pouvait plus répondre aux exigences de sa charge, qu’il a renoncé. Pour autant, le climat délétère au Vatican l’y a poussé. Les problèmes de gouvernance et les scandales financiers y étaient importants. Benoît XVI savait qu’il fallait y mettre un terme au plus vite, mais il comprenait que cela nécessitait un patron, un homme de gouvernance, ce qu’il n’était pas.
L’affaire Vatileaks, une fuite de documents internes en 2012, lui révéla aussi sa solitude au sommet de l’organigramme, son majordome personnel lui ayant dérobé des dossiers, et son secrétaire d’État, le cardinal Bertone, étant incapable de le seconder. Enfin, cela peut paraître anecdotique, mais la perspective des JMJ (les Journées mondiales de la jeunesse), qui allaient se tenir l’été 2013 au Brésil, inquiétait le Pape. Ses médecins lui avaient déconseillé de longs voyages après son périple à Cuba, et il ne pouvait imaginer que des JMJ se déroulent sans la présence d’un pape.
Globalement c’est donc librement, face à une réalité multiple, éprouvé par la trahison de certains proches, par une santé fragile et porté par un sens du devoir, que Benoît décida de renoncer.
Un abandon ?
Un dernier point : Benoît XVI – en tant que catholique – ne considéra jamais sa renonciation comme un abandon de poste. “Je ne retourne pas à la vie privée, expliqua-t-il lors de sa dernière audience le 27 février 2013. Je n’abandonne pas la croix, mais je reste d’une façon nouvelle près du Seigneur crucifié. Je ne porte plus le pouvoir de la charge pour le gouvernement, mais dans le service de la prière, je reste, pour ainsi dire, dans l’enceinte de saint Pierre.”
Le pape François, en introduction du livre Enseigner et apprendre l’amour de Dieu, ne dit pas autre chose. “C’est peut-être depuis le monastère Mater Ecclesiae, où il s’est retiré, que Benoît XVI continue à témoigner d’une façon encore plus lumineuse du ‘facteur décisif’, ce noyau dur du ministère sacerdotal que diacres, prêtres et évêques ne doivent jamais oublier : à savoir que le premier et le plus important service n’est pas la gestion des ‘affaires courantes’, mais de prier pour les autres, sans cesse, corps et âme, tout comme le fait le pape émérite aujourd’hui : constamment plongé en Dieu, avec le cœur toujours tourné vers lui, comme un amant qui pense chaque instant au bien-aimé, quoi qu’il fasse.”
Depuis dix ans, c’était bien dans une maison nommée monastère Mater Ecclesiae et située dans les jardins du Vatican que le pape Benoît XVI s’était retiré, se reposant, priant et recevant discrètement quelques visites de prêtres, amis ou théologiens.