Corruption par le Qatar au Parlement européen : 4 personnes sous mandat d'arrêt, Marc Tarabella perquisitionné
Six personnes au total ont été privées de liberté vendredi dans le cadre de l'enquête à grande échelle du parquet fédéral Six personnes au total ont été privées de liberté vendredi dans le cadre de l'enquête à grande échelle du parquet fédéral et de la police fédérale pour des délits présumés d'organisation criminelle, de corruption et de blanchiment d'argent, annonce le parquet fédéral dans un communiqué diffusé dimanche.
Publié le 11-12-2022 à 14h02 - Mis à jour le 14-12-2022 à 18h45
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Celui-ci enquête sur des soupçons de corruption en lien avec le Qatar au sein de cette institution de l'UE.
Quatre individus ont été placés sous mandat d'arrêt dimanche par le juge d'instruction bruxellois qui dirige l'enquête. Ils sont inculpés pour appartenance à une organisation criminelle, blanchiment d'argent et corruption. Deux personnes ont été libérées par le juge, ajoute le parquet fédéral, qui n'a mentionné aucun nom.
L'une des quatre personnes placées sous mandat d'arrêt est la vice-présidente grecque du Parlement européen Eva Kaili, a indiqué à l'AFP une source judiciaire. Son domicile avait été perquisitionné vendredi soir. Dans cette enquête, une vague de 16 perquisitions avait eu lieu vendredi à Ixelles, Schaerbeek, Crainhem, Forest et Bruxelles.
Enquête pour corruption par le Qatar: retrait du mandat de vice-présidente du Parlement européen à la Grecque KailiMme Kaili n'a pas pu bénéficier de son immunité parlementaire car l'infraction qui lui est reprochée a été constatée "en flagrant délit", a expliqué la même source judiciaire. Cette source a confirmé des informations de presse selon lesquelles Mme Kaili, ex-présentatrice à la télévision grecque âgée de 44 ans, était en possession de "sacs de billets" vendredi soir lorsque la police belge l'a interpellée.
Le domicile bruxellois de Mme Kaili a été perquisitionné vendredi soir.
Parmi les six suspects interpellés vendredi, au terme d'au moins 16 perquisitions à Bruxelles, figuraient aussi l'ex-eurodéputé italien Pier-Antonio Panzeri et le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI) Luca Visentini, lui aussi Italien.
Le propre père de Mme Kaili aurait lui-même été inquiété dans l'enquête, surpris en train de transporter une grosse somme en liquide "dans une valise".
Le Belge Marc Tarabella perquisitionné
Par ailleurs, une perquisition a eu lieu samedi soir vers 20h00 au domicile d'un second député européen, ajoute le parquet fédéral.
Il s'agit du député européen PS Marc Tarabella, selon une information du Soir et de Knack confirmée à l'agence Belga par l'intéressé.
"La justice fait son travail d'information et d'enquête, ce que je trouve tout à fait normal. Je n'ai absolument rien à cacher et je répondrai à toutes les questions, cela va de soi si cela peut les aider à faire toute la lumière sur cette affaire", a commenté le député.
Pour assister la police fédérale dans cette seconde perquisition, la présidente du Parlement européen Roberta Metsola est revenue de Malte à Bruxelles dans la soirée, a indiqué un de ses porte-parole. La présence de la présidente est requise pour un tel acte d'enquête visant un eurodéputé élu en Belgique "comme le veut la Constitution belge", a-t-on expliqué.
D'importantes sommes d'argent
Dans cette affaire, est suspecté le versement d'importantes sommes d'argent ou l'offre de cadeaux significatifs à des tiers ayant une position politique et/ou stratégique permettant, au sein du Parlement européen, d'influencer les décisions" de cette institution, a rappelé dimanche le parquet.
L'affaire éclate en plein Mondial-2022 de football, alors que le pays organisateur doit déployer des efforts pour défendre sa réputation décriée en matière de respect des droits humains, notamment ceux des travailleurs.
Elle survient aussi à la veille d'une session plénière du Parlement européen à Strasbourg, où la relation entre l'UE et le Qatar devrait inévitablement resurgir dans les débats.
Eva Kaili s'était rendue début novembre au Qatar où elle avait salué en présence du ministre qatari du Travail les réformes de l'émirat dans ce secteur.
L'ambassadeur de l'UE à Doha Cristian Tudor avait alors assuré sur Twitter la publicité de cette rencontre jugée positive.
"Le Qatar est un chef de file en matière de droits du travail", avait aussi affirmé Mme Kaili le 22 novembre à la tribune du Parlement européen.
Ces propos, qui avaient alors suscité des remous dans les rangs de la gauche et des libéraux, sont revenus à l'esprit de nombreux eurodéputés ce week-end après l'annonce de son arrestation.
"Je crains maintenant de comprendre...", a commenté samedi sur Twitter le Français Pierre Karleskind (Renew, libéraux).
Lundi à Strasbourg, la présidente du Parlement européen, la Maltaise Roberta Metsola, a convoqué une réunion des présidents de groupes pour évoquer l'enquête judiciaire belge, ont indiqué dimanche à l'AFP deux sources au sein du Parlement.
Les eurodéputés Verts et socio-démocrates s'opposeront par ailleurs au démarrage de négociations sur une libéralisation des visas pour les Qataris dans l'UE.
Samedi soir, Mme Metsola a décidé d'une première sanction contre Eva Kaili. La vice-présidente grecque s'est vu retirer toutes les tâches déléguées par Mme Metsola dont celle de la représenter dans la région Moyen-Orient.
Des eurodéputés de gauche, dont l'écologiste Philippe Lamberts au nom du groupe des Verts au Parlement européen, ont demandé la démission de Mme Kaili, exclue dès vendredi soir du parti socialiste grec (Pasok-Kinal).
Sa collègue Ecolo Sakia Bricmont a rappelé dans un communiqué envoyé à Belga que son groupe demandera "de rejeter l'ouverture de négociations avec le Qatar sur la libéralisation des visas, en session plénière du Parlement européen cette semaine." "Si des États tiers arrivent à s'ingérer dans les affaires européennes c'est aussi parce des élus et membres des institutions européennes les y autorisent. Il est temps que cela cesse, que conservateurs et socialistes acceptent enfin nos demandes en matière de transparence, de contrôle et de règles de gouvernance plus strictes", ajoute la députée belge.
"Une atteinte grave à la réputation" du Parlement, selon le commissaire italien Gentiloni
L'affaire de corruption présumée au profit du Qatar impliquant des représentants du Parlement européen constitue "une atteinte grave à la réputation" de cette institution de l'UE, a estimé dimanche le commissaire européen à l'Economie, l'Italien Paolo Gentiloni.
Dans cette affaire, un juge belge enquête sur "le versement d'importantes sommes d'argent ou l'offre de cadeaux significatifs à des tiers ayant une position politique et/ou stratégique permettant, au sein du Parlement européen, d'influencer les décisions" de cette institution, a rappelé dimanche le parquet.
"C'est une atteinte très grave à la réputation" du Parlement européen, "une affaire honteuse et intolérable", a déploré M. Gentiloni lors d'une émission sur la Rai.
"Le Parlement européen a toujours été fer de lance en termes de droits, il n'a sans doute pas été doté de pouvoirs suffisants mais sur les principes il a toujours constitué un point de référence", a-t-il souligné.
"S'il est confirmé que quelqu'un a reçu de l'argent pour chercher à influencer l'opinion du Parlement européen, je pense que ce sera vraiment une des affaires de corruption les plus dramatiques de ces dernières années", a ajouté le commissaire italien.