La Transnistrie, verrou poreux entre la Russie et l'ouest
Cet État "fantôme", niché entre la Moldavie et l'Ukraine, est sous tension après une série d'attaques encore non identifiées.
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Publié le 29-04-2022 à 08h05 - Mis à jour le 29-04-2022 à 08h06
Trois attaques en autant de jours. La semaine qui vient de s’écouler fut tendue du côté de la Transnistrie, un territoire accolé à la Moldavie d’une part et frontalier de l’Ukraine d’autre part. Une sorte d’État fantôme, composé majoritairement de russophones (33%), de Moldaves (33%) et d’Ukrainiens (26%), non reconnu par la Moldavie et avec qui la Russie entretient une relation privilégiée, sans pour autant avoir jamais reconnu la Transnistrie en tant que pays à part entière.
Sur les cendres de l’URSS
"La Transnistrie est souvent caractérisée comme une région séparatiste ou sécessionniste de la Moldavie" , éclaire la spécialiste Gaëlle le Pavic, qui étudie les cas de séparatismes régionaux pour l’université des Nations unies (CRIS) à Bruges, ainsi qu’à l’université de Gand. "Sa partition remonte à 1991 alors que la Moldavie devenait un État indépendant après la chute de l’URSS" , poursuit la chercheuse, précisant que depuis lors, et au terme d’un conflit de courte durée, "la fédération de Russie et la Moldavie ont signé une résolution mettant fin aux hostilités. Cette résolution autorise la présence des forces armées russes en Transnistrie en tant que force de maintien de la paix. Cependant, cette présence allait à l’encontre des principes internationalement reconnus de neutralité et d’impartialité du maintien de la paix, puisqu’il y avait une participation militaire directe au conflit. Pourtant, cette présence militaire a permis à la Transnistrie de se maintenir en tant qu’État de facto." Trois décennies plus tard, cette présence militaire inquiète, compte tenu de la méthode employée par Poutine dans le Donbass, qui a consisté à pousser des séparatistes à passer à l’action avant de les reconnaître en tant qu’entités indépendantes, puis de les appuyer militairement.
"Par leur attitude et leurs actes, les dirigeants de la fédération de Russie font peser une menace flagrante sur la sécurité en Europe" , a ainsi averti, dans un avis daté du 15 mars dernier, le Conseil de l’Europe, qui regroupe 46 États membres et se veut promoteur du droit et de la démocratie au sein du continent. Le parallèle entre d’autres régions séparatistes et la Transnistrie y est évoqué noir sur blanc, la Russie y étant accusée de poursuivre "une voie qui comprend aussi l’acte d’agression militaire contre la République de Moldavie et en particulier l’occupation de sa région de Transnistrie" , un modus operandi semblable à "la reconnaissance illégale des républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk en tant qu’’États indépendants."
Reconnaissance
Même si elles n’ont pas fait de victimes, on comprend dès lors que les attaques, qui ont ciblé des antennes radio, le siège de la sécurité de l’État (anciennement nommé KGB), et un dépôt d’armes sous contrôle russe, donnent quelques sueurs froides aux autorités moldaves: le pays n’est pas abrité sous le parapluie de l’OTAN et craint pour sa sécurité depuis le début du conflit.
Les autorités locales de Transnistrie démentent de leur côté toute velléité de conflit avec la Moldavie, et ne cachent pas leurs soupçons envers l’Ukraine à propos des attaques: "Selon des données préliminaires, les traces de ceux qui ont organisé les attentats conduisent à l’Ukraine" , a déclaré Vitaly Igniatiev, le ministre des affaires étrangères de Transnistrie, auprès de l’agence étatique russe Interfax. Ce dernier ne cache nullement la reconnaissance du territoire envers la Russie: "C’est l’État qui a assuré la paix pendant 30 ans entre la Moldavie et la Transnistrie et a créé les bases d’un dialogue politique pacifique" , a-t-il expliqué, n’excluant aucun scénario mais assurant que la Transnistrie entendait "empêcher l’escalade" .
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