Ukraine: Poutine pourrait-il être jugé pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité?
Poutine et d’autres dirigeants russes pourraient être poursuivis par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
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Publié le 28-02-2022 à 17h30 - Mis à jour le 28-02-2022 à 21h44
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Vladimir Poutine et d’autres dirigeants russes pourraient-ils répondre de leurs actes de guerre devant la Cour pénale internationale (CPI)? C’est une éventualité à ne pas balayer. D’autant plus qu’une procédure est déjà en cours en Ukraine depuis 2014.
Le procureur de la CPI, Karim Khan, s'est dit lundi soir "convaincu qu'il existe une base raisonnable pour croire que des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité présumés ont été commis en Ukraine".
Joignant l'acte à la parole, le procureur a annoncé dans la foulée l'ouverture "aussi vite que possible. Compte tenu de l'expansion du conflit ces derniers jours, j'ai l'intention que cette enquête englobe également tous les nouveaux crimes présumés relevant de la compétence de mon Bureau qui sont commis par toute partie au conflit sur n'importe quelle partie du territoire de l'Ukraine. "
Déjà des poursuites pour des faits de 2014
Selon Raphaël Van Steenberghe, chercheur qualifié au FNRS et professeur à l'UCLouvain, la procédure pourrait être enclenchée assez rapidement. "En décembre 2020, la procureur a considéré qu'il y a des indices sérieux de crime de guerre et de crime contre l'humanité. "
Les faits en question concernent les manifestations Euromaïdan de février 2014 ainsi que l’invasion de la Crimée et la guerre du Donbass. Les manifestations Euromaïdan avaient vu le jour suite au refus du pouvoir en place, présidé par Viktor Ianoukovytch, de signer un accord d’association avec l’Union européenne. Le président pro-russe avait préféré se rapprocher de la Russie en signant un autre partenariat.
Ce pied de nez à l’Europe occasionna d’importantes manifestations et des affrontements générant plus de 80 morts. Ces mouvements populaires avaient conduit à la révolution et à la destitution de Ianoukovytch.
Poursuivre le crime de guerre, cela concerne des faits survenant au cours du conflit et où les protagonistes s'attaquent à des objectifs non-militaires humains ou matériels. " On peut remonter jusqu'à celui qui donne les instructions", analyse Raphaël Van Steenberghe. Et donc jusqu'à Poutine.
L’organisation de ces poursuites est régie par le Statut de Rome. Ce traité international constitue le fondement de la CPI qui est compétente pour une série de crimes internationaux (crime de guerre, crime contre l’humanité ou génocide).
La CPI peut intervenir si ces crimes ont été commis par des ressortissants des États ayant signé le Statut de Rome ou si les faits ont eu lieu dans un pays signataire du traité.
Officiellement, l'Ukraine et la Russie ne sont pas membres du Statut de Rome mais les procédures enclenchées dès 2014 pourraient suffire. La CPI s'est aussi penchée sur "le crime d'agression. L'Ukraine et la Fédération de Russie n'étant ni l'une ni l'autre État partie au Statut de Rome, la cour ne peut pas exercer sa compétence à l'égard du crime allégué en l'espèce ", a encore déclaré le procureur de la CPI.
La CPI ne juge pas par défaut
Les responsables politiques poursuivis par la CPI ne peuvent invoquer leur immunité, même s’ils sont toujours en activité.
C’est ainsi qu’Omar El Béchir, président du Soudan s’est vu délivrer deux mandats d’arrêts en 2009 et 2010. Cinq chefs de crimes contre l’humanité avaient été requis contre le Soudanais suite aux crimes commis au Darfour de 2003 à 2008.
La CPI ne juge pas un accusé en son absence; il faut dès lors que le pays hôte remette le suspect à la CPI. En août 2021, le Soudan a confirmé à la CPI qu’elle allait lui remettre l’ancien président.
Si de telles poursuites étaient engagées contre Poutine et d’autres autorités russes, la CPI devrait alors compter sur la collaboration de la Russie pour lui remettre les personnes poursuivies…