L’Ukraine n'est pas prête pour l’adhésion à l'Union européenne
La volonté d’adhésion des Ukrainiens à l’Union européenne est légitime. Mais ce pays est loin de répondre aux critères exigés. Décryptage.
Publié le 28-02-2022 à 18h45
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"Avec le temps, ils nous appartiendront bel et bien. Ils sont des nôtres et nous les voulons parmi nous", déclarait dimanche la présidente de l'Union européenne, Ursula von der Leyen. Une affirmation claire en faveur de l'adhésion de l'Ukraine à la communauté européenne, à destination des Ukrainiens, et aussitôt captée par leur président. Volodymyr Zelensky demandait, dès lundi, l'intégration "sans délai" de son pays dans l'espace européen. Le processus d'adhésion pourrait dès lors s'accélérer.
«Pas prêts»
"Ce pays n'est tout simplement pas prêt, sur le plan économique et de l'État de droit, encore largement bafoué. Pour entrer dans l'Union européenne, il existe une série de conditions, les critères de Copenhague, auxquels l'Ukraine est encore loin de répondre", tempère Raoul Delcorde, ancien ambassadeur de Belgique et professeur invité à l'UCLouvain.
"Est-ce que les choses vont s'accélérer? Peut-être, mais il y aura des priorités plus importantes, comme la reconstruction de l'Ukraine", estime-t-il. Sans compter que le pays risque de sortir plus divisé encore de cette guerre avec la Russie.
"Je pense quand même que le Donbass, de même que la Crimée, seront difficiles à récupérer. S'ils peuvent déjà sauver le reste du pays, ce sera bien", analyse le professeur Delcorde, qui se garde de tout scénario d'anticipation. "Il faudra voir comment l'Ukraine va s'en sortir. Ce sera de toute façon un pays complètement à genoux. Il y aura une aide financière massive de l'Union européenne, si nous voulons être conséquents."
À ce titre, l'ex-diplomate juge que la présidente de l'Union européenne a adressé un "message fort". Une déclaration qui "mettra du baume au cœur des Ukrainiens", assurément. "Et c'est un message qui n'est pas militaire. On ne parle pas d'une adhésion à l'OTAN", dit-il, même s'il constate "une excellente coordination" entre l'organisation atlantique et l'Europe. "Dans l'Union, il y a 21 membres de l'OTAN et d'autres pays qui ne le sont pas."
La volonté est là, partagée tant par l'Ukraine de Volodymyr Zelensky que par l'Europe d'Ursula von der Leyen. Il n'empêche, rappelle Raoul Delcorde, "qu'on n'a pas encore entamé un processus d'adhésion. On a simplement envoyé un signal, rationnel et pas émotionnel", selon lui, dans un climat "d'empathie" résultant de l'agression russe. "Depuis 2014, il existe bien un accord de coopération entre l'Ukraine et l'Union, mais ce n'était pas une demande d'adhésion", explique-t-il, rappelant que pour les pays baltes, qui ont introduit une demande officielle, "une perspective d'adhésion en 2030 leur a été donnée, pour autant que leur situation se stabilise."
Arrêter la violence
"J'ai été ambassadeur de Belgique en Pologne, et j'ai assisté aux manifestations de la place Maïdan, significatives de l'aspiration de ce peuple vers notre Union. Il est légitime pour eux de nous rejoindre et on ne peut les décevoir. Si Vladimir Poutine pensait que ses troupes allaient être accueillies en libérateurs, il s'est trompé. Et s'il croit que l'Ukraine va revenir dans le giron russe, il se trompe également. Maintenant, si son objectif était plutôt de neutraliser l'Ukraine, c'est une autre perspective." La main offerte par l'Union européenne n'apaisera sûrement pas les craintes "d'encerclement" de la Russie de Poutine. "Mais à ce stade, il faut choisir son camp."
"Il faut vraiment que la diplomatie reprenne le dessus, plaide toutefois l'ambassadeur honoraire. Il faut arrêter la violence et négocier un accord qui rassure aussi la Russie. Un peu comme la Finlande l'a fait après la Seconde Guerre mondiale". Ce qu'on a appelé la "finlandisation", synonyme de neutralité contrainte et de souveraineté limitée, avancée bien avant l'invasion russe comme une solution possible pour sortir l'Ukraine de la crise.