Conséquences du conflit en Ukraine: la facture énergétique va encore gonfler
Il convient de relativiser les conséquences que peut avoir en Belgique la crise entre ces deux pays. Sauf peut-être sur les prix de l’énergie.
Publié le 22-02-2022 à 19h55
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Quelles conséquences peut avoir la crise entre la Russie et l’Ukraine dans notre pays? Poser la question fait immédiatement penser à l’impact sur les prix de l’énergie. Pour la plupart des citoyens belges, une telle hausse devrait d’ailleurs être la répercussion la plus perceptible.
1.L’Énergie
Les mauvaises nouvelles commençaient à tomber, ce mardi. Ainsi, les tensions entre Russie et Ukraine ont provoqué une augmentation de près de 10% de l’électricité sur le marché de gros. Le prix du gaz naturel a aussi augmenté, ce mardi, de 7,5%. Et l’ancien président russe Dimitri Medvedev a prévenu les Européens que les prix allaient grimper.
Interrogée en commission de la Chambre sur le sujet, la ministre de l’Énergie, Tinne Van der Straeten (Groen), rassurait hier en expliquant que le gaz russe ne représente que 2,1% de la demande domestique en Belgique. Un arrêt de l’importation de gaz russe ne menacerait donc pas la sécurité d’approvisionnement, ni en Belgique, ni en Europe d’ailleurs.
Mais notre pays, à travers le port de Zeebruges, occupe une place stratégique en termes de transit de gaz. Et la Belgique n’échapperait naturellement pas à une hausse globale des prix du gaz, à l’échelon international.
Du côté du pétrole, les prix du baril frôlaient hier les 100 dollars, atteignant des records depuis sept ans. Là aussi, les conséquences pourraient être douloureuses pour la facture. En 2020, 32% du pétrole brut importé en Belgique venait de Russie, explique la fédération pétrolière belge, Energia, qui s’inquiète d’une nouvelle augmentation des prix.
"Il y aura un impact sur les matières premières, en particulier le gaz et le pétrole, puisque la Russie est un acteur important pour ces sources d'énergie", confirme Bernard Keppenne, chef economist à la baque CBC. La conséquence risque bien de se faire sentir sur les prix du carburant et de la facture de chauffage, donc dans le portefeuille des consommateurs.
La crise russo-ukrainienne, tempère cependant Bernard Keppenne, "est un élément parmi d'autres dans un contexte général de hausse des prix". Et cette actualité nous rappelle accessoirement "notre dépendance encore très importante aux énergies fossiles, que ce soit le gaz, le pétrole ou le nucléaire d'ailleurs". Une réflexion qui fait écho aux débats sur la transition énergétique en Belgique.
2.Marchésboursiers
L’effet de la prise de parole de Vladimir Poutine, lundi soir, s’est directement fait sentir sur les marchés. "Les conséquences les plus importantes concernent la Russie", précise Bernard Keppenne. La bourse s’y est rapidement effondrée d’environ 10%, dans un contexte d’inflation qui provoque déjà des tensions sur la devise (le rouble). Les bourses européennes ouvraient en forte baisse mardi, mais se stabilisaient en cours de journée.
3.L’économie
Il convient de relativiser quelque peu l’impact que peut avoir la crise russo-ukrainienne sur l’économie belge, prévient Bernard Keppenne. Une fois de plus, c’est avant tout la Russie qui pâtira des sanctions à son égard.
La Russie est certes un acteur de poids d'un point de vue géopolitique, mais son importance économique est toute relative. "On parle d'un PIB comparable à celui de l'Italie par exemple. Ce n'est pas pour être désobligeant vis-à-vis de ces pays, la Belgique ayant d'ailleurs un PIB inférieur, mais ce ne sont pas des géants", observe-t-il.
Le climat général est instable, c’est vrai. Mais c’est essentiellement dans le secteur de l’énergie que l’impact se fera sentir.
On se souvient que le boycott russe de 2014, qui faisait suite à des sanctions européennes, avait fait souffrir le secteur fruitier belge, notamment. C’étaient les fameuses poires belges qui ne pouvaient plus s’écouler en Russie, à cause de l’embargo. "Je ne dis pas que tel producteur ou tel secteur ne risque pas de souffrir de la crise actuelle, mais il ne faut pas s’attendre à une conséquence massive pour l’ensemble de l’économie.
Peu enthousiaste, la fédération du secteur technologique, Agoria, exprimait pour sa part des craintes ce mardi, à l’idée que la crise ne fasse que renforcer l’inflation et créer un climat défavorable pour les investissements.
4.Etla sécurité?
Le message a souvent été partagé ces dernières heures, avec les craintes que cela sous-entend: un conflit se prépare à 2 000 km à peine de la Belgique. Mais la situation n'est pas celle d'une guerre ouverte, tient à tempérer Tanguy de Wilde, professeur en relations internationales (UCLouvain). À ce stade, personne n'a véritablement intérêt à ce que la situation dégénère en conflit généralisé en Ukraine, y compris la Russie, "dont la diplomatie peut faire preuve de pragmatisme". "Il convient donc de ne pas dramatiser, assure-t-il, même si les discours, y compris ceux en provenance de l'administration Biden, semblaient "maximalistes" ces derniers jours. Le scénario du pire serait celui d'une attaque contre un pays membre de l'OTAN (l'Ukraine n'en faisant pas partie), qui engagerait alors les pays membres, y compris la Belgique. Quatre F16 belges se trouvent d'ailleurs en Estonie, dans le cadre d'une mission de l'OTAN pour une mission de surveillance de l'espace aérien, à proximité de la Russie. Mais un tel scénario, assure Tanguy de Wilde, relève plus que probablement de la fiction.
