Un an à la Maison-Blanche: quel bilan pour Joe Biden?
Il y a un an, le 20 janvier 2021, Joe Biden prêtait serment et devenait le 46e président des États-Unis. Rassembleur, ce politique aguerri doit désormais faire face à de nombreux blocages.
Publié le 20-01-2022 à 07h00
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Rassembler une Amérique profondément divisée après quatre années de présidence Trump, lutter contre la pandémie de Covid-19, garantir la prospérité de la classe moyenne: l’investiture de Joe Biden, il y a tout juste un an, avait suscité beaucoup d’espoir outre-Atlantique. Mais, à l’heure du bilan, cette première année de présidence a finalement enregistré davantage de défaites que de succès sur le plan intérieur.
Le mandat de Joe Biden avait pourtant bien commencé. "Au début de son mandat, il y a eu l'adoption rapide d'un package économique pour la relance, en lien avec le Covid", avance Tanguy Struye, professeur à l'UCLouvain et spécialiste des États-Unis. Pour ce faire, cet homme politique aguerri a ouvert les vannes: 1900 milliards de dollars ont été dédiés à la relance.
Son autre grand succès? Les 1200 milliards consacrés aux infrastructures (routes, ponts, etc.), qui étaient dans un piteux état. " Mais pour le moment, ses succès se limitent à cela."
Un président ambitieux
Celui que Donald Trump surnommait narquoisement Sleepy Joe ("Joe l'endormi") a pourtant montré qu'il était bien plus que le président de la transition. En témoigne notamment l'un de ses projets phares, le fameux Build back better ("reconstruire mieux"). Cette grande réforme comprenait 1800 milliards de dollars de dépenses sociales et environnementales. " Ce qui était intéressant, c'est que l'objectif visait à la fois à revitaliser l'État-providence et à investir dans l'économie verte", souligne Serge Jaumain, professeur d'histoire contemporaine et codirecteur du centre AmericaS (ULB). Au programme: la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'accès gratuit à l'école maternelle pour tous, ou encore la mise en place de congés parentaux.
Ce grand plan a toutefois été bloqué par un sénateur démocrate, Joe Manchin, qui n'a pas souhaité soutenir le projet. "Il faut savoir que la majorité démocrate est très faible au Sénat. On a, en fait, une égalité absolue de 50 voix, et c'est celle de la vice-présidente, Kamala Harris, qui permet de trancher, poursuit Serge Jaumain. Cela signifie qu'il suffit qu'un ou deux démocrates lâchent Biden pour que son projet soit bloqué."
Le président a d’ailleurs essuyé le même revers sur la question du droit de vote. L’homme de 79 ans, qui a bénéficié d’un large soutien de la communauté afro-américaine pendant sa campagne, avait en effet pour objectif d’harmoniser les procédures de vote. Son idée: barrer la route à certains États républicains du Sud qui restreignent encore l’accès des minorités aux urnes.
Mais le scénario s'est répété, puisque deux sénateurs démocrates ont refusé ce projet. "Il faut néanmoins souligner que le parti démocrate a toujours été un parti très divisé. Il compte des personnalités qui iraient, chez nous, de la droite même assez conservatrice à l'extrême gauche sur certains aspects."
Il n’empêche qu’en plus de la fracture avec les républicains, Biden ne parvient pas complètement à s’imposer dans son parti.
L’effet Covid
Ce que l'on ne peut sans doute pas reprocher à Joe Biden, c'est son professionnalisme, notamment dans la gestion de la crise sanitaire. Au début de son mandat, le taux de vaccination a rapidement bondi aux États-Unis: "Cela donnait l'impression qu'il y avait enfin une direction à Washington, ce qui n'était pas le cas avec Trump."
Mais là aussi, le président a dû composer avec le pouvoir des gouverneurs, notamment républicains, qui ont leur mot à dire sur la question. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles le taux de vaccination de la population américaine atteint péniblement 62%.
La flambée de l'inflation et des prix en raison de la crise est d'ailleurs aussi reprochée à Joe Biden et plus largement aux démocrates, qui sont en mauvaise posture pour les élections de mi-mandat, prévues au mois de novembre. Sur le plan intérieur, cette première année n'est donc pas brillante. Biden, qui se posait en réconciliateur, n'a pas réussi à réunir les Américains. "C'est un président rassembleur, mais qui ne parvient pas à rassembler au-delà de son camp, juge Serge Jaumain. Pourtant Biden était la personnalité qui pouvait réconcilier les extrêmes. "
Tanguy Struye dresse le même constat: " Ce qui est inquiétant, c'est que cet homme qui a 30 ans voire 40 ans d'expérience politique, entre autres au Sénat, et qui a également travaillé avec différents présidents, ne parvienne pas à rassembler. Même avoir un peu de coopération dans certains dossiers paraît compliqué. C'est dire à quel point la société américaine est polarisée! Et si Biden n'y parvient pas malgré son expérience et son profil de centriste, qui a toujours essayé de construire des ponts entre les partis et les sensibilités, on ne voit pas très bien qui y arrivera, par la suite... Ce n'est pas très rassurant pour la société américaine."