Poutine va-t-il envahir l’Ukraine?
Les forces militaires russes s’accumulent à proximité de la frontière ukrainienne. Menace d’un affrontement armé ou coup de bluff?
Publié le 07-12-2021 à 18h46
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La Russie va-t-elle envahir l’Ukraine? Kiev et Washington accusent en tout cas Moscou de masser des troupes à la frontière ukrainienne, avec une possible attaque en ligne de mire. Vladimir Poutine dément, de son côté, toute intention belliqueuse.
Cette démonstration de force rappelle néanmoins l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, et le déclenchement, dans l’est ukrainien, d’un conflit armé qui a fait plus de 13 000 morts.
Les raisons d'une telle manœuvre côté russe? La volonté ukrainienne de rejoindre l'Otan et l'activité accrue de l'alliance militaire occidentale en mer Noire. "En Russie, les notions de sécurité figurent en première place des questions de politique internationale. Le fait que l'Otan se rapproche de plus en plus de la frontière russe, et notamment de l'Ukraine, est perçu comme une menace ", affirme Domenico Valenza, chercheur à l'Université de Gand (UGent).
«Nous avons des lignes rouges»
Si elle nie toute volonté d’invasion, la Russie exige de l’Ukraine qu’elle s’engage à ne pas rejoindre l’Otan. Or, tant pour les États-Unis que pour l’Ukraine, la Russie n’a pas à décider des engagements de pays indépendants.
Cela dit, bien que la procédure d'adhésion de l'Ukraine à l'alliance militaire occidentale soit officiellement ouverte, " il n'y a pas, non plus, du côté de l'Otan, une véritable volonté d'accueillir l'Ukraine et de rapprocher encore les frontières de l'Otan et de la Russie, développe Tanguy de Wilde, professeur de relations internationales à l'UCLouvain. En 2008, au Sommet de Bucarest, certains États avaient pensé donner à la Géorgie et à l'Ukraine un programme d'actions en vue d'une future adhésion, mais cela n'avait pas été accepté par l'ensemble des États membres. Ces derniers y voyaient une trop grande proximité avec la Russie."
Pour Vladimir Poutine, Moscou doit tout de même garder l'Ukraine dans son giron. "La Russie n'a jamais eu l'intention d'attaquer qui que ce soit, mais nous avons des lignes rouges", a d'ailleurs assuré, lundi, le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
Coup de bluff?
Face à l'influence des Occidentaux à l'est et particulièrement en Ukraine, qu'il juge toujours russe, Poutine envisage-t-il réellement l'affrontement armé? "La majorité des événements qui ont concerné la politique étrangère en Russie ont souvent été caractérisés par un effet de surprise, comme ce fut le cas en Crimée, avance Domenico Valenza. Or ici, il est absent."
Il serait toutefois dangereux de ne pas prendre au sérieux l'avertissement russe. "Il ne faut pas trop jouer avec cela, le fait d'avoir une présence militaire à la frontière, ipso facto, c'est une menace. Il est important d'essayer de comprendre les intentions du Kremlin derrière cette menace et cette communication." Selon le chercheur, le pouvoir russe s'appuie d'ailleurs beaucoup sur la perception de sa politique étrangère au sein du pays. " Si la Russie n'est pas prise au sérieux, là, il y a automatiquement une menace."
"Vladimir Poutine est assez réaliste. Il souhaite mettre une certaine pression sur l'Ukraine sans provoquer l'irrémédiable, c'est-à-dire l'invasion, observe Tanguy de Wilde. Mais il ne faudrait pas qu'il y ait une provocation ou un bon prétexte au déclenchement des hostilités."
Nouvelles sanctions
Si Moscou devait passer à l’acte, les États-Unis se disent prêts à renforcer la présence militaire américaine en Europe de l’Est, sans aller jusqu’à la riposte militaire directe. La menace de sanctions économiques, plus lourdes que celles en place depuis 2014, est également brandie. S’agit-il réellement d’une réponse pertinente? Tout dépendra bien entendu de la teneur de ces sanctions. Il est pour l’heure question d’une initiative américaine visant à couper la Russie de SWIFT, un système informatique qui gère les transactions financières à travers le monde.
" La Russie est un État très résilient, je ne pense pas que quelques mesures économiques vont la faire plier, analyse Tanguy de Wilde. [...] Néanmoins, toute mesure de rétorsion économique est un instrument de pression... mais pas une politique."