Voyage à vélo: Verdun, lieu de mémoire sanglant mais pas que…
Durant dix mois, entre février et décembre 1916, 700 000 hommes furent fauchés sur ces champs de bataille.
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Publié le 10-11-2021 à 12h00
Verdun. Un nom de ville qui vibre comme la fureur du canon, les averses de bombes qui grondent et s’abattent, les corps à corps sans pitié dans les trous d’obus, la peur, la faim, l’épuisement. Les actes de bravoure et de camaraderie aussi. Verdun signifie tout cela, difficile à imaginer avant que nos pieds foulent ses lieux de mémoire, et ces paysages creusés qui, voici plus d’un siècle, furent dévorés dans la sauvagerie absurde de la "grande guerre". Verdun, c’est aussi la vie qui résiste et renaît malgré tout.
Lui s’appelle Jean Rivière. Il a 23 ans, et en ce matin de septembre 1916, il s’active avec Louis, Camille, Émile, ses copains de régiment, au cœur de la citadelle souterraine, une cité militaire creusée sous la place forte de la ville. Le cœur de la bataille, mais aussi son estomac, son foie, sa rate, ses poumons, ses intestins. Un corps polémologique qui organise une résistance logistique désespérée sous un déluge de feu. La frontière allemande est à quelques dizaines de kilomètres, les forts alentours, vidés de leurs forces pour alimenter le front sur la Somme ou en Champagne, n’ont pas résisté. Verdun doit tenir, et la France regagner de l’honneur et du terrain. Chaque semaine, 90 000 soldats comme Jean Rivière sont déversés ici, dans le flot ininterrompu des camions Berliet qui processionnent sur la Voie Sacrée.
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Casque de réalité augmentée sur les yeux, assis dans une nacelle mobile qui emmène les visiteurs dans ce dédale souterrain où survivaient 1 500 soldats, nous voilà plongés dans le quotidien de Jean Rivière et de ses camarades d’infortune. La scénographie vient d’être entièrement repensée. Et si la modernité virtuelle a parfois un côté artificiel gênant, étroit, l’imagination s’accroche à ces murailles gigantesques, ces couloirs immenses, ce froid qui glace les os. Content d’avoir emporté un bon pull. Le parcours prend une bonne demi-heure. Ne manque que le regard narquois des rats.
Mais c’est, au plus profond encore, en parcourant à pied les entrailles du Fort de Douaumont, en jetant un œil à l’entassement des crânes et des fémurs par les fenêtres de l’ossuaire érigé là-haut en 1920, en cherchant le fantôme des villages détruits, dans le silence des forêts, en flânant entre les milliers de croix blanches qui signent les cimetières, que l’on mesure au mieux, et au plus viscéral, la tragédie infernale dont ces coteaux de Meuse furent témoins.
À vélo en zone rouge
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La pesante atmosphère des champs de guerre, le repos des âmes, se prête mieux au silence qu’à l’envahissement des voitures, bannies de ces lieux de mémoire. Louons donc deux vélos électriques à l’office du tourisme de Verdun (place de la Nation) pour une boucle de 40 kilomètres balisée par les évocations des combats.
Première partie très nature. On quitte la ville par le parc Japiot, pour emprunter la voie verte entre deux Meuse, la vive et la canalisée. En quittant le calme halage, paradis de fleurs et de roseaux à hauteur du cimetière français de Bras-Sur-Meuse, on se retrouve d’un coup sec plongé dans l’enfer des poilus. La promenade longe le champ de bataille.
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Jadis, ce paysage se garnissait de fermes, de vaches et de cultures. Le 21 février 1916, les Allemands lançaient l'offensive. 60 millions d'obus ont été tirés durant la boucherie de Verdun, 6 obus au mètre carré: les sols devenus improductifs, perforés de cratères, semés de ferraille, sont le vaste cimetière de 80 000 soldats dont les cadavres n'ont pas été retrouvés. 20 000 hectares ont été classés en "zone rouge". N'y subsistent plus que des arbres, en lutte avec un nouvel ennemi: le scolyte. Ces sombres forêts cachent les vestiges de neuf villages rayés de la carte.
La route s'élève vers le Fort de Douaumont, vaste plateau bordé de ravins, dominant la plaine. Ici aussi, la nature reprend ses droits. On s'enfonce, à pied, dans les vestiges des entrailles guerrières. Une coupole blindée surplombe l'ensemble. Casque dérisoire. Il a fallu 9 mois aux soldats français pour reprendre ce fort qui, à l'aube de l'attaque, s'était rendu sans combattre.
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En chemin, la " tranchée des baïonnettes" évoque le drame, légendé, d'un bataillon enseveli debout par les obus alors qu'il s'apprêtait à monter au front. Le premier soldat américain à avoir visité ces lieux y fit ériger un monument. Une Jeep US reprend la route juste devant nous.
Le bien nommé "abri du pèlerin" nous permet de reprendre des forces. Un solide hamburger dans l'estomac, nous voilà face à l'impressionnant bâtiment de l'Ossuaire, qui conserve en son cœur plus de 130 000 dépouilles de soldats inconnus. Plusieurs villes belges ont contribué à son érection, en 1920. Non loin, le Mémorial, rouvert en 2016 pour le centenaire de la bataille, est l'un des plus grands musées d'Europe consacré à la "grande guerre". Au dernier étage, en vue panoramique, les visiteurs peuvent, à l'aide d'un casque de réalité virtuelle, découvrir le champ de bataille avant, pendant, et après les terribles combats.
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D’eau et de verdure, l’autre Verdun
Sur Verdun, comme sur beaucoup de lieux de mémoire, plane la chape du souvenir. Et pourtant, la ville mérite un autre regard que celui de 14-18.
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Verdun vit. Et se fait belle, voulant échapper à cette fatalité du souvenir qui pèse sur toutes les villes secouées par des drames. Installé sur les marches qui descendent se rafraîchir dans la Meuse, artère fluviale de la cité, on laisse dans son dos le pompeux Monument de la Victoire et à sa gauche l'imposante Porte Chaussée pour savourer, au soleil, des moments de paix.
Commerciale, sportive, baignée de canaux et de coins de verdure, la sous-préfecture a bien des loisirs à offrir en dehors des vestiges militaires hérités de son passé de place forte, gardienne des frontières. Peu touchée par la révolution industrielle, Verdun s'enorgueillit plutôt du titre suave de capitale de la dragée, confiserie inventée en 1220. Implantée dans l'usine du Coulmier depuis 1871, la Maison Braquier perpétue cette fabrication artisanale, et se visite même le dimanche.
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Installé depuis 1932 au cœur d'un bel hôtel particulier du XVIe siècle, le Musée de la princerie dispose de collections variées, permettant de découvrir, depuis la préhistoire, le riche passé d'une ville qui ne cesse de se relever de ses ruines. Siège de l'évêché, Verdun possède aussi un riche patrimoine religieux, au premier rang duquel la cathédrale dédiée à la Vierge Marie, l'une des plus anciennes d'Europe (990). Elle porte tous les stigmates des conflits dont elle pansa les plaies. Le prestigieux palais épiscopal abrite, lui, le Centre mondial de la paix, des libertés et des droits de l'homme. Dans ses mémoires, Saint-Simon le qualifiait de plus "splendide" palais épiscopal sur le sol de France.
Meuse attractivité www.lameuse.fr et Office du tourisme du Grand Verdun www.tourisme-verdun.com
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