La Hongrie doit-elle quitter l’Union européenne?
La loi hongroise discriminant les personnes LGBTQI continue de susciter la polémique chez les dirigeants européens. De là à exclure la Hongrie de l’UE?
Publié le 25-06-2021 à 18h19
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L’adoption, par la Hongrie, de nouvelles dispositions légales discriminant les personnes LGBTQI ne passe décidément pas auprès des dirigeants européens (lire nos précédentes éditions). Nombre d’entre eux estiment en effet que cette législation est en totale contradiction avec les valeurs européennes.
Face à un texte jugé homophobe, quelles sont les marges de manœuvres de l’UE? La Hongrie risque-t-elle l’exclusion?
Des sanctions à la clé
La pression et les sanctions que l’Union européenne peut infliger à l’égard de l’un de ses membres sont progressives.
«La première étape, c'est la pression politique, et là, on y est», constate Tanguy de Wilde, professeur de sciences politiques et de relations internationales à l'UCLouvain.
La loi hongroise a effectivement conduit dix-sept pays membres, dont la Belgique, à interpeller les leaders européens Charles Michel et Ursula von der Leyen, ainsi que le secrétaire général de l’ONU António Guterres, sur la nécessité de faire respecter les valeurs de l’UE.
«Le second niveau est institutionnel et juridique. C’est-à-dire qu’il faut analyser cette loi. Et ça, c’est le rôle de la Commission qui peut entamer une procédure et interroger la Hongrie.»
Concrètement, le pays va devoir rendre des comptes. «On peut aller jusqu'à la procédure judiciaire au sein de la Cour de justice, qui peut condamner l'État hongrois.»
Interdit de vote
Les sanctions à l’égard de l’État incriminé peuvent encore monter d’un cran.
Si la procédure d’exclusion pure et simple d’un État n’est pas prévue par la législation européenne, les autres pays ont néanmoins la possibilité de le priver de son droit de vote au sein des institutions européennes.
L'article 7 du traité sur l'Union européenne prévoit ainsi la suspension du droit de vote de l'État membre au Conseil de l'Union européenne qui le prive, de facto, de sa participation à beaucoup de décisions européennes.
«La complexité, c’est que cette décision doit être prise à l’unanimité, moins l’État en cause. En l’occurrence, à vingt-six contre un. Il suffit donc d’un ou deux alliés: dans le cas de la Hongrie, la Pologne et la Slovénie par exemple, pour que cette procédure n’aboutisse pas.»
Ne pas encourager un retrait
La procédure d’exclusion n’existe donc pas. Cependant, à l’instar du Royaume-Uni, l’article 50 du traité permet à un État membre de se retirer, volontairement, de l’UE.
C'est d'ailleurs ce que le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a suggéré à Viktor Orban cette semaine. Si les valeurs européennes ne lui conviennent pas, il n'a qu'à activer l'article 50, «qui a été créé pour cela», a-t-il lancé, très offensif.
Sauf qu'encourager une telle sortie de l'UE, c'est ouvrir la voie à de multiples difficultés, estime Tanguy de Wilde. «Ce serait problématique pour la Hongrie, pour ses partenaires environnants, mais aussi pour d'autres États étant donné que nous sommes dans une union relativement étroite. Et puis, on a vu la difficulté immense que fut le Brexit!»
Selon le professeur de relations internationales, il n'est pas souhaitable d'en arriver à une telle extrémité. «Il ne faut pas négliger la capacité de la Commission, qui est la gardienne des traités, d'éventuellement enclencher une procédure d'instruction contre la Hongrie qui pourra alors s'expliquer, se défendre. Enfin, si elle n'est pas d'accord avec le verdict, elle pourra encore se retirer de l'Union, ce qu'elle ne fera, à mon avis, pas.»
Passer à l’action
La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a en tout cas répété qu'elle ne comptait pas en rester là : «Cette nouvelle loi hongroise est clairement discriminatoire, et comme il convient à une démocratie, nous lutterons contre celle-ci, en utilisant les instruments juridiquesà notre disposition, a déclaré l'Allemande lors d'une conférence de presse, ce vendredi. […] À la Commission, nous avons examiné cette loi en profondeur, et nous avons écrit au gouvernement hongrois pour lui exposer, en détail, nos préoccupations sur le plan juridique.»
La Commission attend une réponse de la Hongrie pour le 30 juin, au plus tard.