USA 2020, J-27 | «En Oklahoma, la politique est un tabou, on n’en parle pas»
Dans un état acquis aux Républicains, où les opinions s’affichent sur les pick-ups, le mieux reste encore de ne pas aborder le sujet.
Publié le 07-10-2020 à 07h00
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En arrivant à Tulsa, la seconde plus grande ville de l’Oklahoma, un État du sud des États-Unis, Simon Nyssen ne savait pas trop à quoi s’attendre. C’est par opportunité professionnelle que ce jeune ingénieur namurois, spécialisé en mécanique des fluides, a posé ses valises au bord de l’Arkansas River.
«Tout ce que j'en connaissais, c'était les clichés que l'on peut entendre dans Friends», s'amuse celui qui travaille en tant que Project manager pour la filiale américaine d'un spécialiste belge de l'aéronautique. Depuis un an, il a découvert la métropole, mais surtout ses habitants. «Je pense que ce qui m'a le plus choqué en arrivant, c'est leur attitude. En fait, ils sont très sympathiques, très avenants, mais les relations restent essentiellement en surface, souligne notre compatriote. Une autre chose m'a interpellé: le pays est tellement énorme, qu'ils ont tendance à ne pas s'intéresser à ce qui se passe ailleurs… Parfois, c'est même pire: leurs pensées s'arrêtent aux frontières de l'état…»
«Un État républicain»
L’Oklahoma est un bastion Républicain par excellence. En 2016, le candidat Trump y avait tout simplement écrasé la démocrate Hillary Clinton.
D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si, en juin dernier, Donald Trump avait choisi Tulsa pour organiser, après un coup d’arrêt forcé par la Covid, un grand meeting visant à relancer sa campagne.
Cet épisode fut retentissant pour deux raisons. D’une part, le candidat-président était loin d’avoir rempli les 19 000 sièges de la Tulsa Arena. D’autre part, les Démocrates ont pointé à de nombreuses reprises l’événement pour avoir été à l’origine d’un pic de contamination dans la région. Sur le papier, l’Oklahoma présente pléthore d’arguments qui laissent à penser que la parole politique y est libérée. Simon Nyssen décrit une situation bien différente.
«En fait, j'ai découvert à quel point la politique était un tabou. C'est un sujet qui divise les gens, commence-t-il par expliquer. Certes, les pancartes en faveur des différents candidats colorent les jardins des quartiers résidentiels, mais si s'afficher est une chose, confronter ses idées en est une autre.
Absence de débat
«Je l'ai encore mieux compris au lendemain du débat quand j'ai demandé aux gens s'ils avaient regardé… Au boulot, j'ai senti qu'il ne fallait pas parler de ça. Je pense qu'ils ne veulent pas nuire à leurs relations avec quelqu'un de l'autre bord avec ce genre de sujets…» Et notre interlocuteur de pointer un paradoxe. «Même si ce sont des gens très avenants, ce sont aussi des individualistes avec des idées arrêtées. L'avis de l'autre compte peu, ce qui fait que le fossé entre les deux camps est de plus en plus creusé. J'ai sans doute une vision un peu biaisée, car je côtoie beaucoup de Blue Labour. Ce sont surtout des ouvriers et des gens issus de l'industrie. Finalement, c'est assez cliché, mais ce qui leur importe le plus, c'est de vivre sur une belle propriété, avoir le truck et le bateau garés devant le garage, et d'y collectionner tout ce qu'il faut pour se protéger et se sentir libre.»
En ville, les opinions sont plus divisées
Situé juste au nord du Texas, l'Oklahoma est un état particulièrement conservateur. Pourtant, la dynamique amorcée ces dernières années dans une ville comme Tulsa tranche de plus en plus avec cet héritage. En effet, la métropole a souffert pendant de très longues années d'une image peu flatteuse. Nichée au cœur des Grandes Plaines, c'est principalement grâce à l'or noir que la ville s'est développée, à un point tel qu'elle a longtemps été considérée comme la capitale mondiale du pétrole. Cette dépendance à un seul domaine d'activité est lourde de conséquences en temps de crise. D'ailleurs, c'est ce qui a poussé Tulsa à diversifier son industrie, dès la fin du XXe siècle en se tournant, notamment, vers l'aéronautique et les télécommunications. Et cette marche du changement tend à s'accélérer toujours plus, car désormais, ce sont des incubateurs de start-ups qui y font leur trou. «De ce qu'on me dit, la ville est très différente d'il y a ne serait-ce que 10 ans, confirme Simon Nyssen. Dowtown, certains quartiers étaient infréquentables. Aujourd'hui, on retrouve plein de petits trucs sympas dans tous les coins. Il y a une diversité énorme.» Dans les opinions politiques également, cette diversité se ressent. « J'ai l'impression que la situation entre Démocrates et Républicains est plus équilibrée en ville […] C'est à nouveau un cliché, mais il suffit de se rendre près d'un lac, à trente minutes hors de la ville, et là, il y a des pick-ups partout et dessus on peut voir des drapeaux américains ou confédérés.»

SituationSitué au sud des États-Unis, l'Oklahoma est entouré par l'Arkansas, le Missouri, le Kansas, le Colorado, le Nouveau-Mexique et le Texas. Sa capitale est Oklahoma City.
PopulationL'Oklahoma compte près de 4 millions d'habitants. Il rapporte 7 grands électeurs. Pour l'emporter, il en faut 270 sur 538.
PolitiqueÂgé de 47 ans, Kevin Stitt est le gouverneur Républicain depuis le 14 janvier 2019. L'État envoie 2 sénateurs et 5 députés (6 Républicains et 1 Démocrate) à Washington.
Résultat 2016Hillary Clinton 29% Donald Trump 65%