USA 2020, J-29 | Une Belge de Caroline du Nord: «Je ne reconnais plus l’État dans lequel je vis»
Intolérance et inégalités croissantes: Véronique Geenens ne reconnaît plus la Caroline du Nord.
Publié le 05-10-2020 à 07h00
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Hors une parenthèse de trois ans en Virginie, Véronique Geenens vit en Caroline du Nord depuis son arrivée aux États-Unis, en 1997: traductrice de formation, titulaire d'un master en traduction médicale, la quinquagénaire originaire de Frasne-lez-Anvaing a eu le temps de s'imprégner de la mentalité de cet État «qui se trouve dans la "Bible Belt", la "ceinture de la Bible": une zone où vit une grande concentration de population protestante extrêmement conservatrice».
Et pourtant «je ne reconnais plus mon pays», lance-t-elle.
«Communiste masquée»
La Caroline du Nord a un passé esclavagiste lointain. «Mais aujourd'hui, c'est de l'intolérance ouverte. Trump a littéralement ouvert la porte au mensonge, au manque de respect, au racisme, à la violence. Ses supporters font comme lui. À leurs yeux, ces comportements sont devenus tout à fait acceptables», s'indigne-t-elle.
Ainsi, «le masque est devenu un symbole politique. Chaque fois qu'elle va faire ses courses dans son supermarché local, une amie qui vit là où j'enseignais quand je suis arrivée se fait insulter et traiter de communiste par des individus qui n'en portent pas un, pour la seule raison qu'elle, elle le porte».
«Des hispaniques et asiatiques se font régulièrement insulter en public simplement parce qu'ils ont un accent ou parce qu'ils n'ont pas "le profil local"», ajoute notre interlocutrice.
«On m’a demandé ma race»
«Peut-être étais-je naïve, mais lorsque je suis arrivée, cela m'a frappée dès que j'ai débarqué dans le comté rural où j'allais enseigner. Pour la première fois de ma vie, on m'a demandé ma race: j'avais été invitée à aller à la messe dans une église pour les noirs», note-t-elle.
Dans l'autre sens, Véronique Geenens qui enseignait alors, a été confrontée «lors de mon deuxième jour de classe, à une étudiante de couleur à qui j'ai fait une remarque, et qui m'a répondu que je réagissais de la sorte parce qu'elle était noire».
«L'abus de pouvoir et la violence qui transparaissent dans le cas de George Floyd (N.D.L.R. mort étouffé par des policiers) et ceux qui l'ont précédé impliquent malheureusement souvent la question raciale» constate-t-elle.
«Les policiers n'ont pas un travail facile, sont souvent en face de citoyens qui ne sont pas des anges ou n'ont pas le moindre bon sens. Mais tirer d'abord et examiner la situation ensuite n'est pas une réaction dans le bon ordre des choses».
Les migrants tous concernés
Les migrants constituent environ 10% de la population de Caroline du Nord, ajoute Véronique Geenens.
«Ils sont en grosse majorité hispaniques. Certains arrivés de façon légale, d'autres pas. Ils occupent des postes que les Américains ne veulent pas accepter. Mais il y a aussi les étudiants et les chercheurs dans des universités comme Duke (Durham) ou UNC (Chapel Hill) et les employés de compagnies internationales du technopôle local telles que GlaxoSmithKline, Merz ou BASF. À l'heure actuelle, la question d'immigration peut être aussi problématique et difficile pour tous les immigrants, quelles que soient leur motivation, leur classe sociale et leur préparation intellectuelle».
«Douze semaines de chômage»
La couverture sociale, aux États-Unis, n'a rien à voir avec notre Sécurité sociale. «Mais

Donald Trump et son gouvernement, comme les gouverneurs républicains dans beaucoup d’États, ont passé leur temps ces dernières années à éliminer les programmes d’aide sociale en tout genre, comme ceux qui permettent aux enfants issus de familles à bas salaires de recevoir des repas gratuits dans les écoles publiques, programmes d’assistance aux personnes âgées, les nombreux subsides aux écoles publiques, etc. Sans oublier les soins de santé; le fameux “Obamacare” n’est pas l’idéal, mais au moins il permet aux personnes qui ont des antécédents médicaux de ne pas se voir refuser une couverture médicale», note Véronique Geenens.
«Nous avons fait un gigantesque retour en arrière dans le temps. Et si Trump reste, les choses continueront de s'aggraver et le fossé entre riches et pauvres de s'élargir» redoute-t-elle. «Ainsi, lorsque vous perdez votre emploi, vous ne recevez pas forcément de compensation, même après vingt ans de service (expérience vécue). Si vous avez la chance de percevoir une indemnité de chômage, c'est pour un maximum de douze semaines. Et son montant n'est pas proportionnel au salaire perdu. Où je réside, 300 dollars par semaine…».

Situation Bordée par l'océan Atlantique, la Caroline du Nord est entourée de la Caroline du Sud, de la Géorgie, du Tennessee, et de la Virginie. Sa capitale est Raleigh
Population La Caroline du Nord compte 9,5 millions d'habitants. Elle rapporte 15 grands électeurs. Pour l'emporter, il en faut 270 sur 538.
Politique Roy Cooper est le gouverneur démocrate de Caroline du Nord depuis le 8 novembre 2016. La Caroline du Nord envoie 2 sénateurs républicains et 13 députés (9 républicains, 3 démocrates, 1 siège vacant) à Washington
Résultats 2016Donald Trump 51% – Hillary Clinton 47%