USA 2020, J-45 | Un Bruxellois de l’Oregon: «Le fossé n’a cessé de se creuser entre les deux partis»
Un esprit d’entraide existe en Oregon, pose Jean Goslain. Et pourtant, depuis 2016, la politique y divise les familles.
Publié le 19-09-2020 à 07h00
:focal(544x286:554x276)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/NU7NECGS45CQHJEHT7HLHN3IME.jpg)
Octogénaire, Jean Goslain, originaire de Bruxelles, a pas mal bourlingué dans sa vie.
«J'ai navigué comme commandant de navire sous pavillon belge», explique-t-il. Puis, il y a une quarantaine d'années, «la compagnie m'a transféré aux États-Unis en qualité de capitaine d'armement pour s'assurer de la bonne gestion de sa flotte de navires affrétés, principalement dans les ports nord et sud-américains, mais aussi parfois en Afrique.»
En fin de carrière, il a «continué à travailler pendant dix ans, en qualité d'expert maritime indépendant dans les États d'Oregon et Washington.»
Solidarité et division

Jean Goslain a aussi travaillé bénévolement pour la banque alimentaire, «ou pour la collecte de déchets jetés en rue dans notre quartier» de Portland, la ville principale de l'Oregon.
Car il y règne, souligne-t-il, «un esprit d'entraide, une mentalité communautaire très réelle».
Et pourtant, cette société solidaire «est divisée comme jamais. Le fossé n'a fait que se creuser, au cours des quatre dernières années, entre les deux partis, et c'est selon moi dû à la soumission totale des représentants républicains à la présidence, qui a permis à Donald Trump de mener son propre agenda de manière égocentrique.»
Une gestion, relève l'octogénaire, «qui cible négativement les États démocrates», comme l'Oregon.
Un quart de la Wallonie en feu
Les préoccupations des habitants peuvent varier selon l'endroit où ils vivent, explique-il: «Portland, ville cosmopolite, est "libérale", c'est-à-dire au centre gauche du spectre politique américain. Et on peut en dire autant d'Eugene, grande cité universitaire.»
Mais qu'ils vivent en milieu urbain ou en zones rurales, les habitants de l'Oregon partagent des sujets de préoccupation, au premier rang desquels «le réchauffement climatique, qui cause des incendies de forêts catastrophiques: une superficie équivalente au quart de la Wallonie a été détruite par les flammes; des villages ont été rayés de la carte; et des personnes y ont perdu la vie.»
La ségrégation raciale, la violence policière et les inégalités sociales pèsent également dans le débat.
Par contre, les initiatives diplomatiques du président Trump en Afghanistan, ou au Proche-Orient, ne retiennent guère l'attention: «C'est trop loin, passez-moi l'atlas», sourit Jean Goslain, qui a écumé les mers.
Et comme partout ailleurs, la pandémie de Covid-19 et sa gestion suscitent la polémique.
Cour suprême
«Et puis en filigrane de cette élection, il y a l'enjeu de la Cour suprême, et de l'appartenance politique des neuf juges qui la composent», conclut notre interlocuteur.
Même si, une fois nommés, les juges retrouvent leur indépendance.
Donald Trump, qui l’avait complétée d’une juge conservatrice, l’a appris à ses dépens en juin dernier, quand la Cour suprême a tranché en sa défaveur: elle lui a refusé l’annulation du statut octroyé par Barack Obama aux «Dreamers», ces jeunes arrivés sans papiers aux États-Unis avant leur seizième anniversaire, que l’actuel locataire de la Maison-Blanche entendait pouvoir expulser.

Technicien originaire de Lierre, Stefaan Vermeulen, 52 ans, est installé depuis 19 ans aux États-Unis: «J'y suis arrivé après avoir rencontré mon épouse à Bamako, au Mali, alors que je sillonnais l'Afrique de l'ouest. Elle est américaine, et c'est pour cela que je m'y suis fixé.» Il vit également à Portland depuis une dizaine d'années.
1. Intel, Adidas, Nike
« L'Oregon est un État magnifique, avec des côtes superbes; des montagnes, ou la vallée de la rivière Columbia. Mais c'est aussi un État moderne, qui héberge les quartiers généraux d'Intel, d'Adidas, ou de Nike.»
2. Covid
«Non, l’élection présidentielle ne suscite pas un intérêt particulier cette année. L’appréciation du président Trump y a peut-être légèrement changé depuis 2016, en raison de sa gestion de la pandémie de coronavirus.»
3. Incendies
La pandémie est au nombre des préoccupations des électeurs avant ce scrutin, «mais aussi le chômage, le problème de sans-abri, et bien entendu les ravages des feux de forêts».
4. Belges
Pour les expatriés venus de Belgique qui vivent dans la ville la plus importante d'Oregon, Stefaan Vermeulen y a créé «un grand club belge en 2011». Il représente aussi en Oregon l'association «Vlamingen in de Wereld». Manière de comparer nos divisions communautaires à celles, politiques, qui traversent les États-Unis?

Situé sur la côte Pacifique, l'Oregon est bordé par l'État de Washington au nord, la Californie au sud, le Nevada et l'Idaho. Sa capitale est Salem, et Portland sa ville la plus importante.
Population
L'Oregon compte 3,8 millions d'habitants. Il rapportera 7 grands électeurs le 3 novembre. Pour l'emporter, il en faut 270 sur 538.
Politique
La gouverneure démocrate Kate Brown est en place depuis le 18 février 2015. Elle avait pris le relais de John Kitzhaber en cours de mandat; a été confirmée en 2016 puis en 2018.
L’État envoie 5 députés (4 démocrates et 1 républicain) et 2 sénateurs démocrates à Washington.
Résultat 2016
Hillary Clinton 52%
Donald Trump 41%