Séisme en Corée du Nord: c’était un test «réussi» de bombe H!
La Corée du Nord affirme avoir mené ce mercredi son premier essai réussi de bombe à hydrogène, une revendication qui décuplerait, si elle était vérifiée, les enjeux autour du programme nucléaire interdit de cet État hermétique.
- Publié le 06-01-2016 à 07h05
Le Conseil de sécurité nationale de la Corée du Sud voisine a «condamné avec force» cet essai. Le Premier ministre japonais Shinzo Abe a parlé de «grave défi» aux efforts mondiaux de non prolifération nucléaire et de «sérieuse menace» contre le Japon.
L’annonce de ce test d’une bombeHest une surprise. Pyongyang affirme qu’il a été personnellement ordonné par le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un à deux jours de son anniversaire.
«Le premier essai de bombe à hydrogène de la République a été mené avec succès à 10H00» (02H30 du matin heure belge), a annoncé la télévision officielle nord-coréenne, précisant que l’engin était «miniaturisé». «Avec le succès parfait de notre bombeHhistorique, nous rejoignons les rangs des États nucléaires avancés».
Condamnations mondiales
Cette annonce surprise d’essai de bombe H, qui a été accueillie avec le plus grande scepticisme par les spécialistes, a suscité des condamnations immédiates à travers le monde. La Corée du Sud et le Japon voisins ont dénoncé une violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et la Maison Blanche a promis une réaction «appropriée» aux «provocations» de Pyongyang tout en se disant incapable de confirmer qu’il s’agissait bien d’une bombe à hydrogène.
Une bombe à hydrogène, ou bombe thermonucléaire, utilise la technique de la fusion nucléaire et produit une explosion beaucoup plus puissante qu’une déflagration due à la fission, générée par les seuls uranium ou plutonium.
Pyongyang a testé trois fois la bombe atomique A, qui utilise la seule fission, en 2006, 2009 et 2013, ce qui lui a valu plusieurs volées de sanctions internationales. Le mois dernier, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un avait laissé entendre que son pays avait mis au point une bombe H, une déclaration largement mise en doute par les spécialistes internationaux.
Que va faire la communauté internationale?
Le scepticisme n’était pas moins grand après les annonces de ce mercredi. «Cette arme avait probablement la taille de la bombe américaine d’Hiroshima mais ce n’était pas une bombe à hydrogène. On a affaire à de la fission», a assuré à la BBC Bruce Bennett, analyste spécialiste de la défense chez la Rand Corporation. «Le ‘bang’qu’ils auraient obtenu aurait été 10 fois supérieur à ce qu’ils ont obtenu».
Les premiers soupçons sur un nouvel essai nord-coréen ont été émis par des sismologues qui ont détecté un séisme de magnitude 5,1 près du principal site d’essais nucléaires de la Corée du Nord, dans le nord-est du pays.
La plupart des spécialistes estimaient que Pyongyang était à des années de pouvoir développer une bombe thermonucléaire, mais étaient divisés quant à ses capacités de miniaturiser l’arme atomique, étape décisive dans la production d’ogives nucléaires.
BombeHou pas, ce quatrième essai nucléaire nord-coréen constitue un affront flagrant envers les ennemis comme les alliés de Pyongyang, qui l’ont averti que le prix à payer pour la poursuite de son programme nucléaire serait très élevé.
La Chine, un acteur clé
Le fait que les précédentes sanctions internationales n’aient pas empêché la Corée du Nord de procéder à un quatrième test devrait susciter des appels à des réactions plus dures cette fois-ci.
Le président américain Barack Obama avait qualifié en 2014 la Corée du Nord «d’État paria» et promis des sanctions plus fermes en cas de nouvel essai.
La réaction de la Chine, principal allié de Pyongyang, sera observée de près. Pékin a fait pression par le passé pour limiter la portée des sanctions contre la Corée du Nord, mais semblait s’impatienter ces derniers temps du refus de Pyongyang d’abandonner son programme nucléaire.
Selon les spécialistes, la capacité de Pékin de peser sur son allié est contrebalancée par ses craintes de voir ce pays s’effondrer et que naisse à sa frontière une Corée réunifiée soutenue par les États-Unis.
Pékin est à la manœuvre pour une reprise des pourparlers à six (Corée du Nord, Corée du Sud, États-Unis, Russie, Chine, Japon) sur le programme nucléaire nord-coréen, au point mort depuis 2008.
+ MISE A JOUR | La Chine a fini par réagir
Après son dernier essai nucléaire, Pyongyang avait redémarré un réacteur nucléaire considéré comme sa principale source de plutonium de qualité militaire, sur son site de Yongbyon. Ce réacteur était fermé depuis 2007, dans le cadre d’un accord échangeant désarmement contre aide humanitaire.
D’après les spécialistes, ce réacteur est capable de produire environ six kilogrammes de plutonium chaque année, de quoi fabriquer une bombe nucléaire.
Les experts estiment que Pyongyang a actuellement suffisamment de plutonium pour fabriquer jusqu’à six bombes. Ils ne savent toujours pas si Pyongyang avait utilisé de l’uranium ou du plutonium comme matière fissile lors de son essai de 2013.
La Corée du Nord et le nucléaire: les étapes clés
Après l’annonce du premier test d’une bombe à hydrogène en Corée du Nord, qui a déjà procédé à des essais nucléaires en 2006, 2009 et 2013, voici les grandes étapes depuis 2002 du programme nucléaire et balistique conduit par Pyongyang.
2002
- Janvier: le président américain George W. Bush qualifie la Corée du Nord, avec l’Irak et l’Iran, d’»axe du mal».
- Octobre: Washington affirme que Pyongyang conduit un programme secret d’uranium hautement enrichi, violant ainsi l’accord de dénucléarisation de 1994. La Corée du Nord dément mais ses livraisons de pétrole sont suspendues.
- Décembre: le Nord dévoile son réacteur Yongbyon, qui produit du plutonium, et expulse les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
2003
- Janvier: Pyongyang se retire du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP).
- 27-29 août: 1ère session des négociations à Six à Pékin (Corée du Nord et Corée du Sud, Chine, États-Unis, Japon et Russie).
- 14 octobre: l’ONU vote des sanctions économiques et commerciales.
2005
- 10 février: Pyongyang annonce avoir fabriqué des armes nucléaires d’autodéfense.
- 19 septembre: lors de négociations à Six, le Nord accepte de cesser son programme nucléaire et de revenir au TNP, en échange de garanties diplomatiques sur sa sécurité et d’une aide énergétique.
- 9-11 novembre: échec d’un nouveau round de négociations, le Nord insistant sur la levée, par les États-Unis, d’un gel de comptes financiers à Macao.
2006
- 9 octobre: premier essai nucléaire de la Corée du Nord.
- 5 juillet: essais de lancement de sept missiles, dont un Taepodong-2 (longue portée), qui explose en vol après 40 secondes.
2007
- 13 février: le Nord accepte d’entamer le démantèlement de son programme nucléaire et d’accueillir des inspecteurs de l’AIEA, en échange d’un million de tonnes de carburant et de son retrait de la liste des États qualifiés de terroristes par Washington.
- Juin et juillet: reprise des livraisons de carburant et retour des inspecteurs à Pyongyang. L’AIEA annonce que le complexe nucléaire de Yongbyon a été fermé.
- Octobre: 2e sommet entre les deux Corées, après celui de 2000.
Pyongyang accepte de déclarer tous ses programmes nucléaires et de les démanteler d’ici fin 2007. Le négociateur américain annonce que les Six sont parvenus à un accord «très complet». Le démantèlement démarre en novembre.
2008
- 8-11 décembre: impasse des négociations à Six, les parties ayant échoué à se mettre d’accord sur les modalités d’inspection des installations nord-coréennes.
2009
- 5 avril: le Nord lance une fusée longue portée qui tombe dans le Pacifique. Pour Washington, Tokyo et Séoul, il s’agit d’un test déguisé du missile Taepodong-2.
- 13 avril 2009: le Conseil de sécurité condamne cette opération à l’unanimité et décide de renforcer les sanctions. Le Nord quitte officiellement les négociations à Six, annonce la réactivation de son programme nucléaire et l’arrêt de sa coopération avec l’AIEA.
- 25 mai: la Corée du Nord annonce avoir mené «avec succès» un deuxième essai nucléaire souterrain.
2012
- 12 décembre: tir réussi d’une fusée Unha-3, assimilé par les Etats-Unis au tir d’un missile balistique.
2013
- 22 janvier: élargissement des sanctions de l’ONU.
- 12 février: 3e test nucléaire, avec un engin miniaturisé selon Pyongyang.
- 10 avril: Séoul et Washington relèvent leur niveau d’alerte à un cran du niveau synonyme de guerre, en raison de la menaces de tirs de missiles nord-coréens.
- 31 août: selon une photo satellite, Pyongyang a redémarré son réacteur nucléaire de Yongbyon, considéré comme sa principal source de plutonium de qualité militaire, et fermé depuis 2007.
2014
- 26 avril: le président américain Barack Obama qualifie la Corée du Nord d’Etat «paria».
2015
- 20 mai: Pyongyang assure être désormais en mesure de miniaturiser l’arme atomique, une étape décisive dans la production d’ogives nucléaires.
- 11 décembre: Kim Jong-Un laisse entendre que son pays a mis au point une bombe à hydrogène.
2016
- 6 janvier: Pyongyang annonce son premier essai réussi de bombe H.