La «famine verte» s’étend aux zones agricoles fertiles du Guatemala
Ailleurs dans le monde, on appelle cela la « famine verte ». Dans le département de Jalapa au Guatemala, à 100 kilomètres de la capitale, la population meurt de faim entourée d’une végétation luxuriante.
- Publié le 10-08-2011 à 05h00
Le Guatemala, pays de 14 millions d’habitants, présente le plus haut taux de malnutrition infantile d’Amérique latine. La moitié des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition chronique. Dans les zones rurales, comme dans le Japala, où plusieurs familles vivent avec moins de un dollar par jour, ce taux atteint jusqu’à 90%.
Luis Alexander n’a que 9 mois et souffre de malnutrition aiguë. Il paraît petit et faible dans les bras de sa mère, près de sa maison de torchis.
Ronald Estuardo Navas, membre de l’organisation humanitaire Action contre la Faim, évalue l’état nutritionnel de Luis en mesurant la circonférence de son bras. Elle est 9,9 cm. « C’est petit, même pour un bébé. Il y a un risque important de mortalité », explique Navas à l’AFP.
La mère de Luis, Herlinda Rodriguez, elle aussi sous-alimentée, a deux autres jeunes enfants. « Je n’ai pas assez de lait, c’est pour ça que Luis a un poids si faible », se plaint-elle.
Prairies verdoyantes
Pourtant, lorsqu’on promène son regard autour de la modeste maison des Rodriguez, on ne voit que des montagnes et des prairies verdoyantes. Comment cette famille peut-elle être sous-alimentée?
Sous d’autres latitudes, on appelle ce phénomène la « famine verte » pour la différencier de la faim qui sévit dans les zones désertiques, comme la Corne de l’Afrique, où la sécheresse endémique est responsable de la famine.
Le Guatemala est le cinquième producteur mondial de sucre, de café et de bananes. Mais quand les récoltes de subsistance s’épuisent, des milliers de familles ne peuvent pas acheter suffisamment de maïs, de fèves ou de riz.
Leurs récoltes ont diminué ces dernières années à cause des sécheresses et des inondations, dues aux effets des changements climatiques dans la région.
Le pouvoir d’achat des communautés rurales, déjà faible, a aussi été durement affecté par l’évolution du prix des aliments sur les marchés local et international.
6.500 morts
Willem van Milink Paz, représentant du Programme alimentaire mondial de l’ONU (PAM) au Guatemala explique que « le problème ici, c’est que le prix local des aliments est proportionnellement plus élevé que le prix sur le marché mondial ».
Plus de 6.500 personnes sont mortes l’an dernier au Guatemala de complications liées à la malnutrition. 2.175 d’entre elles avaient moins de cinq ans, selon Luis Enrique Monterroso, responsable du droit à l’alimentation de la Commission des droits de l’homme du Guatemala.
Pour lui, il existe des programmes et de l’argent pour s’attaquer au problème, mais il n’y a pas de volonté politique. « L’Etat n’existe pas pour les familles les plus vulnérables du pays », affirme-t-il.
« Soyons clairs et honnêtes: il n’y aura pas de solution efficace au problème tant que le gouvernement guatémaltèque ne fournira pas la plus grande partie de la solution », confirme Willem van Milink Paz.
Pourtant, plusieurs programmes gouvernementaux ambitieux ont déjà été mis en place contre la malnutrition infantile.
« Ma famille progresse »
Le dernier de ces programmes, « Ma famille progresse », supervisé par le président guatémaltèque Alvaro Colom, consiste à remettre aux mères dans le besoin une allocation conditionnelle à la fréquentation scolaire et aux contrôles de santé des enfants.
Le vice-ministre de la Sécurité alimentaire du Guatemala, Billy Estrada, explique que les programmes existent, mais qu’il faut plus de suivi.
« Je crois que ce qui manque à ce gouvernement, et ce qui manquera au gouvernement suivant, ce sont des mesures qui durent au-delà des mandats politiques », déclare-t-il.