Guerre de l’Internet ultra rapide : Proximus tacle VOO et estime avoir pris 3 à 5 ans d’avance

Proximus a lancé le 20 février 2023 “l'Internet le plus rapide de Belgique” via une nouvelle connexion fibre optique qui dribble les concurrents VOO et Telenet, tous deux contraints de composer avec les limites de leur câble coaxial.

CEO de Proximus Guillaume Boutin
Le CEO de Proximus Guillaume Boutin estime que la concurrence va avoir besoin de trois à cinq ans pour rattraper son retard sur les progrès de la fibre optique de l'opérateur. ©Belga

Proximus marque des points sur le champ de bataille de l’Internet ultra rapide. Le lundi 20 février 2023, l’opérateur a lancé “l’Internet le plus rapide de Belgique” via “la technologie fibre 10 Gbps”. Cinq villes raccordées à la fibre optique sont concernées dans un premier temps : Liège, Namur, Bruxelles, Anvers, Gand.

Nom de code : Ultra Fiber. Prix vertigineux de cette option : 30 € par mois en marge des 12 € de l’option Fiber Gigabit et de l’abonnement Fiber Standard.

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Prise de pouvoir sur l’upload

Certes, l’intitulé est un brin trompeur.

La technologie promise de 10 Gbps (gigabits par seconde) est l’addition arrondie au chiffre supérieur de la vitesse de téléchargement/download (maximum 8,5 Gbps) et de la vitesse d’envoi/upload (maximum 1 Gbps).

Au-delà de la petite entorse aux mathématiques, Proximus dribble VOO et Telenet sur le terrain des performances, tout spécifiquement celles de l’upload, le talon d’Achille du câble coaxial de ses deux concurrents.

L’upload ? En complément du download (téléchargement), l’upload (envoi) entre en jeu lorsque vous envoyez des données, comme votre son et votre image pendant une vidéoconférence.

Bridé par son réseau hybride fibre/coaxial, le Wallon VOO propose au mieux 50 Mbps (mégabits par seconde) en envoi, soit une vitesse vingt fois inférieure au gigabit (1 Gbps) de l’Ultra Fiber de Proximus.

Dans des conditions similaires, le Flamand Telenet plafonne à 40 Mbps.

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“Notre supériorité technologique devient indéniable”

Bref, Proximus prend l’ascendant psychologique et commercial.

Son SEO Guillaume Boutin n’a d’ailleurs pas manqué d’appuyer là où ça fait mal lors de la présentation des résultats financiers du groupe le vendredi 17 février 2023.

“Notre réseau fibre nous donne un avantage compétitif crucial. Il faut bien que vous ayez en tête que depuis quinze ans Proximus a, en fait, un retard technologique par rapport à la concurrence. On a du cuivre, ils ont du coaxial. Mais on entre désormais dans une nouvelle phase où on va inverser la tendance. ”

“Notre supériorité technologique devient indéniable, sur le download mais surtout sur l’upload”, poursuit Guillaume Boutin. “La technologie coaxiale est limitée technologiquement à moins de 100 mégabits par seconde sur l’upload, même avec les évolutions futures du coax. La fibre n’a pas de limite sur l’upload. Sur le download, le 10 gigabits par seconde est également quelque chose que le câble, même dans ses évolutions futures, ne pourra jamais atteindre. ”

Pour capter l'attention des "gamers", l'opérateur télécom lancé le Proximus Fiber Hyper Run dans Fortnite.
Une vitesse d'envoi (upload) élevée et un temps de latence aussi réduit que possible sont des atouts pour les "gamers" les plus exigeants, rappelle Proximus au moment de vanter sa fibre optique. ©Adshot

Ces derniers mètres du réseau qui changent tout

Pour comprendre ce discours, décryptons comment fonctionnent les trois réseaux fixes de Belgique.

Le réseau fixe de Proximus est composé de fibre optique et, dans les derniers mètres qui séparent le boîtier de rue de l’habitation, de fil de cuivre. Véhicule du VDSL, ce fil de cuivre est le maillon faible du réseau. Depuis 2017, Proximus s’emploie à remplacer ces derniers mètres de cuivre maison par maison, quartier par quartier, ville par ville, par de la fibre optique. C’est une stratégie FTTH (Fiber to the Home) ambitieuse mais coûteuse et parasite, dans ce sens où il est nécessaire de tirer de nouveaux câbles dans les rues et dans les maisons. Couverture actuelle de la fibre : 21 % de foyers et des entreprises belges.

Déploiement du réseau de fibre optique de Proximus
Proximus a entamé en 2017 le remplacement des derniers mètres de cuivre qui séparent une maison du boîtier de rue par de la fibre optique. ©Proximus

Le réseau fixe de VOO est composé de fibre optique et, dans les derniers mètres qui séparent le boîtier de rue de l’habitation, de câble coaxial. C’est un câble solide et performant qui permet d’atteindre une vitesse de téléchargement de 1 Gbps. VOO libère progressivement cette vitesse depuis 2022 sur son réseau, ville par ville. C’est un déploiement nettement moins coûteux et moins envahissant que celui de la stratégie FTTH. Gros bémol : la vitesse d’upload à la traîne et les perspectives d’évolution incertaines. Couverture actuelle du gigabit (1 Gbps) : 25 % du réseau VOO (Wallonie, Bruxelles).

Le réseau fixe de Telenet est un réseau hybride (fibre/coaxial) similaire à celui de VOO, sauf que l’opérateur flamand a bouclé depuis 2019 le déploiement du gigabit (1 Gbps). En juillet 2022, il s’est engagé dans une stratégie FTTH (Fiber to the Home) à 10 Gbps. En ligne de mire : le remplacement des derniers mètres de câble coaxial par de la fibre optique, avec l’ambition “de couvrir 78 % de la Flandre en FTTH d'ici 2038. ”

Une machine à fibrer la Belgique

À la lumière de ces éléments, force est de constater que Proximus possède une longueur d’avance sur ses deux concurrents sur le terrain hautement concurrentiel des réseaux fixes.

“Nous avons construit une véritable machine qui permet de fibrer 10 % des foyers belges chaque année et ce pour les dix prochaines années”, insiste le CEO de Proximus, Guillaume Boutin. “C’est un avantage compétitif majeur, il faudra entre trois et cinq ans probablement pour voir la concurrence capable d’atteindre ce niveau de sophistication. On parle ici de réseau 10 gigabits par seconde. Ça, c’est le download speed. Mais vous savez que le plus important pour les années à venir, cela sera l’upload speed, la capacité à uploader très rapidement avec une latence très faible les services qui passeront autour de vous. Là seule la fibre est capable de relever ce défi. ”

Le CEO de VOO : “Je n’ai pas besoin de 10 gigabits par seconde”

VOO est dans une position inconfortable.

Jadis le premier à proposer en Wallonie et à Bruxelles les meilleures vitesses Internet (200 Mbps, puis 400 Mbps et 500 Mbps), l’opérateur s’accroche à une technologie du passé, le câble coaxial et sa norme DOCSIS certes encore appelée à évoluer. Mais suffisamment pour combler le fossé qui sépare le coaxial du 100 % fibre ?

“Le 10 gigabits par seconde sur le coaxial tourne en laboratoire”, insiste VOO. Ou encore : “Personnellement, je n’ai pas besoin de 10 Gbps”, osait récemment le nouveau CEO de VOO, Edouard Rodriguez.

Le nouveau CEO de VOO, Edouard Rodriguez, estime que la vitesse de 10 gigabits par seconde ne fait pas encore partie des besoins des clients.
Le nouveau CEO de VOO, Edouard Rodriguez, estime que la vitesse de 10 gigabits par seconde ne fait pas encore partie des besoins des clients.

Plus pragmatiquement, le déploiement du gigabit sur le coxial coûte nettement moins cher que le 100 % fibre à l’heure où la société n’a probablement pas les ressources pour assumer une stratégie FTTH (Fiber to the Home).

La situation est d’autant plus inconfortable que la Commission européenne devrait indiquer d’ici fin mars 2023 si elle valide le rachat de VOO par Orange. En cas de réponse positive, quels seront les plans du nouveau propriétaire ? “Est-ce que Orange investira dans la fibre ? Je n’en sais rien. Je ne connais pas les plans”, assure Edouard Rodriguez.

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