Trump de retour sur Twitter : «C’est une incitation à tous ceux qui pratiquent des discours de haine et de violence»
Aussitôt propriétaire de Twitter, Elon Musk réactive le compte de l’ex président américain Donald Trump, désactivé en janvier 2021. Tout le monde a droit à la liberté d’expression, quelle que soit la teneur des propos tenus. Quelle influence pour la Belgique ? Analyse avec Audrey Adam, avocate en droit des médias.
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- Publié le 21-11-2022 à 19h34
- Mis à jour le 26-03-2023 à 22h48
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Chose promise, chose due. Maintenant qu’il contrôle Twitter, Elon Musk a réactivé le compte de Donald Trump, presque deux ans après sa suspension à la suite de son attitude en marge de l’assaut du Capitole.
Pour le multimilliardaire à la tête du réseau social, la liberté d’expression doit être garantie quel que soit le discours, ce qui risque de privilégier des vagues de cyberharcèlement impunies selon Audrey Adam, avocate en droit des médias, aussi collaboratrice juridique de la RTBF : "C’est une incitation à toutes ces personnes qui pratiquent des discours de haine et de violence", assène-t-elle.
Les réseaux sociaux, les responsables ?
En soi, le droit belge (la Constitution) et européen (la Convention européenne des droits de l’Homme) priment sur les décisions des plateformes, qu’il s’agisse de Twitter, de Facebook ou d’Instagram. "En Europe, elles ne sont pas responsables des contenus postés tant qu’elles n’ont pas de travail d’éditrice. On va donc considérer que la plateforme est un mode de véhicule des informations sur lesquelles elles n’ont pas de prise", explique l’avocate Audrey Adam. Et la liberté d’expression est mise en tension avec le droit à la dignité de chacun(e)s.
Le principal risque, c’est la réticence des réseaux sociaux comme Twitter à contribuer à la lutte contre le cyberharcèlement : "Il faut pouvoir identifier des profils anonymes, car ces contenus-là se font sur base de pseudo. Il faut alors demander l’intervention des plateformes", indique l’avocate.
Cette brèche n’est pas acquise d’office selon la spécialiste du droit des médias. "Il faut bien constater qu’elles n’ont pas un engouement très fort à dévoiler l’identité de ses profils." regrette-t-elle. "Le fait qu’Elon Musk veuille privilégier le droit à la liberté d’expression, et la possibilité de tout dire sur son réseau vont compliquer les demandes d’identification des profils sur son réseau, si la politique de la société change."
Ce manque de collaboration freinera de potentielles poursuites, selon Audrey Adam : "Si on ne sait pas identifier un profil, on ne peut pas intenter de procès. Il pourrait y avoir des contenus qui ne seraient plus supprimés, avec une violation du droit européen. Lorsque Twitter refuse d'identifier un profil, une sanction est légalement prévue par le droit belge, mais elle n’est jamais appliquée", indique-t-elle.
Le cyberharcèlement à la belge
Après avoir défendu la comédienne et animatrice météo Cécile Djunga, victime de propos racistes, l’avocate de la RTBF gère actuellement la défense de Johanne Montay, la responsable éditoriale "sciences, santé, innovation et environnement" de la RTBF. Son procès est actuellement à l’instruction : "En publiant des articles sur le covid, cette journaliste a reçu des menaces de mort qui lui souhaitaient le même sort qu’un nazi, c’est-à-dire qu’elle soit pendue", rapporte Audrey Adam.
La haine relative à la migration fait aussi partie de ses dossiers : "Des journalistes se prennent des tweets haineux parce qu’ils relayent des articles sur les migrants." L’avocate décrit les commentaires sous ces tweets : "On retrouve des réflexions sur le quotient intellectuel des étrangers qui seraient moins élevés que des personnes blanches. Et cela justifierait qu’on les traite de ‘journalopes’ et qu’elles devraient retourner en cuisine."
Un autre cas récent est celui de Myriam Leroy et de Florence Hainaut, réalisatrices du documentaire "Sale Pute" qu’évoque Audrey Adam : "Il décrit toutes les violences qu’elles ont subies, notamment sur Twitter, et celles d’autres femmes comme la journaliste Nadia Daam (ndlr : ARTE)."
Comment se défendre ?
En bataille contre un cyberharcèlement difficile à maîtriser, l’avocate partage une série de précautions : "Faire une capture d’écran avec la source, la date de publication. Le mieux est d’avoir l’adresse IP de la publication. Il faut les conserver. Et si ça va trop loin, il faut consulter un(e) avocat(e) ou une aide juridique et avoir un avis sur la situation : est-on encore dans la liberté d’expression ? Est-ce que cela la dépasse ? Et quels sont les moyens ? Si c’est un pseudo, le seul moyen est de porter plainte pour tenter d’obtenir l’identification de la personne."