Le boom des antivols dans les magasins belges
L’augmentation des prix et des vols dans les commerces poussent les gérants à protéger leurs articles.
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Publié le 06-05-2023 à 06h00
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Étiquettes magnétiques, macarons, cordons… les antivols se multiplient dans les magasins belges. Comme en France où la presse faisait récemment le constat étonnant d’antivols sécurisant désormais de la viande dans les rayons des supermarchés.
L’inflation et la hausse des vols à l’étalage semblent bel et bien pousser les commerçants belges à eux aussi investir dans des solutions de protection de leurs marchandises.
Retif Liège, spécialisé dans l’équipement des commerces, a vu sa vente de systèmes antivol augmenter en ce début d’année de "20-30% par rapport à l’an dernier". Resatec, une entreprise qui propose depuis 21 ans des solutions contre le vol en magasin, dresse le même constat.
"Le vol a toujours existé, note Jessica Genaert, responsable commerciale francophone. L’inflation et la perte de revenus, les coupes budgétaires et le personnel en moins dans les magasins, le vol organisé pour revendre sur Vinted… tous ces paramètres expliquent la hausse des vols en magasins aujourd’hui. Ce qui implique une augmentation de la vente d’antivols."
En mars, l’inflation dans les supermarchés dépassait les 20%. Les vols à l’étalage ont augmenté de 15,4% sur les six premiers mois 2022, par rapport à la même période en 2021, selon les derniers chiffres disponibles de la police fédérale. L’alimentation (37,6%), les vêtements (14,8%) et le tabac (14,7%) arrivent en tête des larcins.
Des vols à l’étalage qui pèsent sur les chiffres d’affaires des commerçants: 1,2 milliard de pertes, selon Comeos (fédération belge du Commerce).
"Toujours moins qu’un vol"
Et le phénomène ne semble pas s’être calmé. "Les vols sont en augmentation depuis le Covid, dit cette gérante d’une animalerie. Certains le font par nécessité. D’autres pour le fun. J’ai déjà pincé quelqu’un avec un harnais rafraîchissant pour chien. Ce n’est pas nécessaire ! Malheureusement, on vit dans une société de plus en plus individualiste et incivique. On retrouve des emballages vides dans les rayons. Et la loi est mal faite, vous ne pouvez pas demander à un client d’ouvrir son sac ! Entre septembre et février, beaucoup de clients ont aussi essayé de faire valoir des garanties, invoquer des problèmes qui n’existaient pas…"
Quand la gérante ouvre son magasin il y a 8 ans, elle n’avait pas d’antivols. Aujourd’hui, elle en met sur tous ses produits: des jouets pour animaux aux os pour chien. Elle a remplacé son installation de sécurité juste après le Covid. Coût ? 3 000 €. "Ça prend du temps de tout taguer. Ça augmente nos frais mais c’est toujours moins qu’un vol ! Nos marges sont entamées. La rentabilité par rapport à nos frais de fonctionnement nous oblige à répercuter sur les prix, pour survivre."
Jessica Genaert de Resatec observe une "grosse demande" pour les produits antivols depuis le début de l’année. Et dans des secteurs insoupçonnés. Des fleuristes, animaleries, pharmacies… "Ce sont des choses qu’on ne voyait pas avant", dit la responsable.
Et les produits sur lesquels sont placés les antivols se diversifient aussi: "On les retrouve sur la charcuterie, le poisson… mais aussi sur les canettes de Red Bull."
Les grandes enseignes sont loin d’être bavardes quand il s’agit d’évoquer leur stratégie sécuritaire. Un groupe de supermarchés nous indique néanmoins ne pas porter ses investissements sur les antivols – "nous ne sommes pas dans l’optique de mettre des antivols sur la viande comme en France" – mais plutôt se pencher vers une nouvelle génération de système de sécurité.
Des caméras avec intelligence artificielle qui détectent les mouvements suspects et alertent en temps réel le personnel.
Un système qui se développe fort pour le moment, assure Jessica Genaert. "Malheureusement le vol se professionnalise. Il est difficile pour les supermarchés de mettre des antivols sur tout, cela prend du temps. Avec l’intelligence artificielle, on peut confronter le comportement du voleur et surtout récupérer la marchandise."
Intelligence artificielle
Et il n’y a pas que les grandes enseignes qui choisissent ce genre de système: "je viens de mettre 4 000 € là-dedans, dit Pascal Willems, gérant du Louis Delhaize de Jauche, confronté lui aussi à une recrudescence des vols. C’est un gros investissement. Et on n’a aucune aide. J’ai pu le faire car j’avais un contrat fixe énergie. Je voulais aussi investir dans des capsules aimantées pour bouteilles d’alcool. Mais c’est encore 3 000 €. Cela devient impossible financièrement."
Et de poursuivre: "est-ce qu’on nous vole pour 4 000 € ? Je ne sais pas. Mais quand on sait que pour une bouteille volée, il faut en vendre 4 derrière pour récupérer le bénéfice… Avant, de temps en temps, on nous volait une lame de rasoir. Maintenant, c’est de la nourriture, de la viande. Et on est surpris de voir les clients qui volent. Ce sont parfois des gens que l’on connaît depuis des années."
Le gérant espère dissuader. "On ne sait pas avoir le nez sur l’écran toute la journée. Mais on a quand même pris un échangeur de billets comme ça ! Pas plus tard que la semaine dernière. À la caisse, il vous demande plusieurs fois d’échanger des coupures. À un moment vous perdez le fil et il vous prend 100 €. Avec les caméras, on a pu voir qui c’était et on a appelé la police. On leur transfère les images mais on a rarement un retour."
Si l’inflation ralentit (4,2% en 2023), Pascal Willems ne pense pas malheureusement que les vols suivront ce chemin. La gérante de l’animalerie, elle, constate un léger répit ces temps-ci.