Chocolat : pourquoi certains artisans se méfient des labels équitables
Fairtrade, Rainforest Alliance, Cacao-Trace, Cocoa Horizons,… Dans le secteur du chocolat, les labels, certifications et autres programmes durables se multiplient. Si bien qu’il est quasiment impossible pour le consommateur de s’y retrouver… et que cela pousse de plus en plus de professionnels à s’en méfier.
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- Publié le 09-04-2023 à 16h00
Devenu un des principaux arguments de vente des chocolatiers, la grande majorité du cacao désormais utilisé pour produire les pralines et autres tablettes vendues dans le commerce se veut durable ou équitable. Ce qui signifie qu’il est plus respectueux de la nature et/ou des conditions de vie des planteurs qui vivent de l’autre côté de la planète.
Mais, si l’objectif de ces certifications est louable, nombreux sont les artisans chocolatiers qui les critiquent plus ou moins ouvertement. Exemple avec Benoît Nihant, dont les créations ne sont pas certifiées « durable » bien qu’elles soient « plus qu’équitables ».
Voici à quel point le chocolat coûte plus cher en 2023 qu’en 2022« Ma femme et moi-même avons décidé de ne pas fonctionner avec un label », explique l’artisan liégeois, déçu que les producteurs ne puissent pas fixer eux-mêmes leur prix de vente. « Actuellement, la fève de cacao s’échange à un montant déterminé par la bourse de Londres et New York, et non par le marché. Et malheureusement, ce prix ne permet pas aux planteurs de vivre au-dessus du seuil de pauvreté. À l’inverse, à l’autre bout de la chaîne, il y a de grandes multinationales qui imposent leurs conditions. Déjà là, il y a donc un rapport de force que nous ne cautionnons pas. Mais ce n’est pas tout car, pour obtenir le label de commerce équitable, il suffit de payer le cours de bourse ainsi qu’un petit pourcentage supplémentaire. Ce qui signifie que, selon les saisons, on peut très bien acheter du chocolat dit « équitable » sans pour autant rémunérer les producteurs de façon correcte. Et ça non plus, ça ne nous convient pas. »
Pour Benoît Nihant, le constat est clair. « Pour qu’un planteur et sa famille vivent dignement, il faut lui laisser fixer son propre prix de vente. C’est ce que nous faisons. De cette manière, on a la certitude que cet argent va directement dans la poche des producteurs », résume le chocolatier, persuadé que cette approche, plus juste, permet aussi d’obtenir des fèves de cacao de meilleure qualité. « Et tant pis si, à terme, nous payons cette matière première jusqu’à 12 fois plus cher que d’autres ou si les rendements à l’hectare des familles avec lesquelles on collabore seront plus de quatre fois moins importants que celles des multinationales. »
D’où viennent le lapin, les œufs et les cloches de Pâques?Sceptique, l’artisan Pascal Bedeur l’est également de plus en plus face à la multiplication des labels (près de 20) dits « durables ». « Parce qu’il est difficile de s’y retrouver entre ce que défendent les uns et les autres », mais aussi « parce que j’ai l’impression que ça tient plus de la démarche publicitaire qu’autre chose ». « Quand je vois des représentants venir me présenter leur chocolat et ne pas savoir me dire d’où proviennent les fèves de cacao, j’ai du mal à croire qu’ils sont réellement intéressés par le sort des producteurs », glisse-t-il d’un ton ironique.