“Tournée minérale” : ce qu’il faut penser de l’explosion des bières sans alcool
Boostées par la “Tournée minérale”, les ventes de bières sans alcool progressent fortement en Belgique depuis quelques années. Pourquoi ? Tentative de réponse.
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Publié le 21-02-2023 à 11h50 - Mis à jour le 21-02-2023 à 12h31
En février, la “Tournée minérale” est l’occasion pour de nombreux Belges de découvrir des substituts à leur(s) alcool(s) de prédilection. Pour preuve, dans un récent communiqué de presse, le groupe Delhaize expliquait s’attendre à une augmentation de 20 % des ventes de ses apéritifs et spiritueux notamment.
Mais dans un marché en progression constante, où Colruyt estime par exemple qu’“ un client sur cinq achète à l’occasion un substitut sans alcool” et où Aldi note que sa Buval 0 % se vend deux fois plus qu’il y a un an, les bières 0,0 % (ou faiblement alcoolisée) constituent aussi une alternative pour les consommateurs désireux de changer (quelque peu) leurs habitudes.
"Tournée minérale" à Mouscron : simuler les effets de l’alcool à des fins préventives“Depuis quelques années, on constate que les Belges boivent moins de bière qu’auparavant. Mais à l’inverse, ils boivent mieux”, résume Cédric Dautinger, rédacteur spécialisé pour le site beer.be. “Aujourd’hui, l’amateur de bière va plutôt privilégier la qualité à la quantité. Cela se traduit par une baisse globale du volume de production. Pourtant, deux sous-secteurs échappent à cette règle : il s’agit des boissons artisanales et des bières sans alcool. ” Ce qui est tout bénéfice pour les brasseurs qui limitent ainsi la casse tout en touchant un public plus large, qui ne consomme habituellement pas d’alcool.
Résultat des courses ? Les références sans alcool, vues comme “le Saint-Graal” du secteur, se multiplient dans les rayons des supermarchés. Exemple avec la Chouffe non alcoolisée (0,4 %) qui a été commercialisée fin de l’année 2022, après deux ans de travail.
Pour les grandes brasseries, pouvoir proposer une alternative aux bières classiques est presque devenu une obligation.
“Créer une bière peu alcoolisée n’est pas aussi facile qu’il n’y paraît, explique Jean-Lou Barbette, manager de la brasserie d’Achouffe. Certains désalcoolisent leur production après le brassage, ce qui leur permet d’atteindre un degré d’alcool nul, mais ce n’est pas notre cas. Pour notre nouvelle Chouffe, nous avons plutôt misé sur une levure spécifique : elle est proche en goût de celle que l’on utilise habituellement mais elle fabrique moins d’alcool lors de la fermentation. Ce qui fait que le degré d’alcool, au final, est inférieur à 0,5 % ”, soit le seuil fixé par la loi belge pour conserver l’appellation “sans alcool”.
“Pour les grandes brasseries, pouvoir proposer une alternative aux bières classiques est presque devenu une obligation”, note Kevin Lhoest, zythologue professionnel et formateur chez “Hoptimalt Beer Academy”. “Le marché est porteur et la demande devrait continuer à croître pendant un petit temps encore. ” Surtout dans un pays comme la Belgique où, bien que les ventes de bières sans alcool aient progressé de 15 % en 2022, leur consommation quotidienne reste encore inférieure à celle des Pays-Bas par exemple.
À l’instar du groupe Carrefour qui estime que les bières faiblement alcoolisées pourraient bientôt faire aussi bien que les pils 0,0 %, les pionnières du genre, les Chouffe N/A et autres SportZot risquent toutefois de se heurter à un plafond de verre. “Si l’on observe ce qu’il se passe aux États-Unis et au Canada, qui constituent deux marchés de référence, on constate qu’il y a là-bas un tassement des ventes des bières sans alcool, souligne Cédric Dautinger. Les chiffres restent bons mais ils n’évoluent plus autant car d’autres boissons, comme les hard seltzers ou… les bières plus classiques, les concurrencent directement. ”
Et en termes de goût, que valent les bières sans alcool ?
Principalement occupé par de grands industriels, le marché des bières sans alcool pourrait bientôt voir débouler plus de productions artisanales d’ici quelques années, estiment les observateurs. De quoi proposer d’autres saveurs encore.
“Au niveau des pils, les brasseurs ont fait de très gros progrès au cours des dernières années, note Kevin Lhoest. Là où les premières 0 % n’étaient pas très goûteuses, elles le sont désormais beaucoup plus. Dans certains cas, la différence en bouche est même très ténue. ” Comme pour les bières fruitées dont le taux de sucre, déjà très important à la base, n’aide pas forcément à distinguer facilement l’alternative de l’originale.
VIDEOS | Botaniets, le gin bruxellois à 0,0 % d’alcool : 5 choses à savoir et 3 idées de mocktails pour votre "Tournée Minérale"“Par contre, pour les blondes et les brunes un peu plus fortes, on voit et on goûte plus facilement l’absence d’alcool, poursuit Kevin Lhoest. Le corps de la bière change en quelque sorte. ”
Actuellement, en Belgique, les pils ont toujours la cote, rattrapée petit à petit par les bières spéciales, de plus en plus nombreuses.