« Éviter 11 millions de trajets en camion par an »
Les acteurs du fret en Belgique ont donné le signal de départ du Plan marchandises qui vise à doubler le fret ferroviaire d’ici 2030.
Publié le 24-01-2023 à 17h00 - Mis à jour le 24-01-2023 à 17h01
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"Jamais les clients n’ont joué un tel rôle dans le développement du fret en Belgique", soulignait Benoît Gilson, le CEO d’Infrabel, à l’occasion de la mise en place, ce mardi, du "Comité des utilisateurs", élément central des initiatives du Plan marchandises fédéral, dont l’ambition est de doubler la part de fret transporté par le rail d’ici 2030. Le but: "éviter 11 millions de trajets en camion par an, soit 30 000 camions en moins sur nos routes chaque jour", rappelle Georges Gilkinet, le ministre de la Mobilité, qui porte le projet.
Un train équivaut à 50 camions. Mais avec 73% du transport de fret par la route, et à peine 9% par le rail, la Belgique fait pâle figure, surtout en comparaison de pays comme la Suisse (35%), l’Autriche (32%) ou même un grand voisin comme l’Allemagne (18%).
Le Comité des utilisateurs — qui dans une phase ultérieure sera transformé en "Comité consultatif du Fret ferroviaire" — réunira en principe deux fois par an tous les maillons de la chaîne logistique, des chargeurs aux transporteurs, en passant par Infrabel, le gestionnaire de réseau, les clients potentiels du rail, les terminaux et l’État fédéral. Ce comité devra conseiller le gouvernement dans ses décisions stratégiques et industrielles, afin de rencontrer les objectifs du plan.
Ce Plan marchandises, approuvé par le Conseil des ministres en septembre dernier, est porté par un effort budgétaire rarement vu: 11 milliards sur dix ans pour les investissements dans le réseau, soit 1,7 milliard de plus pour Infrabel, auxquels s’ajoutent 5,4 milliards destinés au fonctionnement. En outre, le gouvernement négocie 1 milliard en prêt venant de la Banque européenne d’investissement. Benoît Gilson ne pouvait qu’apprécier cet "investissement massif" dans le rail.
Le plan du ministre se décline en 26 actions concrètes et phasées. Des investissements seront notamment réalisés pour que toutes les zones de ralentissement soient supprimées d’ici fin 2027. Le réseau devra aussi pouvoir accueillir des trains plus longs, jusqu’à 740 mètres, afin d’augmenter la rentabilité des convois. Et les clients se verraient proposer un "catalogue" des sillons disponibles pour véhiculer le fret en harmonie avec le transport des passagers.
Quelques bémols
Passer de 9% à 16% de transport du fret par rail paraît volontariste, mais dans la mesure où le Bureau du Plan prévoit une augmentation du transport de marchandises de 26% d’ici 2040, l’effort ne fera qu’absorber une partie de la croissance du trafic routier. Dans un pays miné par les embouteillages, les entreprises sont conscientes de l’intérêt d’améliorer la qualité et la ponctualité du service ferroviaire. Elles ont désormais mis l’environnement au rang de leurs priorités. D’où l’enthousiasme exprimé par les acteurs réunis autour de la Fédération des entreprises de Belgique. La Wallonie devrait aussi tirer profit de cette dynamique centrée autour des ports de la Mer du Nord.
"Si on arrive à doubler le volume, cela rapportera 1 milliard par an en bénéfice pour la société", estime Paul Hegge, représentant du Belgian Rail Freight Forum ; "Nous nous engageons mais notre engagement est conditionnel", tempère-t-il cependant. "Ne vous attendez pas à un retournement rapide de situation car les conditions ne sont pas encore réunies. Au niveau des acteurs qui réalisent les transports, il y a un manque de moyens. Ce que nous demandons, c’est une aide pour l’industrie. Si ce n’est pas le cas, les prix vont augmenter et les entreprises pourraient se tourner vers la route."
Dans la situation actuelle "il est impossible pour le wagon isolé d’être concurrentiel par rapport à la route", souligne aussi Bernard Gustin, le CEO de Lineas (ex-SNCB Logistics) qui souhaite la nomination d’un Commissaire du fret et une gestion centralisée des flux, à la manière du contrôle aérien. "Rentrer dans le porte d’Anvers, c’est le far west", dit-il. "Si on veut réussir, on doit revoir notre mode de fonctionnement."