Marie-Hélène Ska (CSC): "Il faut une cinquième semaine de congés légaux"
Métiers sous tension, jobs étudiants, conflit chez Delhaize, congés légaux, élections sociales: Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC, fait sa rentrée.
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- Publié le 18-09-2023 à 00h00
- Mis à jour le 19-09-2023 à 09h04

Marie-Hélène Ska, vous avez rejoint le syndicat il y a 30 ans. Qu’est-ce qui a changé en trois décennies ? Qu’est-ce qui vous frappe le plus ?
Le modèle économique sur lequel on est assis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale craque de partout. La fameuse équation "nous allons créer de la richesse et puis on va voir comment la répartir" ne marche plus. On n’a jamais créé autant de richesses que maintenant. Mais on n’a jamais eu aussi peu de marges pour la redistribuer. C’est une caractéristique de fond et ça rend la concertation difficile.
Et au-delà du modèle économique ?
Ce qui aide à faire société, c’est d’avoir un objectif commun. Il faut en avoir un. Or, quand par exemple la Commission européenne fixe un cadre de neutralité carbone en 2050, on sent qu’on va y aller à marche forcée parce qu’on a procrastiné longtemps. Le fait qu’il n’y a pas d’objectif commun rend la création du collectif aussi plus difficile. Ça, c’est quelque chose qui me frappe. Notre travail, c’est de regarder ce qui rassemble.
Et ça donne un mémorandum pour les élections de juin 2024. Vous insistez sur quoi ?
Des choses relativement simples, élémentaires et indispensables. Comme pouvoir continuer à gagner dignement sa vie et donc négocier collectivement les augmentations de salaire. On demande aussi du souffle pour pouvoir faire face aux aléas de la vie: c’est notre revendication pour une 5e semaine de congés légaux. On est en 2023 et 60% des travailleuses et des travailleurs ont 20 jours de congé, quelle que soit leur ancienneté. Et parfois une semaine de fermeture de l’entreprise. Ça laisse peu de marge.
Une autre de vos revendications concerne les étudiants jobistes.
Nous avons 627 000 étudiants qui prestent parfois jusqu’à 600 heures par an. Le créneau, c’est entre un quart-temps et un tiers-temps. C’est gigantesque. Et tout cela sans se constituer aucun droit, entre 16 ans et 23-24 ans. Au total, ils auront travaillé un an ou deux ans complets, qui ne valent rien. Chaque jour de travail doit compter et créer des droits. Pour en revenir à la concertation, on a des secteurs comme l’horeca ou la distribution, dont la structure de coûts est basée sur des étudiants et des flexi-jobs. Ce sont des modèles intenables.

De votre côté, les élections sociales se profilent aussi (en mai 2024). Une campagne n’est pas l’autre. Ça se présente comment ?
Les dernières élections sociales "classiques", c’était en 2016. Puis, on a eu les élections 2020 en full digital à cause de la pandémie. C’était quand même très spécial… Ici, on revient à un contexte post-Covid. Avec la réalité du travail qui a changé.
En quoi a-t-elle changé ?
On a vu que d’autres modes d’organisation du travail étaient possibles. En particulier le télétravail, pour le secteur des services, essentiellement (de 30% à 40% des travailleurs n’y ont pas accès). Il faut réinventer des modes de travail collaboratif. Et quand on est délégué, quand on représente des collègues qui ne sont plus collectivement sur le lieu de travail, en même temps, sur le même site, ça prend aussi une autre dimension.
Un point d’attention spécifique pour le travail des futurs délégués ?
La question des risques psychosociaux par exemple sera certainement un des éléments importants. Parce que ce qui a fondamentalement changé, c’est le nombre de malades de longue durée.
À l’approche d’élections sociales, toute mobilisation sociale est suspecte. On se dit que ça sert la campagne. Il n’y a pas un peu de vrai là-dedans ?
Je crois que ça a pu être vrai dans le passé. Et que ça l’est encore un peu ici ou là. Mais ça me semble nettement moins fréquent que par le passé.
