Marie-Colline Leroy: "Plus une seule victime à plus d’une heure d’un centre de prise en charge des violences sexuelles"
À l’approche du conclave budgétaire, la secrétaire d’État à l’Égalité des genres, Marie-Colline Leroy (Écolo), demande 9 millions€ pour ouvrir les 4 "derniers" centres de prise en charge des violences sexuelles (CPVS).
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- Publié le 18-09-2023 à 04h00
21 féminicides en 2023, des dossiers de violences sexuelles en hausse dans les parquets… Marie-Colline Leroy, la Vivaldi en fait-elle assez pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles ?
Il y avait un gros travail à faire. Ma prédécesseure (Sarah Schlitz, NDLR) a débuté son mandat en faisant de cette question une priorité. Et on est parvenu à mettre en place un Plan national contre les violences basées sur le genre, la loi Stop féminicide, à développer les centres de prise en charge des violences sexuelles,...
Ces centres CPVS sont essentiels.
Oui, ils proposent dans l’urgence une prise en charge holistique, 7j/7, 24h/24, gratuite des victimes: soins médicaux, récolte de preuves, aide psychologique, dépôt de plainte,...
Combien y a-t-il de CPVS ?
On est à 9 centres ouverts depuis le lancement du projet pilote fin 2017. Et j’annonce qu’un nouveau centre ouvrira début novembre à Arlon.
Le but n’était pas d’arriver à 14 CPVS sous la législature ?
Si. Il reste 4 CPVS à ouvrir. À Hal-Vilvorde, Eupen, Mons et Ottignies. Les deux derniers sont proches de cités étudiantes. Or, le public le plus représenté dans les CPVS sont les 18-26 ans (34,8%, NDLR).
Quatre nouveaux centres, cela demande des moyens.
Je vais devoir le négocier lors du conclave budgétaire fin septembre. On a besoin de 9 millions€ pour les installer. Aujourd’hui, le budget annuel des CPVS est de 24,7 millions. C’est un signal fort de dire qu’on étend ces CPVS sur toute la superficie de la Belgique pour qu’il n’y ait plus une seule victime à plus d’une heure d’un centre.
Une heure, pas encore trop long ?
On a identifié la priorité autour des parquets judiciaires. On constate que c’est de cette façon que l’on a la prise en charge la plus globale et efficace. Les CPVS sont en contact direct avec ces parquets, des policiers formés et un hôpital qui se trouve juste à côté.
14 CPVS, est-ce suffisant ?
On peut toujours faire plus mais il vaut mieux avoir des structures qui fonctionnent bien que de vouloir aller trop vite. On va en outre rendre cette dynamique structurelle, via une loi CPVS qui décrira leur constitution, mission et source de financement.
Quand ouvriront ces centres ?
S’il y a un accord - et j’espère qu’on l’aura - ces nouveaux CPVS pourraient très vite voir le jour. Il y a une attente, un besoin sur le terrain. Le fait que le dispositif fonctionne bien ailleurs suscite de l’intérêt. On a vu une hausse significative des prises en charge. Non pas parce qu’il y a plus de violences, mais parce que ces centres s’étendent, se font connaître, etc.
Combien de victimes ont déjà fait appel à ces CPVS ?
Depuis le lancement, plus de 8 000. En 2022, elles étaient 3 287 victimes, contre 1 662 en 2021 ! Selon les premiers récits des victimes, cette prise en charge rapide leur est précieuse. Le CPVS est un espace sécurisant, où les victimes peuvent se rendre discrètement: certaines retournent parfois près de leur agresseur. Ça leur évite aussi d’être transportées de l’hôpital au commissariat, en une nuit, après ce qu’elles ont vécu. On veut éviter la double peine. Le CPVS n’est pas totalement médicalisé, ce n’est pas un commissariat non plus. Ces aspects-là peuvent faire peur.
Et le suivi judiciaire ?
Si les CPVS facilitent le dépôt de plaintes, on devra encore évaluer le lien entre prises en charge en CPVS et suivi des plaintes. On sait que beaucoup de victimes hésitent à porter plainte. "Va-t-on me croire ?" Mais on estime qu’en passant par un CPVS, il y aura un meilleur accompagnement, une meilleure compréhension et une meilleure prise en considération.
8 000 victimes. Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg…
C’est la partie la plus visible car les CPVS ne sont pas encore assez connus. Nous lançons une grande campagne de communication à l’automne, à destination des 18-25 ans, dans les milieux festifs et dans l’espace public. Car les proches et témoins peuvent aussi conseiller ou accompagner les victimes dans ces centres.
La prévention des violences passe notamment par l’éducation. Comment réagissez-vous à la polémique EVRAS (Éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle) ?
J’ai vu les tracts. Il y a eu beaucoup de désinformation. Il est essentiel d’apprendre l’importance de l’intégrité physique et sexuelle ; d’apprendre dès le plus jeune âge ce qu’est le consentement, que quand ce n’est pas oui, c’est non ; d’apprendre aux jeunes à se respecter et respecter l’autre. Franchement, je pense qu’on pouvait s’éviter une polémique. Ce sont des questions que tous les ados se posent. Et ce n’est pas plus mal que des personnes formées puissent y répondre.
Les plans, mesures contre les violences sexuelles se multiplient. Assiste-t-on à un réveil?
On sent queMeToo a été un instant T où la parole s’est libérée. Mais c’est aussi devenu un combat pris au sérieux car des gouvernements se sont montrés volontaristes. La société doit intégrer qu’il n’y a plus d’impunité pour les auteurs et les victimes savoir qu’elles sont prises en charge correctement et leur parole prise en compte.