Elections 2024: avec la règle des trois mandats successifs maximum, un député francophone sur trois prendrait la porte !
Et si, demain, le nombre de mandats successifs était limité dans le temps? Quel impact aurait une telle mesure sur nos assemblées et les partis? Analyse et décryptage.
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- Publié le 10-06-2023 à 04h00
- Mis à jour le 10-06-2023 à 08h13
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Plus de 30 ans sur les bancs d’un Parlement. Est-ce trop? Ou, au contraire, un gage d’expertise de nos élus et de confiance des électeurs?
En avril dernier, DéFI proposait une charte de bonne gouvernance. Parmi les 25 mesures «visant à restaurer la confiance à l’égard du monde politique», figurait le décumul dans le temps des mandats législatifs. Autrement dit : la limitation, à trois, du nombre de mandats successifs à pouvoir exercer au sein des assemblées parlementaires.
Avec quel impact?
L’Avenir a fait l’exercice (lire ci-contre) et décortiqué le parcours politique des 217 députés francophones belges siégeant actuellement dans les assemblées régionales, communautaire, fédérale et européenne.
Le constat est implacable : un député sur trois (29,9 %) ne pourrait plus se représenter en 2024!
Et dans les assemblées?
Mais la situation varie d’une assemblée à l’autre. Au sein des parlements fédéral et wallon, ce sont un tiers des députés francophones (respectivement 30,6 % et 30,1 %) qui cumulent déjà, à l’heure actuelle, trois mandats législatifs ou plus. Et ils sont un sur quatre (23,6 %) au Parlement bruxellois.
C’est au Parlement européen que l’on retrouve le plus de «cumulards» avec 75 % de nos députés qui passeraient à la trappe si la mesure devait être appliquée dès demain. Un constat loin d’être étonnant, tant l’Europe est souvent considérée comme la dernière étape d’une carrière politique.
À noter que près d’un député francophone sur cinq (17,5 %) en est déjà à son deuxième mandat parlementaire successif.
Si 109 des 217 parlementaires analysés exercent en ce moment leur tout premier mandat à l’échelon régional, fédéral et européen, d’autres cirent par contre les bancs de ces mêmes assemblées depuis parfois plusieurs décennies (lire page 4).

Et dans les partis?
Si la réalité varie donc entre les assemblées, elle diffère également d’un parti à l’autre.
Avec plus de 57 % de députés concernés, Les Engagés occupent le haut du classement.
C’est même la totalité de leurs représentants aux niveaux fédéral et européen qu’il faudrait remplacer dès 2024. Et quasi un député sur deux (45,4 %) au niveau wallon.
Viennent ensuite le PS (41,7 %), puis le MR (40,8 %).
Dans chacune des assemblées, un tiers au moins des députés de ces deux partis comptabilisent déjà un minimum de trois mandats successifs.
Chez les socialistes, c’est au Parlement wallon qu’ils sont le plus nombreux dans ce cas (43,5 %). Tandis que c’est au Parlement bruxellois (42,9 %) et à la Chambre des représentants (42,9 %) que l’on retrouve le plus de «dinosaures» libéraux de la politique.
À l’inverse, Écolo (11,9 %), DéFI (8,3 %) et le PTB (0 %) tirent les statistiques vers le bas.
Pour les écologistes, ceci s’explique notamment par la limitation dans le temps des mandats consacrée dans les statuts (articles 142 et suivants) du parti – avec dérogations possibles.
Quant au PTB, c’est essentiellement le tout récent succès du parti dans les urnes qui justifie l’absence de députés répétant plus de deux mandats successifs.
Toutefois, appliquer une telle mesure créerait un fameux vide dans les rangs francophones des assemblées parlementaires.
L’enjeu apparaît cependant important aux yeux de certains partis puisque, à côté de DéFI et en marge du scrutin 2024, d’autres mettent aujourd’hui le sujet sur la table (lire ci-contre).
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Limiter le nombre de mandats dans le temps? De quoi parle-t-on au juste?

Souvent comparée à «une lasagne institutionnelle», la Belgique offre un enchevêtrement particulièrement complexe à décortiquer en matière de niveaux de pouvoir et de variété de mandats.
En marge du scrutin régional (et communautaire), fédéral et européen de juin 2024, L’Avenir a choisi de limiter son analyse aux députés francophones siégeant dans les assemblées suivantes : Parlement wallon, Parlement bruxellois, Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Chambre des représentants, Parlement européen.
Rappelons que, avant 2014, la durée des mandats différait selon le niveau de pouvoir, ce qui engendrait parfois des «sauts» d’un Parlement à un autre en cours de législature. De quoi générer des parcours politiques alambiqués.
Quels sont les mandats à comptabiliser? Faut-il prendre en compte les mandats interrompus avant terme? Et qu’en est-il des suppléants qui arrivent en cours de législature?
L’Avenir a fait le choix de considérer pour son analyse tout mandat électif (ce qui exclut la cooptation et la désignation communautaire), exercé ou empêché, en tout ou en partie.
Cela signifie donc qu’un élu accédant à la députation par le biais d’une élection en qualité de membre effectif comptabilise automatiquement un mandat, qu’il choisisse in fine d’exercer ce mandat, de se déclarer «empêché» (parce qu’il occupe un siège dans une autre assemblée ou au sein d’un exécutif), de renoncer à siéger, de changer de parti (ou devenir indépendant) ou de quitter son siège en cours de législature.
En outre, L’Avenir a considéré que tout suppléant ayant siégé au moins une journée dans l’une des assemblées analysées comptabilise de ce fait un mandat parlementaire. Car il reçoit la possibilité d’imprimer sa marque sur les débats qui auront un impact sur les citoyens.
En revanche, pour cette enquête, L’Avenir a choisi de ne pas retenir les mandats obtenus lors des élections communales et provinciales. Ces deux niveaux de pouvoir ayant un impact limité sur l’ensemble des citoyens francophones.
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Comment les partis se positionnent-ils par rapport à la position de DéFI en matière de décumul temporel?
Chez Écolo, les règles internes sont claires : les élus ne peuvent exercer plus de deux mandats successifs. Toutefois, ils peuvent obtenir une dérogation s’ils souhaitent se présenter une nouvelle fois devant l’électeur. «Dans son programme, Écolo propose aussi de limiter, de façon générale, l’exercice successif des mandats politiques dans le temps à maximum trois», explique le porte-parole d’Écolo.
Du côté des Engagés, on a réfléchi à la question du cumul temporel. «À dater des scrutins de 2024, nous proposons que chaque élu ne puisse pas exercer plus que l’équivalent de trois mandats parlementaires complets, soit quinze années, sur l’ensemble de sa vie», explique la porte-parole du parti. «Une fois cette limite atteinte, il pourrait terminer le mandat en cours mais plus se représenter. Pour un ministre, la limite serait l’équivalent de deux mandats complets sur l’ensemble de sa vie.»
Le PTB est davantage favorable à une stricte interdiction du cumul des mandats publics, mais aussi à une interdiction d’un cumul avec des mandats privés où il pourrait y avoir des conflits d’intérêts. En matière de cumul temporel, le parti estime que ce n’est pas «l’essentiel» : «l’essentiel, c’est de limiter les rémunérations et les privilèges des parlementaires. Nous proposons notamment de diviser par deux les salaires des parlementaires», explique la porte-parole du parti.
Au niveau du MR, on ne se montre pas plus favorable à une limitation des mandats dans le temps. «Nous estimons qu’il faudrait davantage fixer des règles permettant d’avoir de nouveaux candidats sur les listes à chaque élection», nous explique Georges-Louis Bouchez, président du MR. «Au MR, lorsqu’on compose une liste, il faut toujours un certain pourcentage de candidats qui n’ont jamais participé à une élection précédente.»
Dans les faits, et à la lecture des statuts du parti libéral, on apprend que doit figurer sur chaque liste électorale du MR au minimum un ou une primo-candidat(e).
Malgré nos demandes, le PS, ne s’est pas positionné sur la proposition de cumul temporel initiée par DéFI. En revanche, selon l’article 70 des statuts du PS, aucun membre du PS ne peut détenir plus de trois mandats rémunérés. Par ailleurs, la fonction de parlementaire est totalement incompatible avec les fonctions de bourgmestre, échevin ou président de CPAS dans une commune de plus 50000 habitants.
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