"Pause climatique": face à une Vivaldi divisée, Alexander De Croo persiste et signe
Face à un feu nourri de questions, le Premier ministre Alexander De Croo s’est expliqué… Sans convaincre l’ensemble de sa coalition. Ni l'opposition, qui n'a pas hésité à tirer à boulets rouges.
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Publié le 25-05-2023 à 19h31 - Mis à jour le 25-05-2023 à 19h46
Moins de 48 heures après avoir provoqué la polémique, Alexander De Croo a été prié de s’expliquer face au Parlement.
Pour rappel, le Premier ministre a divisé sa majorité en affirmant, dans Terzake (VRT), être favorable à une “pause” en matière de législation européenne sur le climat.
Une fois n’est pas coutume, le Premier ministre a été interrogé sur ce sujet explosif par l’ensemble des partis représentés à la Chambre.
Mais aux treize députés qui l’ont interrogé, Alexander a fait du “De Croo”. Il a réaffirmé sa position en l’enrobant dans une bonne couche de principes généraux tout en évitant soigneusement de répondre aux questions trop pointilleuses.
”Nous sommes ici face à un débat existentiel”, a lancé le Premier ministre. “Nous avons une seule mission, à savoir faire en sorte de parvenir à la neutralité climatique d’ici 2050. Je dois confesser que je suis un optimiste d’un point de vue climat… Et je pense qu’on est capable de le faire si on le fait avec plus d’innovation, plus d’investissements et plus de croissance économique… Nous le ferons, ensemble, avec notre économie, avec nos PME et avec nos grandes industries. Si on perd cela, on n’y arrivera tout simplement pas.”
Alexander De Croo a d’abord rappelé que la Belgique soutient “Fit to 55”, la feuille de route de l’Union européenne visant à réduire de 55 % les émissions d’ici à 2030.
”La position du gouvernement fédéral est limpide”, a ajouté Alexander De Croo. “Il faut réaliser complètement “Fit to 55”. Nous disposons de toute la capacité requise et de toute la technologie pour y parvenir.”
Mais Alexander De Croo a également abordé les autres législations européennes en préparation, dont la “Nature Restoration Law”, soit la loi européenne de restauration de la nature, qui divise.
”Quand on sait tout ce qui est en préparation, il me semble logique de vouloir éviter qu’un paquet de mesures n’entre en conflit avec un autre paquet”, a expliqué Alexander De Croo. “D’ailleurs, nous ne sommes pas le seul pays à avoir ce débat… Les pays scandinaves se posent également des questions sur la manière dont ils vont organiser cela. Ces pays n’ont pas la réputation de nier le changement climatique. Au contraire, ce sont des États qui sont souvent plus ambitieux que la Belgique, et nous devons nous mesurer à eux.”
”Il faudra s’écouter mutuellement”
Le Premier ministre a indiqué qu’il avait durant les mois précédent interpellé ses collègues européens et a indiqué que la plupart des industriels veulent avancer dans la transition net partagent les ambitions des dirigeants.
”Ils demandent qu’on crée le cadre”, a ajouté Alexander De Croo. “Pour y parvenir, il faudra bien s’écouter, voir quels sont les problèmes et trouver des solutions. … Quelle sera la position de notre pays ? Ce sera une position où les entités s’écouteront mutuellement. On ira aussi voir les autres pays pour savoir comment ils comptent concrétiser ces ambitions, tout en dialoguant avec les citoyens et les entreprises. Que ce soit clair : nous, Européens, pouvons gagner la bataille contre le réchauffement climatique. Et nous la gagnerons, parce que notre pays sera un pionnier.”
L’intervention d’Alexander De Croo n’a pas convaincu tout l’hémicycle. Ni le PS, ni Écolo-Groen ne l’ont applaudi après sa prise de parole.
”Je ne comprends pas pourquoi vous séparez la protection de la nature et de la biodiversité du CO2”, a répliqué le chef de groupe Gilles Vanden Burre (Écolo). “Protéger la nature, c’est protéger le climat, notre économie et notre bien-être.”
Les socialistes, eux, ont rappelé et défendu les objectifs climatiques du gouvernement. “Vous devez les défendre”, a lancé Melissa Hanus (PS). “Quand le toit brûle, on ne demande pas aux pompiers de faire une pause.”
L’opposition tire à boulets rouges
Sans surprise, les critiques les plus vives ont émané des bancs de l’opposition. “Votre intervention était énergétique, mais rien n’est advenu”, a lancé le chef de groupe N-VA Peter De Roover au Premier ministre. “Mais si vous tenez à votre crédibilité, sachez que nous sommes disposés à changer d’idées en matière de sortie du nucléaire. Il faut passer à l’action.”
Pour le député et président de Défi, François De Smet, les propos d’Alexander De Croo illustrent le manque de cohérence du gouvernement : “Sept partis et aucune vision climatique et environnementale cohérente. Cette séquence illustre ce que nous savions déjà : il n’y a pas de politique climatique et environnementale dans la Vivaldi. Il y a une addition de visions différentes et légitimes chacune dans leur genre. Qui ne produit pas la dynamique dont nous avons besoin. Nous sommes en train de perdre du temps.”
Du côté des Engagés, on fustige aussi l’absence d’un cap pour rassurer le monde des entreprises. “Même la moitié des partis de votre propre gouvernement ne vous ont pas applaudi. C’est dire qu’ils sont restés sur leur faim”, a lancé Maxime Prévot, député et président des Engagés. “Évidemment, il faut du volontarisme. Mais pas du volontarisme à reculons, comme vous l’avez témoigné dans votre réponse. Pour protéger les entreprises, la première chose dont elles ont besoin, c’est d’un cap, de sécurité juridique et de stabilité. Elles doivent savoir de quoi demain sera fait. Et je peux vous dire qu’aujourd’hui, elles sont beaucoup plus préoccupées par l’absence totale de vision avec laquelle la politique énergétique est menée dans ce pays que par les questions liées à l’accroissement des normes européennes.”
Enfin, pour Sofie Merckx du PTB, Alexander De Croo ferait mieux d’évaluer l’impact des mesures pour le portefeuille des gens que pour les entreprises. “Il ne faut pas une pause. Il faut de l’accélération. Où sont les transports publics gratuits ? Où sont les logements isolés ? Où sont les investissements pour une énergie verte ? C’est cela dont nous avons besoin.”