Mobilier du Parlement wallon: le Bureau transmet le dossier à la Justice
L’actuel Bureau du Parlement wallon a décidé de déposer le dossier du marché public "Mobilier" dans les mains de la Justice. C’est aussi le cas pour tous les marchés publics et leurs avenants qui touchent à l’extension immobilière du Parlement, ainsi que la jonction piétonne.
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Publié le 15-05-2023 à 18h37 - Mis à jour le 15-05-2023 à 18h55
Un marché public de 2,1 million d’euros avait été attribué en février 2021 à la société namuroise Berhin. celle-ci a fourni la totalité du mobilier qui équipe aujourd’hui la nouvelle extension du Parlement wallon (dite "maison des parlementaires") et la maison de la présidence.
La question est de savoir si l’entreprise a été favorisée lors de la procédure qui lui a permis de décrocher ce marché public. Berhin a en effet fourni des fiches techniques au préalable, à la demande des architectes de l’extension immobilière. Et il y a une similitude troublante entre ces fiches et le cahier des charges finalement rédigé.
Berhin, qui a au passage demandé et obtenu un bonus de 200 000 euros via un avenant, se défend de tout favoritisme. Mais vu la suspicion qui pèse sur ce marché public (et vu le nombre de secousses sismiques qui font trembler l’institution depuis des mois), un Bureau du Parlement wallon avait été convoqué ce lundi à 15 heures par son président André Frédéric, en présence de Me Jean Bourtembourg.
"En suite de cet examen, il a été décidé unanimement de dénoncer les faits au Procureur du Roi et de lui communiquer l’intégralité du dossier en possession du Parlement", lit-on dans le communiqué qui a suivi cette réunion.
"Dès que le dossier sera transféré à Madame la Juge d’Instruction, le Bureau se constituera également partie civile".
Tous les marchés publics au scanner
Et tout va y passer. Me Bourtembourg avait en effet été chargé par le Bureau de passer en revue l’ensemble des marchés publics, avenants compris, concernant l’extension du Parlement et aussi la jonction piétonne. Il s’agissait de relever pour chaque marché l’autorité qui a pris la décision, pour quel montant, avec quel niveau de liquidation des factures, etc. Tout sera transmis au Parquet.
Il semble que le Bureau ne veuille rien laisser traîner dans les coins. "On sait que la majorité des pièces sont déjà en possession de la Justice", précise André Frédéric. "Mais on va compléter avec ce qu’on a", dit-il.
Il répète qu’il a bien l’intention de faire " toute la clarté" dans le tumulte ambiant, même s’il a " hérité de la situation le jour où il a pris ses fonctions ", le 21 décembre dernier.
La décision de saisir la Justice a été prise à l’unanimité du Bureau, y compris pour l’opposition PTB et Les Engagés.
Les membres de l’ancien Bureau se manifestent aussi
Le Bureau actuel pourrait ne pas être le seul à vouloir se constituer partie civile. En effet, le député Écolo Manu Disabato, membre de l’ancien Bureau présidé par Jean-Claude Marcourt, y réfléchit, lui aussi.
Manu Disabato a siégé au Bureau de 2019 jusqu’à la démission plus ou moins collective de l’organe de gestion du Parlement wallon, en décembre 2022.
Selon lui, des éléments de ce marché "Mobilier" ne leur ont pas été communiqués, ni par Jean-Claude Marcourt, ni par le greffier suspendu Frédéric Janssens. "Notamment le fait que la société sélectionnée (Behrin) a été consultée pour la rédaction du cahier spécial des charges ", écrivait-il au président André Frédéric et à la greffière Sandrine Salmon, le 4 mai dernier.
Il veut voir "tous les documents qui ont trait à ce marché public", en ce compris le procès-verbal du jury de sélection, auquel aurait participé l’ancien président Jean-Claude Marcourt, le greffier Frédéric Janssens et deux agents du greffe désignés par lui. Ensemble, ils ont noté les échantillons anonymisés du mobilier à commander.
"Je souhaite également avoir connaissance du mail ou de tout autre élément relatif à ce marché avec d’autres sociétés sélectionnées ou non sélectionnées ou qui n’ont pas rentré de projet", poursuit Manu Disabato.
Quand il aura pu consulter ces documents, le député Écolo décidera s’il y a lieu de "dénoncer les faits, le cas échéant comme ancien membre du Bureau, auprès du parquet ".
"On doit être en mesure de vérifier s’il y a eu fraude au marché public ou pas", explique-t-il.
La puce à l’oreille
Il dit n’avoir vu passer qu’un prix global et le cahier des charges. Qui ne lui a pas mis la puce à l’oreille ? Cette description minutieuse du mobilier ne lui a pas parue suspecte ? "Non, ça n’a pas éveillé mon attention. Mais la différence de prix entre les deux offres, si (NDLR: 750 000 euros). Jean-Claude Marcourt m’a notamment répondu que l’offre Berhin intégrait du matériel plus durable. Mais on n’a pas eu le dessous des cartes."
Dans le cadre de ce marché public, les critères de qualité ("ergonomie" et "esthétique") représentaient 40 points sur 100, le critère économique 30 points, le critère garantie/durabilité 20 points et la méthodologie 10 points. La société Berhin a coché toutes les cases, face au seul autre candidat en lice, l’entreprise Kinnarps de Wemmel. Sauf pour le critère économique (le prix, donc), représentant donc dans ce cas-ci seulement 30% de l’évaluation, soit le seuil minimal défini par la jurisprudence. La société Kinnarps décrochait en effet 30 points sur 30 pour ce poste (19 sur 30 pour Berhin).
Le président André Frédéric et la greffière Sandrine Salmon ont répondu positivement à la demande de documents du député Écolo. Le temps, pour les services du greffe, de les rassembler…
Les députées MR Jacqueline Galant et Sybille de Coster-Bauchau, ainsi que la socialiste Sophie Pécriaux, elles aussi anciennes membres du Bureau précédent, ont formulé la même demande, dans la foulée de l’élu Écolo.