Fonds libyens : pourquoi le prince Laurent est loin d'avoir perdu son combat pour récupérer l’argent de sa fondation
Ali Mohammed Hassen, le président de la Libyan Investment Authority, est parvenu à faire supprimer son inscription sur une notice rouge d’Interpol. Une inscription liée au conflit juridique entre le prince Laurent et le Fonds souverain libyen. Si le frère du roi Philippe mène un combat pour récupérer les millions dus à son ex-fondation, la décision surprenante d’Interpol ne devrait pas changer grand-chose…
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Publié le 15-05-2023 à 20h09 - Mis à jour le 16-05-2023 à 06h29
Le Dr Ali Mohammed Hassen, PDG de Libyan Investment Authority – la LIA, le fonds souverain de l’État libyen –, devra-t-il un jour se mettre à table face au juge d’instruction Michel Claise?
Pour rappel, la LIA et le prince Laurent sont engagés dans un bras de fer juridique. Le frère du roi Philippe voudrait pouvoir récupérer les millions d’euros que doit l’État libyen à son ex-ASBL, la Global Sustainable Development Trust (GSDT).
Notice rouge
Mais ce lundi, dans ce qui ressemble à une campagne de communication, la LIA annonce que le Dr Ali Mohamen Hassen vient de remporter une manche contre le prince Laurent. L’inscription du PDG sur une notice rouge d’Interpol a été supprimée.
Ce lundi, dans ce qui ressemble à une campagne de communication, le Dr Ali Mohamen Hassen annonce qu’il vient de remporter une manche contre le prince Laurent. Selon la LIA, l’inscription du Dr Ali Mohamen Hassen sur une notice rouge d’Interpol a été supprimée.
Pour rappel, Interpol est une organisation gouvernementale qui gère une banque de donnée dans laquelle les pays peuvent renseigner leurs mandats d’arrêts internationaux. Et Interpol peut, sur base de ces mandats d’arrêts, inscrire le nom des concernés sur une notice rouge.
La notice rouge n’est pas un mandat d’arrêt. Il s’agit simplement d’une demande adressée aux polices du monde entier de localiser une personne et de procéder à son arrestation provisoire dans l’attente de son extradition.
Mais selon la LIA, le Bureau central national d’Interpol en Belgique a considéré que cette inscription n’était pas conforme aux règles de l’organisation. Et elle a ordonné la suppression de celle-ci.
“La Libye a réussi à les convaincre que le conflit qui oppose le fonds souverain et l’ASBL du prince Laurent serait un dossier politique entre États”, analyse Me Laurent Arnauts, l’avocat du prince Laurent. “C’est assez surprenant, parce que l’ASBL du prince n’est pas vraiment l’État belge.”
Le mandat d’arrêt reste valable et a été confirmé !
La suppression de cette inscription ne rend pas le mandat d’arrêt international caduc. Car ce que la LIA ne raconte pas, c’est qu’elle a perdu un autre combat.
Le fonds avait contesté le mandat d’arrêt. Or, dans un arrêt rendu le 21 février 2023, la chambre des mises en accusation a clairement confirmé la validité de l’instruction et du mandat d’arrêt.
“La décision surprenante d’Interpol n’entrave en rien le mandat d’arrêt international émis”, ajoute Laurent Arnauts. “S’il tente d’entrer dans l’espace Shengen, il sera arrêté. Tout comme dans les pays avec qui la Belgique a conclu des traités bilatéraux. S’il rentre, par exemple, aux États-Unis, il se fera appréhender.”
Le calvaire du prince Laurent pour récupérer l’argent des condamnations
Depuis 2014, le Prince tente de récupérer les 50 millions. Mais la Libye semble prête à tout pour ne pas payer.
Pour comprendre cette incroyable affaire, il faut revenir en 2007. À l’époque, la Libye est dirigée d’une main de fer par Mouamar Khadafi.
À la tête de l’asbl GSDT, le Global Sustainable Development Trust, le prince Laurent se lance dans de vastes projets de reforestation le long de la côte. L’objectif est de créer un véritable rempart naturel contre l’avancée du Sahara.
Un contrat de 70 millions d’euros est signé en 2008 avec le ministère libyen de la Politique agricole. Hélas, le projet va rapidement capoter, entraînant de lourdes pertes pour GSDT. Entre-temps, le printemps arabe fait chuter le régime de Kadhafi et les avoirs du régime sont gelés.
En 2014, la cour d’appel de Bruxelles condamne la Libye à indemniser GSDT à hauteur de 50 millions d’euros pour rupture unilatérale de contrat. Afin de faire appliquer la décision, le prince Laurent et son conseil se lancent dans de nouvelles procédures.
“Nous avons déposé des plaintes avec constitution de partie civile contre la LIA, mais aussi contre une série de personnes”, explique aujourd’hui Me Laurent Arnauts. “C’est dans ce cadre-là, que le juge d’instruction a mené une enquête sur la façon dont une partie des fonds ont quitté la Belgique.”
Début 2022, le juge d’instruction Michel Claise émet un mandat d’arrêt contre le président de la LIA, le fonds souverain libyen. Lors de l’enquête, le juge d’instruction a procédé, en 2017, à la saisie de 15 milliards d’euros de fonds libyens, gelés chez Euroclear en raison de sanctions contre le régime de l’ex-chef d’État libyen Mouammar Kadhafi.
Mais malgré ce gel, près de deux milliards d’intérêts ont disparu. Ils auraient été illégalement dégelés par les autorités et envoyés vers des comptes à Londres et à Bahrein.
Du côté de la défense du prince Laurent, on estime que cette nouvelle décision d’Interpol est liée à tentative, de la part de la Libye de “politiser” le dossier. Pour Me Arnauts, la Libye veut impliquer le Prince Laurent “afin de ne pas payer ses dettes, et d’échapper à l’enquête sur la destination des deux milliards d’euros disparus en violation des sanctions de l’ONU.”