Germain Mugemangango et le PTB plaident pour que l’on confie le contrôle des élections à la Cour constitutionnelle
Au moment où les parlements régionaux adaptent les règles relatives au contrôle des scrutins, le député PTB Germain Mugemangango lance un appel pour réviser la Constitution afin de confier à une juridiction indépendante la vérification des pouvoirs des parlementaires
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Publié le 11-05-2023 à 06h30
Ce mercredi, le Parlement flamand s’est penché sur une modification de son règlement concernant la validation des élections et la vérification des pouvoirs.
Une initiative que l’on retrouve de façon presque synchronisée dans les autres parlements régionaux. Elle est la conséquence d’un recours introduit en 2014 par Germain Mugemangango devant la Cour européenne des droits de l’homme. Cette Cour qui a décidé, dans un arrêt assez inédit, de condamner l’État belge.
À 14 voix près…
Retour au 25 mai 2014. Ce jour-là, les électeurs sont invités à renouveler l’ensemble des assemblées du pays, dont le Parlement wallon.
Or, dans la circonscription de Charleroi, Germain Mugemangango se présente au Parlement wallon sur la liste “PTB-GO”. Et le dépouillement des bulletins de vote fait apparaître que si la liste avait recueilli 14 voix de plus, elle aurait obtenu un siège via le système de l’apparentement.
Invoquant des anomalies dans le dépouillement – notamment un nombre plutôt élevé de votes nuls – Germain Mugemangango introduit une réclamation auprès du Parlement wallon.
La commission “de vérification des pouvoirs”, constituée d’élus, considère que la réclamation est recevable et fondée et propose au Parlement de ne pas valider les pouvoirs des élus du Hainaut et de procéder au recomptage des bulletins à Charleroi. Mais en séance plénière, cette dernière demande est rejetée par 43 voix contre 28 et 4 abstentions.
Les nouvelles règles
En juillet 2020, la Cour européenne des droits de l’homme donne raison à Germain Mugemangango. Elle condamne l’État belge pour avoir violé le droit à un processus électoral équitable et le droit à un recours effectif. Ce qui a provoqué ces dernières semaines une série d’adaptations des règles de contrôle.
Au niveau wallon, une première version a été présentée aux élus. “Ce texte propose de tirer au sort les députés qui composent la commission de vérification des pouvoirs”, explique Germain Mugemangango, qui siège depuis 2019 comme chef de groupe PTB au Parlement wallon. “Les personnes qui introduiront un recours pourront aussi se défendre en séance plénière.”
Mais pour le député PTB, ces changements ne vont pas assez loin. “Cela ne change rien sur le caractère non-impartial dénoncé par l’arrêt. Ce sont les députés fraîchement élus qui, in fine, devraient décider de se saborder eux-mêmes. Ce qui n’arrivera jamais”, analyse Germain Mugemangango. “Pour répondre à un critère d’impartialité, il faut qu’une juridiction indépendante soit responsable de la vérification des pouvoirs des parlementaires et puisse valider ou invalider les recours. Et la Cour constitutionnelle pourrait par exemple tenir ce rôle.”
Face à cette question, le PTB plaide, tant en Wallonie qu’en Flandre, pour qu’il y ait des prises de position claires des autres partis. “Jusqu’à maintenant, cette position n’a jamais été exprimée”, estime Germain Mugemangango. “Dans les différentes assemblées, on observe des modifications cosmétiques du règlement. Mais pour être en conformité avec l’arrêt, une modification de la Constitution s’impose. Si, dès 2015, les autres partis s’étaient positionnés pour changer les règles, les articles de la Constitution permettant de confier ce contrôle à une juridiction indépendante auraient pu être soumis à révision. Hélas, on va se retrouver en 2024 avec une procédure de contrôle qui restera imparfaite.”
On ne change pas la Constitution belge d’un claquement de doigts…
L’arrêt “Mugemangango c. Belgique”, rendu par la Cour européenne des Droits de l’homme en juillet 2020, a fait l’objet d’analyses et de commentaires. Marc Verdussen, professeur de droit constitutionnel à l’UCLouvain, a rédigé un article scientifique sur cette question, disponible sur le site de l’UCLouvain.
On y apprend notamment que la procédure de “vérification des pouvoirs” est un dispositif ancien choisi en 1831 et inscrit dans l’article 48 de la Constitution. Concrètement, le parlement doit s’assurer que chaque élu réunit toutes les conditions d’éligibilité et contrôler, en cas de réclamation, “que le processus électoral est exempt de toute irrégularité”.
Une procédure qui a déjà fait, selon l’article, l’objet de critiques doctrinales. Plus d’un auteur aurait appelé de ses vœux “l’attribution du contrôle post – électoral… à une juridiction indépendante et impartiale, officiant dans le respect des garanties inhérentes à un procès équitable.”
Mais pour confier un tel pouvoir à la Cour constitutionnelle, une révision de la Constitution s’avérerait indispensable. Or, la procédure organisée par l’article 195 de cette dernière est telle qu’il faut attendre que les deux articles permettant ce changement soient repris dans les prochaines déclarations de révision qui, sauf dissolution anticipée, seront adoptées à la fin de la législature, donc au printemps 2024.