L’ancienne forge d’ArcelorMittal fermera peut-être dans 10 jours : "On nous regarde mourir à petit feu"
L’entreprise Halo Steelrings de Seraing fermera peut-être ses portes dans 10 jours. Pourtant, la forge coche toutes les cases de la relance et de la transition. Sur le terrain, c’est l’incompréhension la plus totale.
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Publié le 03-05-2023 à 18h42 - Mis à jour le 03-05-2023 à 18h43
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"Tout est là, des clients, des marchés porteurs et un personnel qualifié", résume un employé. Chez Halo Steelrings (ex-ArcelorMittal Ringmill) à Seraing, l’anxiété des 60 collaborateurs de la forge est devenue aussi dense que les couronnes laminées qui ont fait la réputation de l’usine.
La liquidation avec cession d’actifs a été prononcée il y a 9 mois. La dernière couronne a été produite le 29 mars dernier. Et le 15 mai, sauf retournement de situation, ce sera le clap de fin. Il reste un candidat à la reprise.
Gigafactory
Halo Steelrings a pourtant des projets d’avenir, minutieusement coulés dans un business plan. L’éolien offshore, la mobilité décarbonée (le tram) et l’hydrogène vert en sont les piliers. Soit trois créneaux stratégiques que les autorités publiques ont choisi de soutenir financièrement pour réindustrialiser l’Europe.
Dans l’entreprise en liquidation, on a besoin de 5 millions pour redémarrer rapidement la production et renouer avec la rentabilité. "Dès la première année, l’entreprise serait en boni . La direction en a fait la démonstration", rappelle Jean-Luc Lallemand, secrétaire permanent FGTB.
À 500 mètres de là, le groupe John Cockerill devrait développer sa deuxième gigafactory: un site de production d’électrolyseurs pour la filière "hydrogène vert". L’investissement de 100 millions€ est soutenu à plus de 50% par des fonds publics fédéraux et wallons, sous réserve d’un ancrage local.
"Ils ont besoin de pièces pour les cellules des électrolyseurs: de 40 000 à 50 000 couronnes par an, en moyenne, pour une gigafactory. Ces pièces, on peut les fabriquer, explique-t-on sur le site de l’entreprise en liquidation. La technique, on l’a. On est entré dans le projet très tôt, avec la gigafactory développée par John Cockerill en Alsace. On peut considérer que nous sommes un fournisseur lambda pour le site alsacien. Mais pas pour la gigafactory de Seraing: nous aurions l’avantage concurrentiel de ne générer aucun coût de transport. Ils sont dans notre arrière-cour…"
Offshore
Les couronnes d’acier de Halo Steelrings sont aussi destinées au transport public: "L’usine fournit les bandages (NDLR: les"pneus"des trams) depuis des dizaines d’années. La STIB a d’ailleurs écrit pour exprimer son inquiétude, si on devait fermer. Et aussi pour garantir ses commandes", explique Jean-Luc Lallemand. En effet, sur le marché, les fabricants de bandages ne se bousculent pas.
La forge de Seraing travaille aussi avec CAF, le groupe espagnol qui fournit les rames pour le tram de Liège.
D’autres clients ont fait savoir qu’ils seraient en difficulté si la boîte mettait la clé sous le paillasson. Comme cette entreprise de Nantes, NOV-BLM, active dans la fabrication de bateaux spéciaux qu’on surélève en mer pour construire des éoliennes offshore. Halo Steelrings produit des éléments d’engrenage pour ces bateaux, autre maillon essentiel d’un secteur en vogue. "On a aussi un avenir dans ce créneau ", dit-on à la forge sérésienne.
L’esprit du temps
Tous les courriers de soutien des clients ont été envoyés à la Région wallonne, comme autant de promesses et de garanties pour le futur et le carnet de commandes. Mais le ministre wallon de l’Économie Willy Borsus ne le cache pas: si aucun partenaire industriel ne se manifeste aux côtés de Halo Steelrings, il est probable qu’on en reste là.
À l’usine, on se perd en conjectures. "Notre avenir est centré sur des secteurs porteurs. On est tout à fait dans l’esprit du temps. Mais personne n’agit. Tout le monde nous regarde mourir à petit feu."