Sofie Merckx, députée PTB, l’affirme: “Le gouvernement De Croo laisse les gens seuls face à leur sort”
Ce lundi, le PTB fêtera le 1er mai autour d’un slogan “Tax the rich”. Pour l’occasion, Sofie Merckx, cheffe de groupe PTB à la Chambre, plaide pour rendre l’accès aux médecins et aux dentistes totalement gratuit. Interview.
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Publié le 29-04-2023 à 04h00 - Mis à jour le 29-04-2023 à 07h32
Selon une étude du PTB, de plus en plus de malades ont reporté des soins ces derniers mois. Comment expliquez-vous cela ?
Nous avons réalisé une étude avec 1200 patients qui fréquentent les maisons médicales de Médecine pour le peuple. Et nous avons pu observer que de plus en plus de personnes postposent des soins. Nous pouvons constater un lien entre les personnes qui ont reçu des factures énergétiques élevées et celles qui ont postposé un rendez-vous chez le médecin, le dentiste, le kiné ou l’achat de médicaments.
Face à ce constat, vous estimez donc qu’il ne faudrait rien avoir à payer…
Exactement. Avec le PTB, et depuis des années, nous mettons déjà cela en pratique dans nos maisons médicales. Nous voudrions étendre ce principe à l’ensemble du pays. Nous l’avons intégré dans une proposition de loi que nous avons mise sur la table du parlement. Et nous avons déjà recueilli des avis positifs, notamment de l’Inami.
Car quand vous pouvez vous rendre gratuitement chez le médecin, cela permet d’éviter des problèmes de santé ultérieurs qui coûteront plus cher à l’État. Pouvoir se rendre chez un médecin ou un dentiste sans avoir débourser d’argent devrait être un droit. Nous espérons donc que notre proposition de loi sera soutenue et votée.
Mais elle sera sans doute refusée par la majorité…
Avec la Vivaldi, on observe un retour vers des politiques d’austérité. C’est vraiment une mauvaise idée, car si l’on fait des économies dans les soins de santé, on le paiera plus tard. On l’a vu avec le Covid-19. Au PTB, nous pensons qu’il faut investir davantage dans la santé et nous espérons qu’on obtiendra le soutien d’autres partis pour notre proposition de loi.

Après le Covid-19, le monde politique a affirmé qu’il n’y aurait plus d’économies réalisées sur les soins de santé. Cette promesse a-t-elle été respectée ?
Quand on regarde aujourd’hui la situation dans les hôpitaux, on peut voir qu’elle est catastrophique. Et je pèse mes mots. Il y a un certain nombre d’infirmières qui quittent le secteur. On a même fermé des lits et des services par manque de personnel. Les mesures que nous avons arrachées, notamment, avec le fonds blouse blanches, sont clairement insuffisantes. Et le gouvernement a depuis décidé de couper dans la norme de croissance des soins de santé, ce qui est inacceptable.
Vous faites un lien entre le report des soins et la hausse des factures énergétiques. Que préconisez-vous pour alléger la facture ?
À notre sens, un blocage des prix est tout à fait faisable. C’est d’ailleurs ce que la France a montré. Les prix de l’énergie y sont bien moins élevés qu’en Belgique. Il faudrait donc garder une TVA à 6 % qui ne soit pas compensée par une hausse des accises.
Le gouvernement De Croo a décidé d’aller chercher 500 millions d’euros dans la poche des citoyens en mettant en place de nouvelles accises depuis le 1er avril. Du côté du PTB, nous avons déposé une proposition de loi pour annuler cette mesure.
Nous sommes à la veille du 1er mai. Quel bilan tirez-vous du gouvernement De Croo en matière de travail ?
Quand je vois que les travailleurs de Delhaize subissent une précarisation et qu’ils doivent aller travailler davantage pour moins d’argent, j’estime que le gouvernement De Croo laisse les gens seuls face à leur sort.
On le voit aussi avec le dossier des pensions. Travailler jusqu’à 67 ans, c’est impossible pour de nombreuses personnes. Il n’y a aucune solution pour les métiers pénibles.
Enfin, on voit qu’il y a un déficit budgétaire important. Et la question qui doit se poser, c’est “qui va payer ?”. Est-ce qu’on va faire payer les travailleurs par de nouvelles taxes à gauche et à droite ? Ou va-t-on finalement viser les épaules les plus larges comme les milliardaires ou les millionnaires de ce pays ?
“Avec le PS, il y a toujours une différence entre la parole et les actes”
Le PTB plaide depuis longtemps pour la mise en place d’une taxe sur les grosses fortunes. N’est-ce pas une solution un peu trop simpliste pour résoudre les problèmes budgétaires ?
Nous ne sommes pas les seuls à l’évoquer. Une étude d’Oxfam a démontré qu’avec le Covid-19, il y avait de plus en plus de milliardaires dans notre pays. En l’an 2000, on comptait un seul milliardaire. Aujourd’hui, il y en a 37 !
Cette taxe sur les grandes fortunes, ce n’est pas de la théorie, ça peut être mis en pratique.
Ce 1er mai, le PTB et le PS seront sur le pont pour la fête du travail. Pourquoi le PTB représenterait-il mieux les travailleurs que le PS ?
Le problème avec le PS, c’est que c’est qu’il y a toujours une différence entre la parole et les actes. On sent que le souffle chaud du PTB fait que les discours et les prises de position du PS sont davantage à gauche. Mais dans le concret, les gens attendent toujours qu’on prenne, par exemple, des mesures par rapport à la pension à 67 ans. Le PS avait affirmé qu’il allait remettre la pension à 65 ans. Aujourd’hui, les socialistes tiennent un discours selon lequel il faudrait travailler plus longtemps. Et sur le terrain, les ouvriers, infirmières, pompiers et travailleurs se disent que c’est impossible. On voit aussi que par rapport au 1er mai, le PS a réalisé, comme le PTB, une campagne autour du slogan “Tax the rich”. C’est très bien, mais la Vivaldi n’a mis en place qu’une taxe sur les comptes-titres. Elle rapporte effectivement 400 millions d’euros, mais les milliardaires n’ont pas leurs actions sur des comptes-titres. Et donc ils ne paient rien…
Elle l’a dit aussi sur…
Sur l’attitude des autres partis dans l’affaire des plafonds de pension
“Devant les caméras, les députés jouent tous les étonnés. L’affaire semble leur tomber dessus. Mais quand la caméra est éteinte, on entend dire “Oui, mais ça concerne tous les cumulards. Le PTB n’a rien découvert, car tout le monde savait…” Apparemment, tout le monde savait, sauf les gens et le PTB qui a remarqué cela en analysant en détail le règlement de la caisse des pensions.”
Le rapprochement entre la N-VA et Vooruit
“Cela nous inquiète, car il faut que la gauche reprenne des couleurs en Flandre. Or, il est de notoriété publique que Vooruit table sur une alliance en 2024 avec la N-VA. J’ai envie de leur poser une question : les travailleurs, qu’ont-ils à gagner ? Le programme socio-économique de la N-VA est à droite. Au PTB, nous pensons qu’il y a moyen de faire de la politique autrement.”
Le PS, un partenaire possible pour gouverner dans certaines communes ?
“Le PTB, en 2024, a pour objectif de pouvoir imposer un rapport de force dans certaines communes et villes. Il est clair que le PTB ne fera jamais d’alliance avec le MR. Mais si l’on participe aux élections, c’est pour aller au pouvoir.”
Affaire Schlitz : “On n’utilise pas de l’argent public pour faire sa promotion personnelle”
Cette semaine, l’actualité politique a été marquée par la démission de Sarah Schlitz, secrétaire d’État à l’Égalité des chances.
La mandataire Écolo était au cœur d’une polémique suite à une affaire d’utilisation de son logo personnel dans la communication de projets subsidiés, mais aussi suite à des accusations de mensonges au parlement et a un amalgame douteux entre la N-VA et le régime nazi.
“Au PTB, nous pensons que cette démission était nécessaire. La faute était grave”, explique Sofie Merckx. “Mais quand je vois que la N-VA utilise cette démission pour affirmer qu’on n’aurait pas besoin d’un secrétariat pour l’Égalité des chances, je pense qu’ils infligent une gifle aux femmes et aux associations qui attendent aujourd’hui, par exemple la loi sur le féminicide qui est annoncée, mais dont on attend toujours les textes. Or, il s’agit quelque chose d’important car toutes les deux ou trois semaines, on déplore un féminicide en Belgique.”
Un écran de fumée ?
Parmi les observateurs de la vie politique, certains considèrent que l’affaire Schltiz a permis, pour les autres partis, de quitter la séquence compliquée de l’affaire des pensions des parlementaires.
“Je ne dirais pas que c’était une stratégie de diversion, parce que des fautes ont été commises par Sarah Schlitz”, estime Sofie Merckx. “Et ce n’est pas normal d’observer de telles pratiques dans un cabinet ministériel. On n’utilise pas de l’argent public pour faire sa promotion personnelle. Je pense qu’il y a bien eu une faute grave. Mais il est clair que pour certains, c’était effectivement “chouette” de pouvoir parler de cette nouvelle affaire. Car le PTB a bien démontré que l’ensemble des autres partis était impliqué dans l’affaire des pensions.”