Pensions des députés : en 2022, 49 députés ont dépassé un “super-plafond” qui pose question
Depuis 2013, les anciens députés qui ont cotisé dans le cadre d’une autre fonction peuvent dépasser le plafond de pension de 20 %. Un avantage suspect qui, dans 49 cas, a même été dépassé l’an dernier
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- Publié le 18-04-2023 à 21h59
- Mis à jour le 19-04-2023 à 07h29
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Nouveau chapitre dans la saga des pensions à la Chambre. Depuis 2014, d’anciens députés peuvent recevoir une pension qui dépasse de 20 % le plafond Wijninckx. Un plafond légal de 7813 € brut qui encadre toutes les pensions de la fonction publique. Ou presque…
Qui peut bénéficier de cet avantage ?
Les ex-parlementaires qui peuvent dépasser ce plafond de 1562 € brut sont ceux qui ont occupé antérieurement ou ont cumulé avec leur mandat de député d’autres professions ou fonctions. Et qui ont donc cotisé dans le cadre de l’exercice de celles-ci. Cela concerne, par exemple, les bourgmestres et échevins.
Il faut noter qu’en théorie, les parlementaires reçoivent au maximum 75 % de l’indemnité de base. S’ils n’ont cumulé aucune autre fonction publique, ils ne peuvent pas dépasser le plafond Wijninckx.
Mais avant 2014, il ne fallait que 20 années à la Chambre pour recevoir la pension maximale. Une règle très avantageuse qui a depuis changé. Depuis 2019, un député doit siéger 45 ans s’il veut recevoir une pension complète. Un changement qui fait suite à un accord, acté en septembre 2012, par les présidents des différents parlements.
EDITO | le sourire du contribuableLa mise en place de ce “super-plafond”
Est-ce le fruit du hasard ? Moins d’un an après cette décision, en 2013, il a été décidé, par une modification du règlement de l’ASBL Pensions des députés, que la fonction parlementaire serait assimilée à partir de janvier 2014 aux fonctions d’encadrement et management dans la fonction publique. Des hautes fonctions qui, depuis 2004, peuvent bénéficier d’un dépassement de 20 % le plafond Wijninckx.
Juridiquement, il n’y aurait rien d’illégal assure-t-on à bonne source. Même si dans Het Laaste Nieuws, cette disposition pour les députés étonne la professeure Ria Janvier, spécialiste des pensions publiques…
Enfin, bizarrement, il semble impossible de mettre la main sur le procès-verbal de cette réunion du 4 juillet 2013 où l’on a décidé de changer ces règles et d’instaurer un nouveau “super-plafond”.
Un contrôle difficile à réaliser
Si à l’ASBL Pensions des députés, on ne retrouve plus les p.-v. des réunions, on éprouve aussi des difficultés à obtenir les informations permettant de vérifier que les pensionnés ne dépassent pas le fameux “super-plafond”.
Comme elle n’a pas accès aux données du SPF Pensions, un formulaire est envoyé tous les deux ans aux intéressés pour connaître leur situation.
En 2022, suite à cette enquête, il a fallu réviser 49 dossiers sur les 600 parce que les bénéficiaires. Des trop-perçus récupérés par un écrêtement des pensions.
À l’avenir, afin de calculer ces écrêtements de façon plus efficiente, une convention devrait être passée entre l’ASBL Pensions des députés et le SPF Pensions.
Si le sujet est nébuleux, il fait toutefois débat au sein du parlement. Le PTB veut, notamment, que l’on supprime cet avantage. Et il y a fort à parier que l’existence de ce “super-plafond” sera abordée, ce mercredi, durant la réunion du Bureau de la Chambre.
Sofie Merckx : “Il faut abroger ce plafond de 120 %”
Pour Sofie Merckx, cheffe de groupe PTB à la Chambre, cette nouvelle “découverte” pose un problème éthique, mais aussi peut-être légal.

Sofie Merckx, vous dénoncez l’existence de ce “super-plafond” applicable aux retraites de certains députés. Pourquoi ?
Suite à la découverte des compléments de pension illégaux dont bénéficiaient certains anciens présidents de la Chambre, nous avons demandé la mise en place d’une commission d’enquête.
Et nous avons entamé d’autres vérifications. C’est ainsi que nous avons découvert qu’une partie de la pension des députés est, depuis dix ans maintenant, payée sous forme de rente, ce qui permet de dépasser de 20 % le fameux plafond Wijninckx qui s’applique normalement à toutes les pensions du secteur public.
Et ce plafond qui serait parfois dépassé parce que le contrôle n’est pas optimal…
Exactement. Le contrôle est même réalisé de manière hasardeuse par l’ASBL “Pensions des députés”. Tous les deux ans, elle envoie un questionnaire aux 600 anciens parlementaires pour connaître l’ensemble des pensions qu’ils perçoivent.
Or, en 2022, 70 retraités n’ont pas rempli pas leur formulaire. L’ASBL a également dû réaliser 49 corrections sur les 530 répondants.
De façon générale, nous estimons que ce plafond de 120 % n’est éthiquement pas défendable.
Et légalement, nous nous posons aussi des questions, surtout suite aux propos d’une professeur de l’Université d’Anvers dans Het Laatste Nieuws.
Aujourd’hui, que demande le PTB ?
D’abord, l’abrogation de cette règle des 120 %. Ensuite, il faut que le SPF Pensions reprenne la gestion des pensions des parlementaires.
Enfin, nous demanderons, au Bureau, que des avis juridiques sur la construction de cette disposition soient demandés. Et en cas d’illégalité, il faudra que les montants soient remboursés.