Les contrôleurs du fisc toujours moins nombreux: "Un manque de volonté politique"
De 2.870 en 2016, ils ne sont plus que 2.246 en 2022. Les contrôleurs du fisc sont de moins en moins. Des difficultés à recruter, pointe le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem. Un manque de volonté politique, rétorque le syndicat UNSP.
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- Publié le 14-04-2023 à 06h00
- Mis à jour le 14-04-2023 à 10h20
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"Vos réponses indiquent une sérieuse détérioration de la situation au sein de l’Administration générale de la fiscalité (AGFisc) du SPF Finances", écrit le député fédéral Marco Van Hees (PTB) au ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V), dans une question parlementaire.
Si en 2020, on évoquait un agent du fisc sur 4 disparu en 10 ans, le déclin semble se poursuivre. "Et ce, loin des engagements pris par les anciens et actuel gouvernements: à savoir le recrutement d’un nouveau contrôleur pour un contrôleur parti", regrette Éric Brisbois, responsable communication du syndicat UNSP Finances.
Selon des chiffres du ministre, les agents de contrôle de l’AGFisc sont ainsi passés de 2.870 en 2016 à une estimation de 2.246 au 31 décembre 2022, soit une baisse de 22% en quelques années. Et de 8% depuis que Vincent Van Peteghem est aux manettes (2020).
Ces agents sont chargés du contrôle en matière d’impôts pour les particuliers mais aussi les PME et les grandes entreprises.
Lutter contre la fraude
Dans sa réponse, le ministre tente de justifier la baisse: le SPF Finances n’échappe pas à la tension sur le marché du travail et les procédures de recrutement sont longues, dit-il.
Éric Brisbois (UNSP) y voit plutôt un manque de volonté politique: "Augmenter la lutte contre la fraude fiscale? On sent que ce n’est pas une priorité. Ça ne prend pas 5 ans pour recruter un agent! Plutôt que de dézinguer la fonction publique, il faudrait la mettre en évidence, pour motiver des gens à postuler."
Le nombre d’agents se maintient néanmoins sur le pilier "particuliers": de 196 à 199 équivalents temps plein entre 2018 et 2022. En revanche, pour le pilier "PME", le nombre de contrôleurs a baissé de 17,5% (de 2181 à 1799 agents) et de 14,5% pour le pilier "grandes entreprises" (de 255 à 218 agents).
Vincent Van Peteghem justifie là aussi la différence entre piliers: la pyramide des âges est plus élevée dans l’administration "PME", il y a donc plus de départs ; le pilier "grandes entreprises" a besoin de profils spécifiques, difficiles à recruter.
Moins de contrôles
Une baisse d’effectifs qui se traduit par une réduction "drastique" du nombre de missions de contrôle, observe le député Van Hees: de 131 820 à 93 645 contrôles (déclarations vérifiées, NDLR) entre 2017 et 2021 pour le pilier "PME" (-28,9%) ; et de 6 164 à 4 189 pour le pilier "grandes entreprises" (-32%).
Dans une note, le SPF Finances indique: "le nombre de missions de contrôle est en baisse car la charge de travail par mission est plus élevée." Et ce, "en raison de l’amélioration de la sélection de dossiers. Dès lors le nombre de dossiers non productifs clôturés prématurément baisse."
Malgré la diminution des effectifs, les montants des suppléments d’impôts liés à ces contrôles sont eux… en hausse. Pour le pilier "grandes entreprises", ils passent de 411 à 780 millions€ entre 2018 et 2022 et pour les "PME" de 559 millions à 793 millions€, d’après le ministre.
"Cela veut-il dire que la sélection des dossiers est meilleure? Ou que la fraude augmente ? Un peu des deux, estime Éric Brisbois (UNSP). Comme les contrôles baissent, on a moins peur du gendarme…"
Et d’ajouter: "Si les suppléments d’impôt augmentent alors que les effectifs diminuent, vous imaginez avec des effectifs constants ? Et un agent contrôleur rapporte plus que ce qu’il ne coûte !"
Pour Éric Brisbois, la baisse d’effectifs n’est plus à lier à la digitalisation. "Elle est là depuis longtemps. Aujourd’hui on peut dire que s’il y a moitié moins d’agents, il y aura moitié moins de dossiers contrôlés! La charge de travail des contrôleurs n’augmente pas. Ils ont un nombre de “points” à atteindre par an qui reste stable."
Du budget pour 2023
Dans sa réponse, le ministre veut rassurer: "lors de l’élaboration du budget 2023, le gouvernement a libéré des moyens afin de ramener la capacité de contrôle au niveau du 1er janvier 2018. Ce sera l’une des principales priorités du SPF Finances en 2023."
4,5 millions€ sont prévus pour l’AGFisc afin de recruter 89 agents supplémentaires. "C’est bien, réagit Éric Brisbois. Mais 89 agents, ce n’est que 4% d’effectifs en plus. Or, la différence est de 15% par rapport à 2018 (2 604 agents, NDLR) . Il faut aussi le temps que ces agents arrivent, soient formés. Entre-temps, d’autres seront partis."